Ils se sont introduits incognito à Nauru. Deux enquêteurs d'Amnesty International et de Human Rights Watch viennent de publier un rapport sur les conditions de vie des 1200 réfugiés et demandeurs d'asile sur l'île.
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Arrivés à Nauru avec un visa légal, ils ont cependant évité de dire qu'ils travaillaient pour les deux ONG de défense des droits de l'homme, car une culture du secret entoure le centre de rétention - la plupart du temps, les autorités nauruanes refusent les visas et le gouvernement australien ne répond pas aux questions des journalistes et des organisations humanitaires. C'est donc la première fois qu'Amnesty International remet les pieds sur Nauru depuis 2012.
Anna Neistat, d'Amnesty International, et Michael Bochenek, de Human Rights Watch, sont restés 12 jours à Nauru en juillet. Ils se sont entretenus avec 84 réfugiés et demandeurs d'asile venus d'Iran, d'Irak, du Pakistan, de Somalie, du Bangladesh, du Koweït et de l'Afghanistan. Des gardiens et des personnels de santé du centre de rétention ont aussi accepté de parler, même s'ils risquent d'être poursuivis en justice par leur employeur.
« Ce que j'ai constaté à Nauru, ce sont des mauvais traitements délibérés et systématiques, a déclaré Anna Neistat sur ABC. Je ne parle pas de cas isolés, mais bien d'un système. Et je pense que le gouvernement australien ne fait pas beaucoup d'efforts pour le dissimuler. En fait, il fait un exemple, le sort des migrants sur Nauru doit décourager d'autres demandeurs d'asile de tenter la traversée en bateau. »
Et ces mauvais traitements concerneraient aussi bien les demandeurs d'asile, au centre de rétention, que les réfugiés libérés et hébergés hors du centre. En octobre 2015, le gouvernement nauruan a ouvert le centre de rétention, les demandeurs d'asile peuvent passer la journée dehors, mais d'après Amnesty International, ceux qui vivent sous la tente doivent toujours respecter le couvre-feu et sont surveillés par des gardiens.
Dans le rapport d'Amnesty International et de Human Rights Watch, les migrants accusent les autorités du centre de négliger leurs problèmes de santé, même quand ils sont graves, sans compter les troubles psychiques dont ils souffrent, après 3 ans de détention. Des accusations niées par IHMS, la société privée mandatée par le gouvernement australien pour assurer les soins. Beaucoup affirment être encore traumatisés par le suicide d'Omid Massoumali, qui s'est immolé par le feu en avril dernier.
Et les migrants témoignent du harcèlement des Nauruans: ils affirment être volés et attaqués quotidiennement, à coups de pierre, de machette. Les femmes, elles, se plaignent d'agressions sexuelles: attouchements, menaces, et même, tentative de viol.
Amnesty International et Human Rights Watch réclament la fermeture du centre de rétention et le rapatriement des migrants en Australie.
« C'est un centre géré par le gouvernement australien, quoi qu'il en dise, martèle Michael Bochenek, de Human Rights Watch. Donc le gouvernement australien est le premier responsable. »
On attend toujours la réaction du ministère australien de l'Immigration. Pour l'instant, il s'est borné à regretter de ne pas avoir été consulté par les deux ONG et a indiqué qu'il n'avait pas encore eu le temps de s'informer sur les témoignages contenus dans le rapport.
Notons que la chaîne de télévision 9 a fait un reportage très controversé au centre de rétention de Nauru pendant la campagne électorale australienne, qui montre une réalité très différente de ce que rapportent Amnesty International et Human Rights Watch.