Déclarations retentissantes, dans l’éminent quotidien économique et financier du Royaume-Uni. Le Financial times a publié dimanche un entretien avec la présidente-directrice générale d'Eramet (à consulter ici en anglais). Christel Bories prévient que les fournisseurs indonésiens de nickel à bas prix élimineront leurs concurrents dans les prochaines années. Ce qui consolidera la position du pays comme principal producteur mondial de ce métal essentiel aux batteries des voitures électriques.
"Trop compté" sur le nickel
L'article aborde la crise du secteur en Nouvelle-Calédonie. Selon le journal, elle plaide pour que le pays se prépare au déclin de l'industrie du nickel en développant des emplois dans le tourisme et l'agriculture. "Honnêtement, ils ont trop compté sur le nickel par le passé, déclare Christel Bories, comme c’est un moyen facile d’obtenir de l’argent." Et d'ajouter que la Calédonie pourrait devenir un territoire "purement minier", fermant les fonderies déficitaires mais gardant ouvertes les mines rentables. Signalons qu'Eramet est présent en Indonésie à travers ses opérations à Weda Bay.
Pourparlers
Concernant la situation critique de la Société Le Nickel, la PDG du groupe mentionne des pourparlers très avancés pour réorganiser les prêts accordés à la SLN par Paris. "Afin qu'ils n'aient plus d'impact sur les ratios d'endettement d'Eramet, soit par une méthode de consolidation différente, soit par des prêts en quasi-fonds propres". Elle a aussi dit au Financial times que le groupe continuerait pour le moment l'exploitation minière, mais n'envisagerait "jamais" d'autres investissements dans le nickel en Nouvelle-Calédonie, y compris le sauvetage de Koniambo.
"Déçus", "État croupion", "position honteuse"…
- "Ce n'est pas le bon moment, on est déçus des déclarations qui ont été faites", regrette Glen Delathière, délégué syndical du SGTINC, le Syndicat général des travailleurs de l'industrie de Nouvelle-Calédonie. "On a l'impression qu'Eramet veut partir, ça fait dix ans qu'on n'a pas d'investissements… Peut-être qu'un changement d'actionnariat se profile. En tout cas, le ressenti des salariés, c'est que malgré les efforts faits pour essayer de sauver l'outil, Eramet s'en fout un peu, de la Calédonie, et de son usine en Calédonie." Il répondait à Erik Dufour et Nicolas Fasquel.
- "De très longue date, nous avions alerté sur le comportement d’Eramet à l’égard de la SLN", pointe Philippe Gomès, pour Calédonie ensemble. "Au moment où un Etat stratège devrait faire avec le nickel calédonien ce que la Chine a fait avec le nickel indonésien, nous avons un Etat croupion, à la botte des intérêts privés du groupe minier dont il est actionnaire."
- "La position de la PDG d’Eramet est honteuse", dénonce la présidente de l'assemblée provinciale Sud sur les réseaux sociaux. "Alors qu’ils ont fait beaucoup d’argent grâce au nickel calédonien, ils cherchent à abandonner le navire quand leur filiale fondatrice est en difficulté", ajoute Sonia Backès, de l'intergroupe Loyalistes, qui parle de provocation vis-à-vis des salariés et sous-traitants de la SLN.
- "Ça fait plusieurs années que nous avons les signes de la volonté d'Eramet de mettre SLN plus ou moins sous cloche", réagit aussi Virginie Ruffenach pour le Rassemblement, en déplorant les propos de Christel Bories. "Évidemment que la Calédonie ne peut pas être un pays uniquement d'exportation minière. Évidemment que nous pouvons avoir de l'industrie de nickel". Elle était jointe par Malia Noukouan.
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"Ce plan de sauvetage demande un effort de tout le monde, et à commencer [par] l’effort des Calédoniens", observe par ailleurs Gilbert Tyuienon, vice-président de l’Union calédonienne, membre du gouvernement chargé de suivre les affaires minières. "Quand on parle de la SLN, on sait qu’elle a été pour beaucoup dans le développement d’Eramet. Il y a quelque part un retour qu’on attend de la part d’Eramet."
Le reportage d'Erik Dufour et Nicolas Fasquel