Comme l’UT CFE-CGC s’y était engagé samedi 20 août, la grève a été suspendue pour quelque temps, à Air Calédonie, qui a pu reprendre ses vols. Pourtant, trois jours après ce retour à la normale, malgré les rotations supplémentaires d’Aircal et du Betico, la compagnie aérienne comptabilisait encore "150 à 160 passagers en souffrance à Lifou", précise son PDG.
L'île de Drehu, qui représente habituellement 40 % du trafic, a été la destination la plus touchée par ces perturbations. "Au redémarrage, on était déjà à 300 personnes sur liste d’attente". Une liste qui ne désemplit pas facilement, constate Samuel Hnepeune, en raison "des nouvelles demandes qui apparaissent chaque jour".
Certains frais engagés par les passagers pénalisés seront remboursés par la compagnie. "Cela sera traité au cas par cas, selon les types de billets achetés. Les hébergements dans les hôtels seront pris en charge. On s’attend à une grosse facture."
Un protocole en voie de finalisation avec l’UT CFE-CGC
Ce retour à la normale reste suspendu à l’avancée des discussions. Car deux conflits sont toujours en cours. L’UT CFE-CGC, qui dénonce les méthodes de management, a rencontré ce mardi le gouvernement, sans la direction d’Aircal. "On a encore envoyé une dernière mouture de protocole, hier à midi, même si nous n’étions pas présents à la réunion, signale Samuel Hnepeune. Cela a quand même permis au gouvernement et au syndicat de trouver une issue et on devra se voir après pour formaliser les points qui ont été arrêtés."
Selon le PDG d’Aircal, ce protocole reprend des points déjà proposés par la direction. A savoir un audit externe sur la gestion du management et des ressources humaines. Autre point du protocole, la création d’une cellule en interne pour favoriser davantage le dialogue social.
Parmi les nouveautés : le lancement d’un audit financier par un organisme extérieur, également, et l’intervention de la DTE (direction du Travail et de l’emploi) "pour apaiser les tensions et renouer le dialogue au sein de l’entreprise", souligne Samuel Hnepeune. Une nouvelle rencontre entre l’UT CFE-CGC et le gouvernement est prévue jeudi 25 août pour finaliser ce protocole.
Le conflit avec l’USTKE toujours en cours
Autre nuage dans le ciel d’Air Calédonie, l’USTKE menace de reprendre sa grève pour la réintégration d’une pilote. L’organisation syndicale reproche à la direction de ne pas tenir le calendrier des discussions et doit rencontrer, elle aussi, le gouvernement, ce mercredi 24 août.
Mais le PDG veut croire, là encore, à une sortie de conflit prochainement. "Ce que je crois comprendre, c’est qu’ils sont en train de finaliser le protocole pour mettre en place le processus de formation qui permet de récupérer le fameux 'gap' [écart, NDLR] qui manque, pour pouvoir faciliter la réintégration de [la] pilote dans les mois qui viennent."
Une fréquentation insuffisante
Entre aléas climatiques et mouvement sociaux, ce tunnel de perturbations intervient à un moment critique pour la compagnie. Le mois d’août, qui concentre la période des mariages et des vacances scolaires, représente une part importante de l’activité d'Air Calédonie, avec près de 40 000 voyageurs.
Sans compter les baisses de la fréquentation depuis la crise sanitaire. "Sur les comptes de l’entreprise, c’est une véritable catastrophe. 2019, année de référence, c’était 465 00 passagers. Nous avons terminé péniblement l’année [2021] avec 262 000 passagers. Une perte de 200 000 passagers chez nous, c’est 2 milliards de recettes en moins."
Des recettes qui baissent, mais des charges qui restent constantes, s’inquiète le PDG. "On a véritablement un problème à rééquilibrer nos comptes. On a très mal commencé l’année avec, en janvier et février, 20 000 passagers de moins. Août a été un désastre pour nous. C’est un des mois où l’on pouvait se refaire et ça n’a pas été le cas."
Vers un risque de dépôt de bilan
La compagnie estime son déficit à 500 millions de francs, d’ici la fin de l’année. Une projection d’autant plus inquiétante qu’Aircal s’est largement endettée, entre le prêt destiné à renouveler sa flotte et un autre prêt garanti par l’Etat, d’un montant d’1,2 milliard de francs, pour faire face à la crise sanitaire. "On se rapproche très dangereusement de la période de 2012, où on était proche du dépôt de bilan. Ça veut dire que le 31 décembre, quand on fera le point sur ces 500 millions de déficit pour cette année, le commissaire aux comptes, qui jusqu'à présent, ne nous faisait pas de réserve, va certainement nous obliger à poser la question au conseil d’administration, si la compagnie peut continuer à vivre et continuer à exploiter."
Un entretien à retrouver ici