Le président de l'assemblée de la province Nord, du gouvernement, le directeur du CHN et la directrice de la DASS : ils sont tous destinataires d'un courrier envoyé par le collectif citoyen SOS du Nord - santé en péril. "Suite au constat alarmant de la pénurie de soignants en Province Nord, le collectif se mobilise depuis septembre 2024 au sein des différentes communes pour recueillir le témoignage des citoyens, alerter les autorités et sensibiliser la population sur la crise sanitaire qui frappe notre région", est-il écrit en préambule.
De nombreux patients arrêtent leur traitements de fond, par manque de médecins pour renouveler leur ordonnance, et manque de moyen pour se déplacer pour consulter à distance. Je constate déjà une augmentation des consultations urgentes, et une aggravation de la santé de la population dues à l'arrêt des traitements préventifs dans ma pratique de tous les jours.
Docteur Mireille Roth-Heitz, urgentiste, généraliste à Koumac
La double peine de l'éloignement
À ce courrier qui explique leur démarche, les membres du collectif joignent six pages de témoignages d'habitants qui disent leur difficulté à se faire soigner, et un point précis de la situation dans les structures de soins. "Il a pour vocation de recenser les praticiens, les établissements et les services encore ouverts afin d’alerter sur la dégradation de l’offre de soins de cette zone sous-dotée."
Notre province, qui compte près de 50 000 habitants, fait face aujourd’hui à une désertification médicale aggravée, mettant en péril l’accès aux soins de base. Si cette situation perdure, elle entraînera des conséquences graves, non seulement pour la santé publique des habitants du Nord, mais aussi pour le maintien des professionnels de santé dans la région
Le collectif SOS du Nord - santé en péril
Faisant référence à la réalité des transports aux îles Bélep, ou de ceux qui habitent les îlots de Poum, le collectif explique "les kilomètres à parcourir, quand on dépend d'une rotation de transport limitée, ou des mois qu'il faut attendre pour [obtenir] un rendez-vous [médical]. L’éloignement géographique, la précarité du réseau routier, l’absence de moyens de transport et d’hébergement rendent ainsi difficile l’accès aux soins pour les habitants des villages et des tribus éloignés (jusqu’à trois heures de route pour consulter un médecin, quatre heures de navigation pour rejoindre parfois la côte)."
Quelle spécialité, et où ?
"Les risques liés aux urgences sont également accrus : les déplacements du SMUR sont limités ; les dispensaires du Grand Nord n’assurent plus d’astreinte depuis des mois et il a été décidé la fermeture des lits d’hospitalisation et des urgences la nuit et les week-ends dans les hôpitaux de Poindimié et de Koumac."
Le manque de prise en charge rapide en situation d'urgence représente une perte de chance immense pour la population
Le collectif SOS du Nord - santé en péril
"L'absence de visibilité sur l'offre de soins" oblige à des parcours compliqués pour trouver des rendez-vous avec des spécialistes. "D'autres tentent de se soigner eux-mêmes, ce qui aggrave les pathologies chroniques et augmente les urgences médicales. Le manque de communication entre les structures de soin créent de la confusion et laissent penser que certains centres sont fermés. Cela décourage la fréquentation de ces établissements au détriment d’autres structures surchargées, comme le Pôle sanitaire Nord de Koné."
Déséquilibre Nord/Sud
Les patients sont ballottés d'une structure à une autre, sans continuité dans la prise en charge. "Cette confusion entraîne des coûts de déplacement élevés, une perte de temps, de la fatigue et de l'anxiété pour les patients. Il existe aujourd’hui un déséquilibre flagrant Nord/ Sud en termes d’offre de soins."
Connaissant le taux de patients à haut risque cardiovasculaire ou à risque de détresse respiratoire dans le Nord, et le nombre important de gens n'ayant pas de moyen de transport, on peut affirmer qu'ils sont en danger, et que leur sécurité sanitaire n'est plus assurée
Docteur Mireille Roth-Heitz, urgentiste, généraliste à Koumac
"Y-a-t-il une corrélation entre ces inégalités et l’organisme financeur de la santé en province Nord ?" s'interroge le collectif. La question se pose notamment lorsque la collectivité peine à recruter et financer une véritable offre de soins pour sa population, alors que le centre de détention du Nord, financé par le ministère de la Justice, dispose de plusieurs soignants et spécialistes pour 120 détenus."
"Impression d'abandon"
Où sont les renforts tant attendus de la réserve sanitaire ? Au Médipôle, on confirmait en octobre que seul un urgentiste avait répondu à l'appel. Onze médecins étaient pourtant annoncés dans un premier temps. "Malgré les demandes et problématiques remontées aux autorités, le silence de ces dernières démontre une absence de support institutionnel. Couplé aux retards réguliers des règlement de factures d'aide médicale pour les professionnels libéraux, ce manque de dialogue accentue l’impression d’abandon ressentie par les professionnels de santé."
Le collectif SOS du Nord - santé en péril demandent aux autorités d'agir de manière urgente, et de mettre en place une série de mesures :
- Améliorer l'accès aux soins : en rétablissant un réseau de proximité et en renforçant les transports.
- Recrutement et aide à l'installation de nouveaux soignants
- Soutien aux personnels soignants déjà implantés
- Communication sur le réseau de soins en province Nord : pour améliorer l'orientation et éviter les déplacements inutiles.
- Mise en place d'une équipe de gestion pour promouvoir et coordonner les soins en province Nord
- Réforme de la politique de santé publique et ouverture du dialogue entre soignants et institutions, pour évaluer les besoins de santé publique et réagir aux crises sanitaires.
Une pétition est en ligne, et disponible également en version papier.