Îles Loyauté : une étude génétique sur la goutte et l'insuffisance rénale chronique au profit des habitants

Les représentants de la province des Îles, du service de rhumatologie de Lille et du laboratoire américain Variant bio ratifient le lancement de l'étude génétique en 2023.
En Nouvelle-Calédonie, 1 800 Loyaltiens ont participé à une enquête sur la goutte et l'insuffisance rénale chronique lancée en 2023. Un laboratoire américain, chargé de l'étude, est venu clore la collecte des données le vendredi 18 octobre. L'enjeu, in fine, serait de développer un nouveau traitement d'ici quinze ans, mais la démarche se veut aussi profitable pour les populations à court terme.

Aux îles Loyauté, 12,5 % des habitants sont atteints de la goutte, selon les données de la direction provinciale de l'action communautaire et de l'action sanitaire (Dacas). Fait inhabituel, des cas de rhumatisme articulaire ont été détectés chez des adolescents. L'insuffisance rénale chronique est aussi très présente. Si les symptômes de ces maladies dites communes sont couramment pris en charge, les causes et leurs origines sont en revanche moins connues.

Un laboratoire américain, Variant Bio, s’intéresse à cette prévalence au sein des "communautés autochtones". L'objectif est de mieux "comprendre s’il y a des variants génétiques qui font la base de ces maladies", afin de développer un nouveau traitement.

Les Loyaltiens étaient appelés à participer à une étude génétique l’an dernier. Une équipe s'est rendue aux îles, la semaine dernière, pour clore la collecte des échantillons. 1 800 habitants, âgés de 18 à 80 ans, ont contribué à l'enquête. Ils ont répondu à un questionnaire de santé et subi des analyses biologiques qui donneront lieu à des analyses génétiques.

Des malades de tous les âges

Aux îles, "tout le monde a quelqu’un dans sa famille qui a la goutte ou bien de l’insuffisance rénale chronique. C’est pour cela que [l'étude] intéresse aussi bien les jeunes que les personnes plus âgées", explique Sarah LeBaron von Baeyer, l'anthropologue chargée du consentement de la population.

Il y a beaucoup de jeunes qui sont atteints de la goutte. Ça ne touche pas que leurs grand-parents.

Sarah LeBaron von Baeyer, anthropologue

La présence d'une anthropologue, c'est l'une des singularités de la méthode. Inclure dans la recherche médicale la dimension culturelle, en instaurant un dialogue avec les participants. "C'est important pour nous de nous engager au fil du temps avec les communautés. De ne pas juste venir, prendre ce dont on a besoin et repartir sans rien donner en retour."

L'ensemble des chefs coutumiers a adhéré au programme. Même si au départ, il existait une crainte sur la possibilité de mener des analyses sur les ascendances à partir des échantillons de sang.

10 % du budget de l'étude seront alloués à des associations au profit de la santé sur les îles Loyauté.

Des variants génétiques plus rares

Autre particularité, les populations autochtones et insulaires sont principalement ciblées. En Océanie, la Polynésie française et la Nouvelle-Zélande font l’objet d’une étude similaire. D'autres parties du globe sont également concernées. "Afrique, Indonésie, les îles Féroé en Europe... Ce sont souvent des îles car c’est là où se retrouve la plus grande concentration de variants génétiques qui sont plus rares parmi les autres populations du monde", souligne l'anthropologue.

"On reviendra l'année prochaine avec les résultats préliminaires pour les partager avec les habitants qui ont participé, pas seulement avec les médecins ou les scientifiques."

La mise sur le marché d'un nouveau médicament contre la goutte ou l’insuffisance rénale chronique prendrait, au bas mot, une quinzaine d’années. Mais si tel est le cas, 4 % des bénéfices seront reversés à l’ensemble des communautés "qui auront participé partout dans le monde", y compris aux Loyaltiens.