A l'arrière d'un jardin, à Houaïlou, un cacaoyer semble abandonné. Ses fruits sont inutilisés par le propriétaire du terrain où il a pris racine. L'arbre produit pourtant une centaine de cabosses, chaque année, quand la moyenne mondiale tourne autour de 15 par arbre. "C'est un arbre unique et remarquable. Si vous regardez le tronc principal, on y voit beaucoup de cicatrices qui sont des cicatrices de fruits. C'est un arbre qui a beaucoup produit. D'après les gens qui vivent ici, il aurait une quarantaine d'années", explique Philippe Bastide, expert international de la filière cacao.
Ce spécialiste est formel. Les arbres qu'il a découverts dans la vallée de Nédivin, ainsi que sur toute la côte Est de la Grande terre, produisent des fèves d'une rareté et d'une qualité exceptionnelles.
Je circule pas mal dans le monde et des cacaoyers qui sont blancs avec des cabosses rouges, je peux vous garantir que c'est plutôt rare.
Philippe Bastide, expert international de la filière cacao
Une découverte "excessivement rare"
Lorsque Philippe Bastide découpe une fève, la chair blanche qu'elle révèle confirme ses impressions. "On voit bien que ce sont des graines blanches. Quelque 99 % des cacaoyers que l'on trouve dans le monde ont des graines violettes et des fruits violets ou oranges et parfois des fruits jaunes. Les cacaoyers qui ont des graines blanches sont plutôt très rares", poursuit-il. "Il y en deux catégories : ceux qu'on appelle criollo, qui sont les créoles, les natifs et une autre variété qu'on appelle l'amelonado, en forme de melon, qui peuvent être parfois blancs. C'est excessivement rare", insiste l'expert.
Des dizaines d'utilisations possibles
Avec cette découverte, c'est toute une filière qui pourrait être mise en place, dans les prochaines années. Développer la production de cacao serait une aubaine pour l'agroforesterie et les professionnels du chocolat, déjà implantés dans le pays. "Nous n'avions pas imaginé que nous trouverions cette qualité de cacao", reconnaît Dominique Lefeivre, chocolatier.
J'imagine que nous allons maintenant réfléchir, au sein de ma société, à changer de stratégie parce que nous sommes en présence d'un cacao qui est numéro un mondial.
Dominique Lefeivre, chocolatier
Le cacao est souvent associé au chocolat, mais il existe pourtant des dizaines d'autres utilisations possibles de ce fruit.
Un reportage de Brice Bachon et Nathan Poaouteta :
Un expert international
Titulaire d'un doctorat consacré à l'étude des composés phénoliques de la fève du cacao, Philippe Bastide est membre du Cirad, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. Il mène une mission en Nouvelle-Calédonie, du 1er au 8 août, dans le cadre du Projet régional océanien des territoires pour la gestion durable des écosystèmes (Protege). Un projet mis en œuvre par la Communauté du Pacifique (CPS) et financé par l'Union européenne. Au cours de trente dernières années, il a notamment accompagné des projets à Haïta, au Costa Rica, en Colombie, en Equateur, au Brésil, au Cameroun, en Côte d'Ivoire et au Vanuatu.
Après avoir rendu visite à des agriculteurs à Touho, à Poindimié, à Ponérihouen, à Houaïlou et à Canala, Philippe Bastide a animé une conférence, jeudi, à Nouméa. Vendredi matin, il conduisait une démonstration de greffage à Botanéa, à Dumbéa.
Son entretien au JT avec Loreleï Aubry :
Les cacaoyers, des arbres importés en Nouvelle-Calédonie
Les premiers cacaoyers calédoniens ont été importés du Vanuatu, il y a plus d'un siècle. Dès 1912, la chambre d'agriculture a accompagné l'implantation de parcelles pilotes à partir de cabosses acquises aux Nouvelles-Hébrides.