Assises : 16 ans de prison pour le meurtre d'un homme à Ouvéa en 2019

La cour d'assises de Nouméa.
Le meurtre d'un homme à l’arme blanche examiné ce jeudi par la cour d’assises, à Nouméa. Dans le box des accusés, un homme de 32 ans, poursuivi pour avoir poignardé un autre homme en 2019 à Ouvéa, à Banutr. Il a été condamné à 16 ans d'emprisonnement.

L’accusé, un homme de 32 ans, se tient aux côtés de son avocate devant la cour d'assises de Nouméa ce jeudi 24 mars. Il est placé sous bracelet électronique depuis le mois d’août 2020.

Les faits se sont déroulés le 19 août 2019, à Ouvéa. Deux hommes qui se rendent à un mariage font des achats dans un magasin de la tribu de Banutr, ils croisent la victime qui souhaite venir avec eux en voiture jusqu’à Mouli. L’accusé refuse, une altercation éclate entre l’accusé et la victime, un homme de 29 ans.

S’ensuivent des échanges de coups dont un coup de couteau au niveau du thorax qui sera mortel. La victime décèdera une minute après avoir été blessée au cœur. Entendu par la gendarmerie, dans ses premières auditions, l’accusé est alcoolisé et sous l’effet du cannabis, il nie avoir voulu donner un coup de couteau, donc tuer la victime.

Coups de poings et coup de couteau

L’accusé s’exprime ce jeudi 24 mars devant la cour. L’homme de 32 ans revient sur les faits de manière claire. Il livre aux jurés sa version des faits. Il dit "avoir voulu faire peur à la victime", car il ne voulait pas que la victime vienne dans la voiture. Après avoir pris un couteau à double tranchant sur le tableau de bord de la voiture dans laquelle il était, il sort du véhicule puis se bat avec la victime. Après de nombreux échanges de coups de poings, le coup de couteau part. 

À la question de la présidente : "La victime n’a pas eu peur du couteau?". L’accusé répond par la négative. Et d'ajouter : "Je pense que c’est lui qui a sauté sur le couteau. Je n’ai pas donné de coups de couteau". La présidente de la cour fait référence à la reconstitution des faits, "au vu de la blessure, l’expert explique que lors des faits, il y a eu deux actions : l’accusé s’est avancé, la victime aussi. La lame du couteau étant en face de la victime". 

L’interrogatoire met en évidence que l’accusé n’a pas montré à la victime qu’il avait un couteau en main en descendant de la voiture. En faisant référence à ses dépositions, Me Calmet, avocat de la partie civile, montre que l’accusé donnait des coups de poings à la victime et qu’il n’en recevait pas en échange, mis à part le premier coup. 

"Je l'ai repoussé"

L’avocate générale d'ajouter : "Vous aviez la possibilité de prendre le dessus sur la victime sans être armé. Vous étiez plus grand que lui, moins alcoolisé que lui…". L’accusé répond : "Je l’ai repoussé". L’avocate générale s’interroge sur d’autres plaies observées sur le corps de la victime, ce que réfute l’accusé. 

Interrogé par son avocate, l’accusé revient sur les rumeurs au sujet de la victime, "un homme qui commettait des bagarres, qui tapait les vieux… C’était un bagarreur durant les fêtes". À son avocate de rajouter : "Vous ne vouliez pas qu’il gâche le mariage ?". "C’est ça" répondra l’accusé. 

"Je me suis rendu compte que je l’avais blessé quand il s’est reculé. J’ai vu le sang, il était par terre", poursuit l’accusé.

Me Calmet de souligner qu’en l’absence de témoins dans ce procès, il tient à continuer l’interrogatoire de l’accusé. "L’arme que vous avez choisi, une arme létale à double tranchant, utilisée dans une zone vitale du corps de la victime, risquait d’entraîner la mort ?" L’accusé répond par l’affirmative. 

Pour homicide volontaire, il encourait jusqu’à 30 ans de réclusion criminelle. 

"Une mort inutile"

Jeudi après-midi, se sont déroulées les réquisitions de l’avocate générale, Isabelle Fuhrer, et la plaidoirie de la défense.

L’avocate générale a plaidé de rentrer en voie de condamnation, l’accusé ayant, selon elle, volontairement entraîné la mort de la victime le 19 août 2019, à la tribu de Banutr dans le district de Fayaoue. 

Pour Isabelle Fuhrer, les dossiers aux assises se succèdent et se ressemblent, malheureusement. "Une mort inutile, parce qu’il y a un vague litige entre deux personnes, ça donne une idée de vanité de l’existence, c’était une journée qui commençait bien avec un mariage et qui finit par des vies brisées", regrette l’avocate générale. "On ne sait rien sur la victime, nous n’avons même pas de photos, les témoins ne sont pas venus à la barre ce matin". 

Dans son réquisitoire, elle revient sur les faits en citant l’accusé : "J’ai mouillé la victime". L’homme a frappé de sa main gauche la victime, alors qu’il est droitier. Dans sa main droite, il tient le couteau. 

Le ministère public s’interroge: "Est-ce que dans cette bagarre, l’accusé a donné un coup mortel ? Ou est ce qu’il s’agit d’un homicide volontaire ?" La question est posée aux jurés.

16 ans d'emprisonnement requis

L’avocate générale expose plusieurs éléments qui montrent que l’accusé a volontairement donné la mort : il était très peu alcoolisé alors que la victime atteignait les 2,2 grammes par litre de sang, il était en position de supériorité et dans un self-control total. Il est muni d’une arme létale à double tranchant. Il a donné plusieurs coups de couteau. Il a touché le corps de la victime dans une zone vitale.

Et enfin, l’enquête n’a pas permis de répondre clairement à la piste d’un litige passé entre l’accusé et la victime.

L’avocate générale a conclu en soulignant que l’accusé n’a pas de condamnation à son casier judiciaire, et qu’il a réussi professionnellement. Elle ajoute en revanche que l’accusé ne prend pas ses responsabilités ni avec ses enfants, ni avec le drame. "Il a abandonné la victime en train d’agoniser, de manière extrêmement lâche." Elle n’a "pas entendu non plus de regrets à l’égard de la victime".

Elle a requis 16 ans d’emprisonnement. Peine retenue par les jurés, qui ont annoncé le verdict ce jeudi 24 mars en milieu d'après-midi : l'homme a été condamné à 16 ans de réclusion.

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