C’est sans doute un instant-clé dans le parcours existentiel d’Agatha : alors qu’elle a onze ans, son père tombe malade. Conducteur d’engin sur mines à Kouaoua, il perd son travail et ainsi les moyens de subvenir aux besoins de sa famille. Quittant le village de son enfance dont elle gardera le souvenir des ambiances festives, la jeune fille part alors vivre chez une tante à Thio. Au collège de la Colline, un professeur, ancien ingénieur, lui "transmet sa passion" des maths et de l’informatique… En résultera une conviction inébranlable : "Je me suis dit que la seule issue pour moi, si je voulais m’en sortir dans la vie, c’était de travailler d’arrache-pied à l’école."
Une fois son bac "mathématiques et technique" en poche, Agatha, qui vient de rencontrer son futur époux, tombe enceinte : ses projets d’études sont ajournés. "Je me suis occupée de mes [trois] enfants jusqu’à ce qu’ils partent à l’école. Je ne me voyais pas femme à rester à la maison ; du coup pendant que mes enfants allaient à l’école, moi je reprenais les bancs de l’université !" Ainsi opte-t-elle pour un DEUST Géosciences, garant de débouchés sur le marché du travail.
Une vie de famille à concilier avec une reprise d'études
Cet intérêt théorique sera conforté par le terrain. Agatha enchaînera les expériences sur différents terrains : six années sur les gisements de Prony et de Goro ; puis un départ pour la SLN – trois ans à Kouaoua, trois à Thio où elle sera en charge de différentes missions… "Ça dépend des centres miniers et des mentalités, mais c’est vrai qu’une femme aux responsabilités de la mine, ça n’est pas dans le schéma culturel conventionnel", relève celle qui a été la première responsable féminine des opérations, tout en notant une féminisation des métiers "que ce soit sur le terrain comme technicienne géologue, dans les métiers de l’informatique et de la modélisation ; on a aussi des conductrices d’engin..."
Agatha ne s’arrête pas en si bon chemin. De 2013 à 2016, avec le dispositif Cadres Avenir, elle reprend des études d’ingénieur qui la mènent à l’École nationale supérieure des mines de Nancy, dans l’Est de la France. "C’était mon vœu depuis les années collège. C’était une frustration en moi, il fallait que je la comble et c’était le bon moment !" Bien entendu une telle odyssée implique à la fois "beaucoup de nuits blanches" passées à étudier et le déménagement de toute la famille pour l’occasion. Agatha enchaîne avec bonheur les cours en management, ingénierie de la prise de décision, ou un projet pluridisciplinaire en lien avec la section oncologie de l’hôpital de Nancy. "Je n’étais qu’avec des jeunes. En fait je me considérais comme une Peugeot face à des Ferrari !" sourit-elle. À son retour sur le Caillou, elle travaille à Népoui, avant de devenir, début 2022, responsable gestion des parties intéressées grand sud à la SLN.
Agatha n’a jamais oublié les années difficiles, s’engageant notamment pour la défense des intérêts des habitants du squat les Palmiers à Dumbéa. De 2003 à 2008 elle fut présidente de l’association, qui visait à résoudre les problèmes d’approvisionnement en eau et d’organisation. "Il y avait des personnes qui n’avaient pas de courant chez eux, ils n’avaient que la bougie. On mettait à leur disposition un local avec un groupe électrogène, où ceux qui avaient un bagage à l’école faisaient de l’accompagnement aux devoirs. […] Quand les enfants des squats vont à l’école, ils sont montrés du doigt ; l’objectif c’était de les aider aussi à surmonter ce mal-être. On a vu leur évolution. Si on peut aider dans notre parcours de vie, c’est très important."