Un jeune homme a poignardé son beau-frère à Houaïlou

Au tribunal correctionnel de Nouméa, le 28 mars 2023.
Dans la soirée de vendredi, une dispute conjugale a éclaté au cours d’une levée de deuil à Houaïlou. La victime, qui a essayé de s'interposer, a été poignardée à la tête et à l’abdomen par le compagnon de sa sœur. L’interpellation qui s’en est suivie avec les gendarmes a été particulièrement houleuse. L'auteur présumé comparaissait ce mardi mais le procès a été renvoyé.

Il aurait pu y avoir un mort. Dans la soirée du vendredi 7 juillet, un homme de 23 ans a poignardé son beau-frère à deux reprises, alors que celui-ci tentait de s’interposer dans une dispute conjugale sur la commune de Houaïlou. Traduit en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel, ce mardi matin, l’agresseur a reconnu les coups de couteau.

Voyage alcoolisé

Le jeune homme habite Nouméa. Quelques heures avant les faits, il était parti en bus avec sa compagne, mineure de dix-sept ans, et sa belle-famille, en direction de la côte Est pour une levée de deuil. “Vous vous rendiez pour la première fois dans la tribu de votre compagne pour un travail coutumier”, expose la présidente Lise Prenel. Sur le trajet pour Houaïlou, le prévenu et son beau-frère s'alcoolisent massivement. “Vous avez partagé une bouteille de pastis de deux litres et six bières chacun”, liste la magistrate.

Une fois descendue du bus, toute la famille se rend à pied jusqu’à la tribu. Mais sur le chemin, et alors qu’il commence à faire nuit, le jeune homme se dispute avec sa compagne. Jusqu’à la gifler sous les yeux de son frère et sa mère. “Vous lui reprochiez de ne pas l’attendre et de marcher plus vite que vous”, poursuit Lise Prenel. Le calme revient ensuite.

“J’ai perdu beaucoup de sang”

Un peu plus tard dans la soirée, une nouvelle dispute éclate et cette fois, tout dégénère. Car alors que le beau-frère intervient pour séparer le couple lors d'une nouvelle dispute, il est poignardé à deux reprises par le conjoint, qui a presque deux grammes d’alcool dans le sang. La victime est absente au procès et n’a pas souhaité déposer plainte. Mais sur procès-verbal devant les gendarmes, elle a raconté : “Je l’ai vu claquer la tête de ma sœur. Je suis intervenu pour lui dire de ne pas la frapper et j’ai senti un coup à la tête et au ventre. J’ai perdu beaucoup de sang.” Le certificat médical atteste de blessures sérieuses.

"On ne refuse pas l’alcool, c’est malpoli”

La présidente sermonne le prévenu, “vous auriez pu le tuer. L’alcool fait de vous un autre homme, et vous le savez puisque vous avez déjà été averti par la justice. Je vois sur votre casier que vous avez déjà été condamné pour des violences avec arme en 2017. C’était quel type d’arme, vous vous en rappelez ?” Le prévenu fait mine de ne pas s’en souvenir avant d’avancer l’excuse de l’alcool pour justifier son comportement de vendredi soir. “Chez nous, on ne refuse pas l’alcool, c’est malpoli”, dit-il, à la surprise des magistrats.

Rébellion et menaces de mort

Avertis par un membre de la famille, les gendarmes se transportent aussitôt dans la tribu pour interpeller le jeune homme qui se cache alors dans les brousses. Et la suite tourne mal, une nouvelle fois. Dans un premier temps, il tente de fuir avant d’être plaqué au sol, résistant à son arrestation, et d’être finalement menotté. Conduit à la gendarmerie de Houaïlou, il se déchaîne sur le mobilier et s'en prend au personnel en le menaçant de mort. “Non content d’avoir giflé votre compagne et poignardé votre beau-frère, vous avez dit aux gendarmes que des cousins allaient jeter des cocktails Molotov sur la brigade pour la brûler et qu’ils allaient prendre un coup de calibre. Vous auriez dû faire profil bas”, souligne la présidente.

Cinq ans de prison requis

Des faits “inadmissibles”, pour le procureur Nicolas Kerfridin, qui rappelle que la victime “a failli mourir. Et je ne pense pas que ce soit écrit dans la coutume, ou ailleurs, que refuser de l’alcool est impoli.” La peine de cinq ans de prison, dont un avec sursis probatoire, et son incarcération immédiate sont requises.

Le beau-frère a sorti une barre de fer pour le frapper.

Me de La Droitière, avocate de la défense

De l’autre côté de la barre, l’avocate Me Marguerite de La Droitière défend une vision différente du dossier. “Le beau-frère a sorti une barre de fer pour le frapper, et mon client a sorti un couteau en réplique. La victime voulait en découdre avec le prévenu qui a réagi à cette menace en manquant de proportion. L’envoyer en prison ne résoudra rien, il faut traiter le vrai problème, son rapport à l’alcool”, plaide le conseil.

Renvoi surprise

Au retour dans la salle d’audience pour rendre le délibéré, la présidente annonce finalement que le procès va être… renvoyé. En cause, “une difficulté juridique”, expose Lise Prenel, à la grande surprise du procureur et de l’avocate. “La loi nous oblige à ce que la compagne mineure qui a été violentée soit présente à l’audience ou représentée par sa mère. Ce qui n’est pas le cas. Nous devons donc désigner un administrateur ad hoc”, c’est-à-dire une personne chargée de protéger les droits d’un mineur au cours d’une procédure.

La juridiction a renvoyé le dossier au 4 août. Dans l’attente du procès, l’agresseur est maintenu en détention au Camp-Est. Il risque jusqu’à sept ans d’emprisonnement.