Portrait. Découvrez le destin peu commun de Simanë Wenethem, du breakdance à la chefferie

Impliqué dans de nombreux projets, Simanë Wenethem est régulièrement invité à l’étranger pour danser ou venir chanter, en français comme en drehu.
Très connu dans le milieu des cultures urbaines, c’est par le hip-hop et le slam que Simanë Wenethem, originaire de Lifou mais élevé à Nouméa, a redécouvert ses racines. Il s’apprête aujourd’hui à faire le chemin inverse, pour assumer des fonctions de petit chef dans sa tribu d’origine. Découvrez son portrait dans Destins peu communs.

 "Je vous préviens, il faut une heure pour me présenter." Simanë, Ludovic de son prénom en français, Wenethem de son nom, est un artiste originaire de Lifou, bien connu en Calédonie. "Beaucoup de personnes pensent d’ailleurs que Simanë est un nom de scène, alors que c’est le prénom que m’a donné mon grand-père et qui veut dire baigné de chance."

Simanë passe ses cinq premières années de vie à Lifou, où son père est petit chef à Wé, le chef-lieu de l’île. Il a un frère jumeau, handicapé de naissance, pour lequel la famille déménage en 1993 à Ducos. "Nous sommes les derniers de la famille, explique Simanë, tous mes grands frères ont vécu à Lifou, ont parlé le drehu, ont fait la coutume alors que moi j’ai enfoui ces souvenirs d’enfance."

Alors qu’il est âgé de dix ans, sa famille s’installe finalement dans le quartier de Rivière-Salée. Les coutumes se font dorénavant dans des appartements, où "il n’y a pas beaucoup de place pour accueillir des gens, où on ne chante pas, on ne danse pas, moi j’ai appris cette façon de faire mais j’avais inconsciemment le souvenir des coutumes de Lifou et quand je découvre le hip-hop, ça me rappelle quelque chose mais je ne sais pas quoi et c’est après, avec le recul que j’ai compris."

Faire revivre les souvenirs enfouis



Sa recherche artistique frémissante se mêle alors à des premières interrogations identitaires. "Je connaissais le travail de Paul Wamo qui fait du slam mais à sa façon et je me suis demandé comment faire du hip-hop à moi : moi, je suis qui ? C’est là que j’ai commencé à poser des questions." Simanë débute le hip-hop avec son frère alors qu’il a dix ans.

Des pas de danse émergent aussi des questions. "A Lifou les familles ou les clans ont des danses et des chants spécifiques et je me suis demandé quelles sont celles qui me représentent moi, Simanë Wenethem, de Qanono, de Wé, district de Gaïca puis j’ai voulu accentuer cette identité et la reformuler." L’artiste chante alors les liens et les symboles de la société traditionnelle accompagné de hip-hop, ou au contraire, raconte son enfance dans le quartier populaire de Rivière-Salée avec des sons traditionnels de bambous ou de toutoute.

Cette recherche s’accompagne également d’un amour des mots. "A neuf ans, je suis tombé par hasard sur un dictionnaire j’ai découvert que RS était un acrostiche, que ça voulait dire Rivière Salée et qu’en plus il s’agissait d’un oxymore, à partir de là, je kiffe les mots et je me mets à chercher toutes les définitions et à jouer avec." Il commence alors à affirmer son style dans des battes de breakdance et dans ses slams.

 

Le temps du petit-chef

 

Aujourd’hui, quelques mois après le décès de son père, c’est toute la famille qui est destinée à reprendre la chefferie. Chez Simanë, âgé de 35 ans, une crainte perdure : que son  identité d’artiste soit mal perçue dans le monde de la coutume. "Ce ne sont pas des choses qui s’expliquent mais qui se vivent et je viens d’accepter de me former à la chefferie, aux coutumes et à me rendre de plus en plus à Lifou pour y vivre un jour et pour cela j’ai été encouragé à donner là-bas le même exemple que je donne ici, ce qui m’a rassuré."  

Simanë a aujourd’hui la sensation que son chemin le ramène "de plus en plus vers chez moi, je sais maintenant où est ma place, même si j’ai encore du travail à faire". Le jeune homme se présente, en tout cas plus facilement aujourd’hui : il est artiste. "Oui sans aucune doute car c’est bien cela l’artiste : se soigner en donnant l’exemple pour que d’autres se disent que peut-être eux aussi peuvent aller mieux en s’appuyant sur leur culture."

Découvrez ici cet épisode ainsi que tous les autres de Destins peu communs, l'émission qui part à la rencontre de nos identités (diffusion en radio les mardis à 12h17 et rediffusé le dimanche à 12h20).