Présidentielle 2022 : un premier tour calédonien discrédité par l'abstention

Urne - Image d'archives.
En Nouvelle-Calédonie, 218 931 électeurs ont été appelés aux urnes pour le premier tour de la présidentielle 2022. Mais seulement un tiers s'y sont rendus.

Sans surprise, le premier tour de la présidentielle en Calédonie consacre surtout la victoire de l’abstention. Triste triomphe, qu'une élection boudée par deux électeurs sur trois : d'après les résultats provisoires, 66,65 % des inscrits sur la liste générale n'ont pas participé au scrutin. Cela représente 145 814 personnes ! La participation, qui se monte à 33,35 % (72 967 électeurs), est en baisse de 14,79 points par rapport à 2017 (48,14 % des votants s’étaient alors exprimés).

Abstention plus forte que celle relevée lors de la consultation référendaire du 12 décembre 2021, qui était montée à 56 %, avec un corps électoral et un contexte évidemment différents, d'appel des indépendantistes à la non participation.

Comparatif des taux d'abstention en Calédonie lors du premier tour de la présidentielle.

Plus bas taux de participation à Ouvéa 

En termes de communes, la palme revient à Ouvéa (96,62 %, seulement 149 votants), puis Pouébo (95,11 %) et Maré (95,07 %). Record de participation, comme de tradition, à Farino, où 61,32 % des électeurs ont glissé leur bulletin dans l'urne. A l'échelle des provinces, elle est de 42 % dans le Sud, seulement 16 % dans le Nord et même pas 7 % dans les îles.

"Prévisible"

"Cette abstention était relativement prévisible", analysait le politologue Pierre-Christophe Pantz durant la soirée électorale de NC la 1ère, "dans la mesure où depuis plusieurs élections présidentielles successives, on a vu une baisse de la participation. Qui s'inscrit, finalement, dans une baisse, aussi, de la mobilisation provinciale depuis 2004. Ça répond à un contexte plus global."

"Ensuite, dire qu'on se situe à quelques mois après le référendum", ajoute-t-il. "Après une succession, depuis cinq ans, d'élections chaque année, qui ont peut-être brouillé les cartes en termes d'impact pour la vie des Calédoniens. Qui ont contribué également à peut-être provoquer une forme de lassitude chez les électeurs. Et puis la conséquence, aussi, peut-être, de l'appel à la non participation au référendum, qui infuse au-delà du référendum. Au fait, aussi, qu'il y a eu assez peu de consignes de la part des indépendantistes."

Analyse poursuivie le lendemain dans l'émission "Questions pays", extrait :

"La vie politique calédonienne a une force d'attraction colossale"

"La forte abstention dans les bureaux où les indépendantistes sont majoritaires ou très importants, elle est normale", observe quant à lui l'historien Ismet Kurtovitch. "En revanche, il y a des électeurs qui d'habitude votaient plus." Et il déroule cette théorie : "La vie politique calédonienne a une force d'attraction colossale (…) Par effet de miroir, la campagne électorale en Métropole, en somme, paraît encore plus décalée (…) On a du mal à se projeter." 

Autre extrait de l'émission "Questions pays", ce lundi :

Un effet départ ?

"On sait que des gens sont partis (…) qui étaient inscrits uniquement sur la liste électorale générale", avance encore Stéphane Renaud, de l'institut de sondages Quidnovi. "Il est possible aussi qu'ils étaient plus intéressés traditionnellement, par l'élection [présidentielle]."

Dernier extrait de l'émission "Questions pays", ce lundi :

Des experts qui questionnent par ailleurs l'effet de l'inscription automatique et d'office d'électeurs, sur la liste générale, en vue des consultations référendaires.

Duel annoncé du second tour ?

Après la divulgation des résultats provisoires ce lundi matin, les politiques qui se sont exprimés y sont aussi allés de leur analyse. Le député Philippe Dunoyer, qui fait partie des nombreux soutiens au président sortant, explique l'ampleur du phénomène par l'annonce à l'avance d'un duel de second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

Raisons multiples

Interrogé sur le score moindre de sa candidate Valérie Pécresse, le vice-président de son comité de soutien enchaîne : "Ce qui est un échec surtout, c'est la participation", pointe Pascal Vittori. "C'est quelque chose qui m'inquiète beaucoup. Dans ma commune de Boulouparis, il y a une abstention, vraisemblablement, des gens qui étaient anti-vaccin. On a bien sûr une faible mobilisation des indépendantistes. Mais c'est assez étonnant de voir que les loyalistes se mobilisent aussi peu pour une élection présidentielle."

Manque de consignes ?

"Je crois que plusieurs phénomènes expliquent ça, il ne faut pas en choisir qu'un", renchérit le maire de la commune voisine, Nicolas Metzdorf, de Générations NC. "Premièrement, les indépendantiste ne se sont pas retrouvés dans un candidat, contrairement aux élections précédentes (…). Donc il y a une très faible mobilisation de l'électorat indépendantiste, plus que d'habitude. Je l'ai constaté à La Foa."
Il énumère encore : "La deuxième chose, c'est que l'Eveil océanien n'a pas appelé à participer à cette présidentielle jusqu'à présent (…) Je trouve que l'électorat de l'Eveil océanien ne s'est pas mobilisé."

Autres éléments à ses yeux : "La conjoncture, on est en période de vacances, très peu de procurations ont été faites sur nos communes contrairement au référendum (…) il y aussi le phénomène anti-vax. Et la jeunesse non indépendantiste..."

"Plus confiance en l'Etat" ?

"Ça montre que l'électorat indépendantiste n'a plus confiance en l'Etat, c'est ça le problème", estime pour sa part Agnès Mathevon", soutien de Jean-Luc Mélenchon.

Abstention plus forte en Polynésie

Les taux d'abstention dans les Outre-mer du Pacifique.

Si l'on compare avec l'échelon national, la Calédonie s'est beaucoup plus abstenue : le taux d'abstention estimé pour toute la France est de 26 %. Au niveau des Outre-mer dans leur ensemble, elle serait de 56 %. Mais il y a eu plus fort en Polynésie française : 69,1%, tandis qu'elle a été de 43,3 % à Wallis et Futuna.