Pour comprendre ce que serait la participation minoritaire du négociant suisse au consortium calédonien Prony Resources et son rôle dans l’usine du Sud, Christophe Salmon, le Directeur financier du négociant Suisse a répondu à toutes nos questions. Voici l'intégralité de ses réponses.
Christophe Salmon, le directeur financier du négociant suisse est français. Dans l'interview exclusive qu'il a accordé à Nouvelle-Calédonie La1ere, il confirme la volonté de Trafigura de participer financièrement à une nouvelle unité de raffinage du sulfate de nickel dans l'usine du Sud. Elle devrait augmenter la plus-value réalisée en Nouvelle-Calédonie. Des emplois seraient créés.
Le contexte
Genève est au bord d’un lac. La ville de Calvin et de la Réforme protestante réalise plus de 40 % des échanges mondiaux de matières premières. Ici, pas de gratte-ciel, pas de plaques en marbre pour identifier les acteurs du négoce des matières premières. Le célèbre jet d’eau de la capitale romande est visible depuis l’immeuble anonyme qui abrite le Suisse Trafigura, l’un des premiers négociants mondiaux de métaux industriels. A Genève, cinq cents sociétés sont actives dans le négoce et elles emploient près de 10.000 personnes. Glencore est la seule exception. Il est au nord, en Suisse alémanique, dans la banlieue de Zurich.
L’interview intégrale de Christophe Salmon, directeur général financier du négociant Suisse Tarafigura, a été réalisée dans les locaux de Trafigura à Genève.
- Qu’est-ce qui a motivé l’intérêt de Trafigura pour l’usine du Sud ?
Christophe Salmon - Trafigura est un négociant de matières premières. Notre métier est de fournir et d’acheter, de transporter, de stocker et de délivrer ces produits. Parmi ces matières premières, certaines sont essentielles à la transition énergétique, comme le cuivre ou le nickel. Nous réinvestissons une partie de notre profit pour développer des actifs industriels. L’usine du Sud en Nouvelle-Calédonie est un actif de classe mondial dans le cadre de la transition énergétique.
Quelle sera votre place dans le consortium, majoritairement calédonien, Prony Resources ?
Notre valeur ajoutée principale pour le consortium Prony Resources est basée sur notre activité clef qui est le négoce. Nous allons permettre de donner la meilleure valeur possible à la production de la mine de Goro, en élargissant ses clients potentiels. Nous soutenons d’un point de vue capitalistique le rachat de l’usine du Sud par son management en étant un actionnaire minoritaire.
Cette usine et sa mine sont importantes pour vous ?
Nous sommes en permanence en train de regarder des opportunités, d’envisager des participations à des acquisitions d’actifs industriels, complémentaires à notre activité de négoce. Dans ce cadre, l’usine du Sud est un actif de catégorie mondiale. Il n’y a que trois usines de ce type qui fournissent du nickel de qualité batterie pour la transition énergétique.
Est-ce que vous allez vous installer en Nouvelle-Calédonie ? Serez-vous présent dans l’usine du Sud comme votre concurrent Glencore dans l’usine du Nord, celle du Koniambo ?
Non, Trafigura ne sera pas présent dans l’usine du Sud. Nous sommes un actionnaire minoritaire, nous faisons pleinement confiance au management en Nouvelle-Calédonie, aux mineurs et aux métallurgistes calédoniens pour pouvoir mener à bien l’expansion du site industriel. Trafigura ne participera pas à la direction de l’usine.
Vos ambitions pour l’usine du Sud ?
La mine de Goro produit du nickel qui est un composant clef des batteries des voitures dans le cadre de l’électrification de l’économie européenne et internationale, nous soutenons avec force les études de faisabilité pour la construction d’une nouvelle unité industrielle, avec des créations d’emplois en Nouvelle-Calédonie. Une usine qui permettrait de faire en Nouvelle-Calédonie une nouvelle transformation du nickel pour le rendre plus proche d’un matériau utilisable directement dans l’élaboration des batteries électriques.
Quel est votre état d'esprit ?
Nous sommes avant tout focalisés sur la réussite de cette aventure entrepreneuriale menée par Antonin Beurrier et l’équipe de management. Maintenant, toute acquisition tant qu’elle n’est pas signée n’est pas faite, il faut réunir le capital nécessaire, toute la composante de la structure de capital de l’entreprise, de façon à ce que l’usine du Sud soit viable pour les années à venir. Nous sommes confiants dans la réussite du projet, avec le soutien du gouvernement français. Nous sommes focalisés sur le succès de l’opération. Maintenant, si elle ne se fait pas nous passerons à autre chose, mais ce serait dommage je crois pour la Nouvelle-Calédonie.
Trafigura est un acteur de la transition énergétique et il a besoin de l’usine du Sud en Nouvelle-Calédonie pour produire le nickel de qualité batterie, c'est aussi simple ?
Dans le cadre de l’électrification de l’économie européenne et occidentale, le nickel est un matériau clef dans l’élaboration des batteries des voitures électriques. La mine de nickel de Goro et son usine sont essentielles, elles sont au centre de l’approvisionnement mondial pour cette ressource. C’est une chance pour la Nouvelle-Calédonie.
Etes-vous un "prédateur capitaliste" comme l’affirment vos opposants ?
Non (sourire NDLR), nous sommes des professionnels au service des industries et de la transition énergétique. Le métier de Trafigura est un métier de négoce, ce qui veut dire avant tout un métier de logistique. Nous transportons tous les jours des matières premières, que ce soit du pétrole, des métaux de façon efficace, économique et responsable, tout autour de notre planète. Nous sommes une société de services, au service de la chaîne de valeurs, nous avons un portefeuille d’actifs industriels dont certains en France. Nous sommes propriétaires d’une fonderie de zinc dans le nord à Auby, elle a été fondée en 1860. Nous pensons que nous avons un rôle à jouer dans la transition énergétique, par exemple dans la production d’électricité renouvelable et autour du développement de nouvelles technologies vertes comme l’hydrogène;
Un négociant tel que Trafigura est une acteur clef de l'efficacité de la chaine logistique, un acteur extrêmement responsable qui vit sous la surveillance de prés de 135 partenaires financiers, banques, assurances, investisseurs donc une société publique qui a fait le choix malgré son actionnariat privé d'être transparente et donc d'être responsable car nous sommes conscients de l'impact que nous avons sur la chaîne de valeurs que nous traitons.