TÉMOIGNAGE. "On dirait un jouet mais c’est une drogue" : une adolescente raconte sa dépendance à la cigarette électronique

Dans l'enquête "Bien dans mes claquettes" de la province Sud, un élève de 3ème sur dix dit vapoter quotidiennement.
Les Calédoniens fument nettement moins qu’il y a cinq ans. Une bonne nouvelle en ce 31 mai, Journée mondiale sans tabac, mais qui cache une autre réalité : la consommation de la cigarette électronique a explosé chez les ados. NC la 1ère a recueilli le témoignage d’une lycéenne, qui a commencé à vapoter quand elle avait 13 ans. Aujourd’hui, elle ne peut plus se passer de la nicotine.

C’est une addiction qui ne dit pas son nom. Et que bon nombre de jeunes Calédoniens subissent pourtant aujourd’hui, souvent à l’insu de leurs parents. C’est la raison pour laquelle cette lycéenne a accepté de témoigner pour nous, mais de manière anonyme.

La première fois qu’elle a testé "la C.E.", c’était en classe de 4ème, avec des copains "qui fumaient déjà la cigarette électronique". Elle avait 13 ans. "J’ai goûté et je pense que j’ai pris goût à ça. Puis au fur et à mesure, j’ai commencé à fumer moi aussi, toute seule. Ça me faisait du bien, j’étais moins stressée. C’était une manière d’évacuer mon anxiété."

"J’étais sur les nerfs, j’avais besoin de nicotine"

Tout doucement, l’occasionnel devient quotidien, sans crier gare. "C’est inconscient en fait. Tu t’achètes ta cigarette, tu commences à fumer de plus en plus et sans t’en rendre compte, tu tombes dans l’addiction."

Mais fumer coûte cher. C’est en tentant d’arrêter que l’adolescente prend conscience qu’elle est devenue accro au produit. "J’étais sur les nerfs. J’avais besoin de nicotine."

Le constat est rude. "Je me suis dit que j’étais un peu jeune pour tout ça. Enfant, j’étais sûre que jamais je toucherais au tabac. Mais il ne faut pas avoir honte. C’est une drogue. Ça peut arriver à n’importe qui. À force de consommer, consommer, on devient addict".

 

"On peut fumer n'importe où, n'importe quand"

Le taux de nicotine consommé par l’adolescente est élevé : l’équivalent de 20 milligrammes par millilitre, le maximum autorisé en Europe. Sauf que le recours à la cigarette électrique est bien plus facile que pour une cigarette classique. "Pour les jeunes, c’est plus discret. Ça sent moins. Les parents peuvent moins se douter que tu fumes."

Ce qui rend la cigarette électronique plus dangereuse que le tabac classique, aux yeux de l’adolescente, c'est sa consommation presque en continu. Vapoter, "on peut le faire n’importe quand, n’importe où". "Des fois, je vois des camarades qui le font en classe. Ils la cachent dans leur manche, recrachent la fumée derrière eux. Tu peux le faire dans ton lit, dans ta chambre, les portes fermées. Personne s’en doutera."


"Je ne peux pas m’en passer »

Âgée de 16 ans aujourd’hui, la jeune fille fume désormais les deux : cigarette électronique et celles en paquet. "La C.E, ça mène au tabac, alors que c’était fait au départ pour aider les gens à arrêter."

La lycéenne a bien essayé de stopper les cigarettes électronique et classique. Pas facile pourtant quand famille et amis fument aussi. "Être à côté de gens qui fument, ça m’a donné envie. J’ai pas tenu plus de deux jours."

La nicotine est devenue aujourd’hui une fausse amie. "C’est comme une béquille, ça m’apaise. J’ai besoin de ça pour aller mieux. Et je ne peux pas m’en passer."


"Acheter une C.E. quand on est mineur, c'est pas compliqué"

Si elle avait un conseil à donner : "ne jamais commencer". Malgré son jeune âge, l’adolescente n’est pas dupe face à la stratégie des industriels.

"C’est clairement les ados qui sont visés, dans la manière dont c’est emballé ou commercialisé. Les couleurs, le design… On dirait un jouet. Ça fait appel à notre esprit enfantin sauf que c’est pas un jouet, c’est une drogue. Faut pas y toucher."

Reste une question : comment ces ados se fournissent-ils en cigarettes électroniques, alors que leur vente est interdite aux mineurs depuis fin 2021 en Calédonie ? "C’est pas compliqué du tout. Quand j’ai commencé, c’était un peu plus dur parce que j’avais l’air plus jeune. Maintenant que j’ai l’air plus vieille, c’est beaucoup plus facile. Faut juste donner l’impression d’avoir l’habitude de faire ça. Et après, les vendeurs se posent pas trop de questions."