PORTRAIT. Emeutes et humour. Les Welnou, ou le Gorafi à la sauce calédonienne

Les Welnou, parodie des Nouvelles Calédoniennes, ont publié leur premier post sur les réseaux sociaux en 2015.
Au pays du non-dit, le rire est libérateur mais il peut s’avérer dangereux. Raison pour laquelle les Welnou calédoniennes gardent jalousement leur anonymat, depuis neuf ans, pour parodier l’actualité du Caillou sur les réseaux sociaux. Depuis les émeutes, les idées de sujets affluent. Trop parfois, la réalité ayant largement dépassé la fiction [5/5].

Un homme en costard assis derrière son bureau, la tête totalement calcinée. C’est la photo très à-propos, choisie par les Welnou calédoniennes pour résumer dans un récent "post" l’état d’esprit des contributeurs de ce faux site d’information.

Ces dernières semaines, ce petit cousin calédonien du célèbre Gorafi (Le Figaro, en verlan) n’avait plus rien publié sur sa page Facebook. "À quoi bon écrire de faux articles ? La réalité dépasse toutes les conneries qu'on est capable d’imaginer”, explique la rédaction, quasiment "en chômage technique", tant la situation est devenue ubuesque en Nouvelle-Calédonie depuis les émeutes du 13 mai.

Concours de "mèmes"

Toujours très piquantes d’ordinaire, Les Welnou reconnaissent avoir vécu ces événements comme tant d’autres Calédoniens : "dans la sidération". "On a tous accusé le coup. Probablement fatigués, inquiets. D’habitude, il y en a toujours un pour se motiver à faire un article. Mais là, on s’est tous recentrés sur nos vies. Les Welnou, c’est censé être un truc drôle. La situation est devenue tellement morose et folle que ça nous a découragés."

"Très secouée", l’équipe a donc fait appel à l’humour et à l’imagination prolifique des Calédoniens pour raconter leur quotidien via un concours de "mèmes", ces fameuses images détournées, réalisées avec un photomontage rudimentaire.

Ces lots farfelus que vous ne gagnerez jamais

À la clé, des lots aussi faux que les articles de ce "site de désinformation" : "un passeport pour l’Azerbaïdjan", "un dîner avec nos trois champions, Nico, Christian et Sonia" et "un bon d'achat chez Décathlon Kenu In (valable jusqu'au 15 juin 2024)"… Une "private joke" 100 % calédonienne, comme l’humour de ces "mèmes" que seuls les Calédoniens ayant vécu ces folles semaines peuvent comprendre.

Un besoin "vital"

"L’idée est née dans la morosité du mois de mai. Il fallait trouver un truc pour tous nous dérider un peu et libérer la créativité de nos followers. Ça devenait vital."

Bingo ! Les internautes calédoniens se prennent au jeu et envoient des "mèmes" à la pelle. Comme autant d’antidotes à la colère et à la mélancolie.

Reprise du concours

Face à l’afflux de propositions, les Welnou ont dû faire le tri. "On en a refusé pas mal. Environ la moitié". Après quelques semaines de pause, le concours de "mèmes" a été relancé, avec de nouveaux lots encore plus improbables à gagner, toujours en écho à l’actualité.

Les élus "gentiment" étrillés

Car depuis sa création en août 2015, c’est bien l’actualité calédonienne qui intéresse Les Welnous. Les sujets de société notamment, et la politique en particulier. "Les conneries que peuvent faire nos élus sont une immense source d’inspiration. Faut dire qu’ils sont très prolifiques", s’amuse la rédaction.

"Un immense gâchis"

Leur regard sur la situation en Nouvelle-Calédonie n’est pas seulement acide. Il est aussi désabusé. "C’est un immense gâchis", résument-ils.

En remontant le fil de leurs publications, certains posts apparaissent d'ailleurs presque prophétiques aujourd’hui.

Un anonymat bien gardé

En neuf ans d’existence, les Welnou ont fait face à quelques menaces. "C’est pour cette raison que nous souhaitons garder le secret sur notre identité."

Un secret si bien gardé que c’est uniquement par Messenger qu’ils nous autorisent à communiquer avec eux. Aucun nom, ni aucune profession ne seront dévoilés. Seul détail lâché à la volée : la rédaction est composée de plusieurs contributeurs et il ne s’agit pas d'anciens journalistes des Nouvelles Calédoniennes "jusqu’à preuve du contraire".

De faux journalistes mais de vrais comiques, qui partagent bien volontiers leur devise : "'Faites l’humour et pas la guerre".