Des mesures pour sauver les compagnies aériennes locales

Touchées de plein fouet par la crise sanitaire et la suspension des vols internationaux, Aircalin et Aircal ont vu leur trafic chuter drastiquement, depuis fin mars. Ce jeudi matin, au gouvernement, les deux compagnies aériennes ont fait le point sur les mesures destinées à redresser la barre.
Les menaces qui planent sur les deux compagnies sont bien réelles. Les acteurs de l’aérien et le gouvernement l’ont rappelé ce jeudi, chiffres à l’appui. Depuis le 21 mars, date de la fermeture partielle du ciel calédonien, Aircalin affiche une perte de 91 % de son trafic de passagers et de 30 % au niveau du fret. Cette suspension des vols internationaux, destinée à limiter les risques d’introduction du Covid-19, représente des pertes mensuelles de 570 millions de francs pour la compagnie internationale. Avec un chiffre d’affaires qui a chuté de 80 %, Aircalin pourrait « être en cessation d'activité d'ici à la fin de l'année », s'inquiète Diddier Tappero, son directeur général. 

Des destinations supprimées 

Pour passer ce cap difficile, la compagnie doit revoir sa feuille de route, avec quelques mesures emblématiques pour limiter la casse. Parmi elles, une réduction de la flotte, avec trois avions au lieu de quatre, l’un des A320neo étant finalement livré en septembre 2023 au lieu de février 2021. Autre point important : le programme de vols a été revu, et les destinations d’Osaka et de Melbourne supprimées
 

Des collectivités au chevet de la compagnie

La compagnie aérienne peut aussi compter sur le soutien de la Nouvelle-Calédonie, à travers le dispositif de chômage partiel, qui représente « 40 millions de francs par mois », signale Gilbert Tyuienon, le vice-président du gouvernement, en charge des transports. Didier Tappero salue « le maintien d’une activité aéronautique, qui est importante pour Aircalin mais aussi pour la Nouvelle-Calédonie », puisqu’elle « permet les vols de rapatriement » et les vols cargo. Des vols réquisitionnés par le gouvernement à hauteur d'1,2 milliard de francs. 
Autre « coup de pouce », la compagnie aura recourt au prêt garantit par l’Etat, à hauteur de 4,8 milliards de francs.
Le dispositif de chômage partiel est maintenu pour le personnel de la compagnie internationale.

Plan d'austérité au sein de l'entreprise

Enfin, Aircalin prévoit de gros efforts en interne, avec notamment une réduction de 20 % de la masse salariale sur cinq ans, ce qui représentera 5 milliards d’économie pour la compagnie. Des baisses de rémunération de 10 % pour tous les salariés sont envisagées et un plan de départ à la retraite à été lancé depuis le 11 août. 
Le montant des billets non utilisés est évalué à ce jour à plus de 3 milliards de francs.

Pas de retour à la normale avant 2024

Selon Aircalin, le ciel semblait pourtant se dégager avant la crise. « Alors que la compagnie a toujours été déficitaire depuis sa création, Aircalin a atteint l’équilibre en 2014 et a renoué avec les bénéfices depuis 2015, ce qui lui a permis d’amortir dans un premier temps le choc du Covid-19 », affirme la compagnie internationale. Les hypothèses de reprise de l’activité envisagées par Aircalin rejoignent celles des experts internationaux, avec un retour au trafic passagers de 2019 envisagé en 2024 seulement.  

Aircal en grandes difficultés 

Du côté d’Aircal, la situation est également critique, même si l'atterrissage est moins problématique. Entre l'absence de touristes internationaux, qui représente près d'un quart des usagers, et l'annulation de mariages et de certains événements coutumiers ou cuturels, la compagnie domestique a vu son trafic de passagers baisser de 40 %. Elle prévoit un déficit de plus d’1,2 milliard de francs d’ici à la fin de l’année.
La reprise des vols est effective depuis le 4 mai, mais le programme régulier des vols a été nettement allégé, avec 69 rotations hebdomadaires contre 93 précédemment. Actuellement, aucune rotation n’est assurée le samedi après-midi et le dimanche matin. Seuls des créneaux supplémentaires peuvent être ajoutés pendant les vacances. 
L'aérodrome de Magenta vu de la piste.

Hausse du prix du billet

Outre le soutien des collectivités pour soulager sa trésorerie, la compagnie compte activer plusieurs leviers pour sortir de la crise. Les usagers seront ainsi mis à contribution, avec un surplus « de l’ordre de 500 F par tronçon, ce qui veut dire 1 000 F sur un aller retour », précise Samuel Hnepeune, le PDG d’Aircal. 
Un plan de départs volontaires est également en cours, afin de réduire de 20 % la masse salariale. La compagnie devrait également avoir recours au prêt garanti par l’état, à hauteur de 500 millions de francs. 
Quant aux perspectives de retour à la normale, elles ne sont pas prévues avant quatre ou cinq ans, à l'image d'Aircalin. 
Comme pour la compagnie internationale, une réduction de 20% de la masse salariale d'Aircal est prévue.

Les licences des pilotes bientôt expirées 

Autre effet collatéral de la fermeture des frontières calédoniennes et des autres pays de la zone : la difficulté, pour les pilotes, d’être réévalués et pour les appareils de bénéficier d’une maintenance au long court. 

Les licences des pilotes vont tomber fin novembre. Si on n’a pas une décision d’ici là, ça veut dire que fin novembre, on n’aura plus de pilote pour piloter les avions.

Samuel Hnepeune, PDG d'Aircal

Actuellement, des discussions sont en cours avec la Nouvelle-Calédonie, l’Aviation civile, la Dass, « pour imaginer des protocoles qui permettent d’envoyer les pilotes soit en Australie, soit en Métropole, et trouver une solution, notamment dans la prorogation des licences de pilotes. » Auckland était jusque-là une destination phare pour effectuer ces démarches, mais cette option semble aujourd’hui compromise, en raison des mesures prises par le gouvernement kiwi pour endiguer le virus. 

Le reportage de Bernard Lassauce et Carawiane Carawiane 
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