PNG : les bilums, bien plus que des sacs

Torek Farhadi, du ITC, avec des femmes artisanes papoues.
Permettre aux femmes papoues d'être autonomes en vendant leurs bilums à l'étranger : c'est le pari du Centre du commerce international (ITC), une agence conjointe de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et des Nations unies.
En Papouasie-Nouvelle-Guinée, plus de la moitié des femmes subissent des viols conjugaux et 68% d'entre elles sont battues, selon le ministère papou de la Santé. Le pays n'a réalisé aucun des objectifs du millénaire pour le développement - il y en a huit, dont la promotion de l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes.
 
Barbara Pagasa gère la coopérative d'artisanat de Mount Hagen, dans les Hautes-Terres occidentales. Lancé en 2008 avec le soutien d'une église baptiste, ce centre vient en aide à des dizaines de femmes, dont beaucoup sont atteintes du sida. Elles vivent dans des conditions extrêmement précaires, rapporte Barbara Pagasa :
 
« La plupart des femmes de la coopérative vivent en ville, elles n'ont pas de terres à cultiver et elles font face à plein de problèmes comme la pauvreté, les violences conjugales, la drogue, la prostitution, les conflits tribaux… Les femmes qui vivent dans les bidonvilles essaient de trouver des moyens de gagner de l'argent pour avoir à manger. »
 
En Papouasie-Nouvelle-Guinée, « il faut payer pour l'éducation de ses enfants, l'école n'est pas gratuite, la santé non plus, donc ces femmes ont besoin de revenus », souligne Torek Farhadi, conseiller principal du Centre du commerce international (ITC).
 
Pour leur permettre de gagner cet argent, il parie sur le bilum, ce sac traditionnel en fibres naturelles ou en laine. L'idée est de vendre ces sacs à l'étranger, en Australie et en Nouvelle-Zélande notamment, dans des magasins haut de gamme ou via Internet.
Les bilum mamas ont reçu des formations. Ici à Kainantu, dans les Hautes-Terres orientales.

 

Sur les marchés papous, on peut acheter un petit bilum pour une quinzaine d'euros. Or, il faut entre 40 et 50 heures de travail pour fabriquer un sac - il faut d'abord fabriquer les fibres, puis tisser les fils. Si on veut que les bilum mamas soient justement rétribuées pour leur travail, il faut vendre le sac à 90 euros minimum, explique Torek Farhadi :
 
« Nous essayons de faire en sorte qu'un tiers, voire la moitié, du prix de vente du bilum revienne à la personne qui l'a fait, ce qui est un grand défi, parce que ça rend le sac beaucoup plus cher. À l'extérieur, on veut utiliser le système commercial normal, avec des commissions à donner aux grossistes, aux détaillants, aux marques… Les sacs seront donc très chers dans les magasins de grande marque, mais nous voulons qu'au moins 30 euros soient envoyés à la femme ou à la coopérative au sein de laquelle elle travaille. »
 
Avant de commercialiser les bilums, il faut organiser la production des sacs en Papouasie-Nouvelle-Guinée. L'ITC travaille avec 12 coopératives, dont celle de Mount Hagen. Des employés de l'organisation se rendent régulièrement à Port-Moresby, à Goroka, ou encore à Wewak. 
Barbara Pagasa.

 

 « Faire des bilums, ça fait partie de nos traditions, ça se transmet de générations en générations. Vous n'avez pas besoin d'être allé à l'école pour savoir faire des bilums », fait remarquer Barbara Pagasa. La formation dispensée par l'ITC est toutefois la bienvenue ; il n'est pas question de changer le produit, mais de l'adapter à la clientèle visée, assure Torek Farhadi :
 
« On dit aux femmes : faites telle qualité, n'utilisez pas tel matériau, parce qu'il y a des choses qu'on ne peut pas exporter en Australie et en Nouvelle-Zélande. Par exemple, elles utilisent parfois des plumes d'oiseaux pour décorer les bilums, mais pour des questions de biosécurité, on ne peut pas exporter ces plumes. Il faut donc adapter un produit au marché international. » 
 
Les femmes artisanes sont aussi invitées à compter leurs heures de travail, à marier les couleurs et parfois à fabriquer de nouveaux produits. Barbara Pagasa a ainsi réalisé un béret avec une formatrice de l'ITC, Rosie Boylan. Ce chapeau s'est retrouvé dans les pages du Vogue Australie, porté par l'actrice française Mathilde Ollivier.
 
Au sein de la coopérative de Mount Hagen, elle fabriquait déjà des bilums, mais ce projet « crée de nouvelles opportunités », se réjouit-elle. « Les femmes sont enthousiastes, elles savent que si leurs sacs sont vendus à l'étranger, elles auront un peu plus d'argent », rapporte Barbara Pagasa, qui assure également que leurs maris sont tout aussi enthousiastes :« Ils soutiennent  totalement le projet. »
 
Si Barbara Pagasa parle au futur, c'est que le projet est encore en développement. L'association BEPA - Bilum export and promotion association a été créée en octobre 2015. Des centaines de bilum mamas ont rejoint le réseau. Torek Farhadi est actuellement en négociation avec des banques australiennes et néo-zélandaises pour permettre aux artisanes d'ouvrir des comptes épargne et d'être payées directement pour leur travail. Le conseiller principal de l'ITC est aussi en discussion avec des grandes chaînes australiennes pour la vente et la promotion des sacs.
 
Le ministère australien des Affaires étrangères finance ce programme jusqu'en 2017-2018. D'ici là, Torek Farhadi espère avoir réussi son pari. « Notre philosophie de travail, c'est de rendre la chose pérenne. Si on monte une chaîne de qualité et qu'on a une douzaine d'acheteurs internationaux de renom, l'association BEPA aura les moyens de faire le travail d'intermédiaire », explique-t-il.
 
Au-delà des 2 000 femmes papoues qu'il entend aider à travers ce projet, il pense dynamiser le marché du bilum, contribuer à l'augmentation des prix de vente des sacs et ainsi permettre à de nombreuses autres artisanes d'être payées plus décemment.