Originaire de la mythique ville de Cuzco dans la cordillère des Andes ("les Incas l’appelaient le nombril du monde"), Jorge Vallejo Torres a grandi dans le Pérou des années 70-80. Le pays est alors la proie d’une guérilla sanglante qui oppose l’organisation du Sentier lumineux aux forces gouvernementales. Dans ce contexte de peur et de couvre-feu, Jorge, adolescent, peut difficilement profiter des théâtres et cinémas de sa ville.
C’est bien plus tard, après des parenthèses en Argentine puis en Bolivie, que l’étudiant traversera l’océan Pacifique: l’Australie d’abord, puis la Nouvelle-Zélande. À l’université d’Otago sur l’île du Sud, il exercera lui-même comme professeur d’espagnol, se formant en parallèle au numérique et à la vidéo, appréciant "l’esprit pratique" de ses nouveaux compatriotes… Car en y restant une décennie, Jorge a obtenu la nationalité kiwi. "Ce que j’admire de la Nouvelle-Zélande, c’est que c’est un petit Pays avec peu de ressources, comparé à l’Amérique Latine ou à l’Europe, mais qui gère bien son système social, de santé, d’aides… On paie certes beaucoup d’impôts, mais cet argent est bien distribué!"
Un passionné d'images et de poésie
En 2005 il parvient sur nos rivages calédoniens; quatre ans plus tard le voici animateur multimédia au Rex. "Ça me plaît énormément parce que ça touche à beaucoup de choses. On bricole, on arrive à conseiller… Peut-être que je ne fais pas moi-même des courts-métrages, mais on est des facilitateurs pour que les jeunes puissent réaliser des films ou d’autres projets artistiques…" Cette passion que Jorge transmet auprès du jeune public, lui vient notamment de son petit frère Henry, cinéaste reconnu en Amérique Latine et auteur du film Manco Capac représentant le Pérou aux pré-selections pour les Oscar, fin 2021. Jorge travaille quant à lui actuellement sur un "livre de poèmes virtuel", qui mêle monologues théâtraux et mapping en 3D…
Sa curiosité insatiable lui permet d’évoquer pêle-mêle les voyages du taro et de la patate douce, les fours souterrains qu’on retrouve ici bien sûr, mais aussi chez les Maoris (‘hangi’), sur Rapa Nui ou même au Pérou, les pétroglyphes et l’art de communiquer par les nœuds (l’exposition actuelle "Mue, faire corps" au centre culturel Tjibaou lui a évoqué la ressemblance entre ‘mhwarang’ de la région de Hienghène et ‘khipu’ des Incas…)
Quand il a pu voyager dans la région, Jorge s’est également employé à noter les clins d’oeil et similitudes d’un peuple à l’autre, d’une rive à l’autre. En 2008 il se rend ainsi aux Samoa américaines pour le festival des Arts du Pacifique. Sa mission est alors de former et de coordonner une petite équipe vidéo qui couvre quotidiennement le parcours des artistes calédoniens. "Comme je suis trilingue, je pouvais communiquer avec les gens de l’île de Pâques en espagnol, en anglais avec ceux des îles Salomon, des Samoa ou les Maoris, en français avec les Tahitiens… Finalement on voit qu’il y a beaucoup d’aspects de la vie quotidienne qui se ressemblent, entre tous les Océaniens ; les points communs comme l’importance de la famille et la générosité de ces peuples…"