L’objectif ? Mieux connaître les conditions de vie des Calédoniens âgés de 15 à 30 ans, en portant une attention particulière à leurs modes de consommation de substances psychoactives, mais également connaître les expériences et les visions des professionnels qui travaillent avec les jeunes. Lors de la première phase de cette étude, pas moins de 1 200 jeunes (lycéens, en recherche d’emplois ou en service civique) et 124 professionnels (policiers, éducateurs, professeurs ou encore psychologues) ont été interrogés via des questionnaires en ligne.
Épaulée sur le terrain par deux anthropologues locaux, Évelyne Barthou, maîtresse de conférences à l’université de Pau et des Pays de l’Adour, notamment spécialisée en sociologie de l’éducation et de la jeunesse, livre quelques observations : “Si la quasi-totalité est consciente des dangers des drogues sur leur santé, trois quarts des jeunes interrogés disent consommer alcool et cannabis de manière festive, en groupe et parfois en famille”. 50% d’entre eux confient d’ailleurs avoir déjà vu leurs parents fumer du cannabis.
Un décalage entre la vision des professionnels et la réalité
L’enseignante-chercheuse a également décortiqué les résultats en fonction des communautés auxquelles les jeunes se sentent appartenir. Et un important décalage est notamment observé avec les représentations des professionnels. “On retrouve par exemple une sur-représentation de personnes se déclarant Vanuatais et Wallisiens chez les gros consommateurs, alors que du côté des professionnels, ce sont souvent les jeunes Kanak qui sont pensés comme les plus gros consommateurs. Ce qui n’est pas forcément le cas.”
Pour la consommation d’autres drogues que le cannabis et l’alcool, ce sont plutôt les Vanuatais et les Métropolitains (particulièrement pour la cocaïne) qui sont sur-représentés. “Et eux ne sont pas forcément pensés comme des consommateurs problématiques par les professionnels.”
La priorité, c’est avant tout de comprendre cette jeunesse et de lui donner la parole, elle a plein de choses à dire.
Évelyne Barthou, enseignante-chercheuse en sociologie
Incompréhension
Parmi les professionnels, 75% pensent que les jeunes vont mal, alors que 61% des jeunes interrogés déclarent avoir une excellente santé mentale. “Quand on voit le décalage entre leur représentation et ce que ressentent les jeunes, on voit bien qu’il y a un travail qui pourrait être conduit sur la jeunesse de façon plus large et pas que sur les questions de consommation et d’addiction, relève Évelyne Barthou. Il faudrait former ces professionnels, qui arrivent souvent de Métropole, et penser aussi, peut-être, à un recrutement plus local auprès de jeunes qui ont envie de travailler et de s’investir, mais qui n’arrivent pas toujours à passer les concours.”
Parmi les jeunes qui ont déjà consulté pour un problème d’addiction, deux tiers révèlent ne pas avoir reçu l’aide attendue par des professionnels et un quart estiment que ces derniers n’ont pas compris leurs problèmes.
Rapport complet courant 2024
L’étude - financée par le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse et qui s’appuie sur les projets de la Croix-Rouge et de la mairie de Dumbéa autour de la prévention des pratiques addictives des jeunes calédoniens - est entrée depuis plusieurs mois dans sa deuxième phase, avec des entretiens et des observations réalisées sur le terrain.
Suivront l’analyse des données, en début d’année prochaine, puis la publication d’un rapport complet courant 2024 qui devrait contribuer à l’amélioration des politiques de jeunesse du territoire.