Depuis 2017, les habitants de la tribu de Méa-Mébara sur la côte Est, se sont habitués au discret chuintement du four à gaz de Caroline. Tasses, bols, plats : la jeune potière s’adonne à sa passion avec un mélange de ferveur et de précision mathématique héritée de sa formation d’ingénieure…
En 2009, c’est en effet pour un stage de six mois à la SLN que Caroline foule pour la première fois la terre calédonienne. Elle suit alors un cursus à l’École de géologie de Nancy, dans l’Est de la France. "Ce qui m’a impressionnée quand je suis arrivée, c’est la Chaîne centrale… La puissance, la force des montagnes, plus que le lagon !" Après un autre stage codirigé par l’IRD et l’UNC consacré aux impacts des travaux du port de Vavouto, Caroline postule pour un premier travail à la SLN. L’hélicoptère devient un moyen de locomotion presque banal pour la jeune femme, qui s’attelle à un inventaire des concessions minières : Thio, Népoui, Kouaoua…
C’est d’ailleurs sur la côte Est que, suite au départ d’un collègue, elle se positionne pour un travail loin de Nouméa. Passée la première réticence de ses supérieurs qui craignent des difficultés d’adaptation, Caroline s’installe au village SLN de Kouaoua. "C’est dur sur mine, mais j’ai rencontré beaucoup de respect. Je crois que mes collègues ont fait plus attention à moi parce que j’étais une femme" se remémore celle qui était encore ingénieure géologue.
Un changement radical d'existence en 2017
Fin 2016, un véritable "appel" l’incite à abandonner la mine, pour plonger cette fois les mains dans la terre… Testée du temps du lycée, la passion de la poterie devient une activité à temps complet. Ce revirement professionnel rime avec changement radical d’existence. Aidée par les mamans rencontrées à l’église, liant avec les habitants de la vallée lors des marchés auxquels elle participe, Caroline se crée un nouveau réseau, trouvant bientôt à louer grâce au petit chef de la tribu de Méa-Mébara. "Ici on est préservés en tout, la qualité de vie, la nature… Peut-être que pour certains c’est moins riche, mais non, il y a tout à portée de main !"
L’artisane s’équipe (four à gaz, tour de potier), s’essaie à des techniques comme l’émail de cendre, pétrit des terres importées ou d’autres issues de la région, que des voisins lui apportent régulièrement. Malgré les interrogations suscitées par une telle reconversion, Caroline est reconnaissante à sa famille de la soutenir. Sa petite maison, environnée de ses plantations de taro de montagne, manioc, choux kanak, rappelle que Caroline se sent bien "hôte de ces terres" : "Ma vie est à la tribu !" lâche-t-elle dans un grand éclat de rire.