Dans le petit monde de la métallurgie en Europe, tout le monde se connaît. Il n'est donc pas étonnant que les métallurgistes grecs, voisins régionaux des ukrainiens, leur aient transmis la méthode de fabrication du ferronickel, un procédé dont les grecs avaient hérité des métallurgistes de la SLN.
"Les ukrainiens sont des collègues agréables, on est dans la famille de la métallurgie. En 2005, les grecs leur ont transmis leurs astuces de fabrication des grenailles de ferronickel; eux-mêmes avaient obtenu le procédé des métallurgistes calédoniens de la SLN dans les années 50". Et depuis, "les ukrainiens savent faire des grenailles de ferronickel", a indiqué à La 1ère une source proche de l'industrie grecque.
L'enfer de la guerre : Marioupol
Les conteneurs de ferronickel produit dans l'Ouest de Ukraine ne prennent plus la route de Marioupol et de son grand centre sidérurgique. Le centre métallurgique de Pobuzhsky se trouve à plus de 500 kilomètres de la ville martyre. C'est l'enfer qui attend à l’intérieur du complexe industriel, une ville dans la ville. La dernière poche de résistance du régiment ukrainien Azov est encerclée et soumise aux bombardements incessants de l’armée russe. Le conglomérat, de taille "soviétique", n’est plus qu’un gigantesque monceau de ruines jonchées de cadavres.
Une usine de l'époque soviétique
Avant la guerre en Ukraine, Azovstal produisait notamment de l’acier brut mais aussi des rouleaux en acier inoxydable (7 à 8 % de nickel). Avec la destruction du centre industriel de Marioupol, l’Europe aurait aussi perdu une capacité annuelle de 6 millions de tonnes d’acier.
"On doit multiplier les sources d’approvisionnement, l’arrêt d’Azovstal crée un vrai problème dans un marché déjà sous tension, heureusement on a encore des stocks d’acier", commente une source proche du bureau d’études quimpérois, Acianov.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a aussi ajouté une couche supplémentaire d’incertitudes aux chaînes d’approvisionnement et aux marchés du monde entier. Le conflit a fortement impacté l’industrie du nickel.
Ferronickel d'Ukraine
Le producteur de ferronickel ukrainien PFP (Pobuzhsky Ferronickel ), créé à l’époque de l'URSS, en 1972, "tourne aujourd'hui à 50% de sa capacité, mais les processus et les équipements techniques sont en ordre", indique le groupe Solway, qui se veut rassurant, en réponse à La 1ère.
Manque de minerai, coupures d’électricité, 10.000 tonnes de ferronickel ukrainien devraient manquer cette année à l’industrie européenne de l’inox. Située dans la région de Kirovograd au sud de Kiev et à mi-chemin d’Odessa, l'usine PFP est encore épargnée par les combats. Pour l’heure, Varus, l’un des grands de la distribution alimentaire en Ukraine, assure que la région de Kirovograd est "suffisamment approvisionnée".
"La direction du site industriel et les autorités locales font tout leur possible pour assurer avec le groupe Solway la sécurité et l’approvisionnement des métallurgistes et de leurs familles. Nous avons reçu des alertes au raid aérien, mais il n’y a pas eu de bombardements de l’usine", précise le groupe industriel à La 1ère.
Du minerai de Calédonie aussi
L’usine PFP, de conception traditionnelle, a été rénovée en 2005, l’installation a été convertie pour produire du ferronickel à partir de minerais de nickel importés d’Indonésie, de Nouvelle-Calédonie, et plus tard du Guatemala.
"Le groupe Solway (propriétaire de l’usine) est toujours à la recherche d’opportunités. Il étudie les offres d’approvisionnement en minerai brut où qu’elles se trouvent, y compris en Nouvelle-Calédonie dont les livraisons les plus significatives remontent au milieu des années 2000". Solway a indiqué ne pas être en mesure de communiquer le nom de son fournisseur calédonien. Les documents contractuels se trouvant en Ukraine.
Odessa si loin de Nouméa
Depuis le début du conflit, toutes les livraisons de minerai ont cessé. Le port d’Odessa est bloqué par des unités de la flotte russe de la mer Noire. Le producteur ukrainien de ferronickel "vit sur ses stocks de minerai de nickel", conclut le groupe Solway; mais pour combien de temps ?