Tous les matins, Mathieu Naturel se rend sur sa parcelle. Concombres, courgettes, tomates, pastèques ou haricots verts. Il vérifie les éventuelles maladies des plantes et la qualité de ses sols. Installé depuis un an, il a acheté cinq hectares et demi à la Ouaménie, près de Boulouparis. Deux hectares sont entièrement consacrés au maraîchage en agriculture responsable. Sur le reste de l'exploitation, pâturent quelques chevaux et moutons.
Certification responsable
Dès le début de son projet, il a voulu que son exploitation prenne en compte la préservation de l’environnement. Pour y arriver, il se fait aider par le réseau Repair, qui l'accompagne dans sa démarche de certification. Il faut environ deux ans pour être certifié et correspondre au cahier des charges. Ce matin, il est accompagné de Carmen Royères, technicienne en agro-écologie. "Mathieu a totalement pris en compte la vie du sol et leur fertilité sur les rotations, sur les cultures... Il est passionné et donc il réfléchit son sytème dans sa globalité", commente la technicienne. "Le zéro intrant n'existe pas. Mais avec l'agriculture responsable, on se dit que si on enlève quelque chose, un insecte nuisible par exemple, on ramène quelque chose, comme un insecte qui va aider les fleurs à s'épanouir."
Foncier agricole
Ancien éleveur de bovins, l’agriculteur de 37 ans a pris le tournant de l’agriculture responsable en pensant d’abord à ses enfants. Avec sa femme, il a acheté un terrain qui a été difficile à trouver. Au départ, il souhaitait plus de surface d'exploitation pour refaire de l'élevage mais il n'a pas pu se le permettre étant donner le prix du foncier. Plus largement, le foncier est un véritable problème pour les agriculteurs calédoniens qui s'installent aujourd'hui et n'ont pas de terres familiales. Emmanuel Macron s'est d'ailleurs dit sensible à cette problématique lors de sa visite chez un producteur d'ananas, à Moindou.
Cercle vertueux
C’est un vrai cercle vertueux que l'agriculteur a entrepris sur son exploitation : il réutilise le fumier de ses chevaux et de ses moutons pour ses parcelles, et les abeilles de ses ruches pollinisent ses fleurs de courgettes. D'ailleurs, chaque ruche a le nom d'un de ses enfants. Et d'expliquer avec enthousiasme : "J'utilise notamment la technique du paillage sur mes sols pour garder l'humidité. C'est important, surtout en période de sécheresse", commente-t-il. L'objectif est de ne jamais laisser ses sols à nu afin d'éviter, entre autres, le développement des mauvaises herbes.
"Avec la vie on progresse, les enfants rentrent en jeu. Le sol est extrêmement précieux. Nous, on en a besoin pour nous nourrir. Mais les générations futures en auront besoin aussi, ça ne nous appartient pas", explique avec conviction le maraîcher. "Ça a été une prise de conscience de comprendre comment fonctionne un sol, comment le travailler, et même l'améliorer pour le laisser aux générations futures."
Ce sol, c’est la seule chose qu’on ne sait pas fabriquer
Mathieu Naturel, agriculteur
Circuit-court
Comme Mathieu Naturel, ils sont plus de 70 agriculteurs à adhérer au réseau Repair, soit 20 % des fruits et légumes du pays. Du champ à l’assiette, il n’y a que quelques kilomètres. Les produits du maraîcher arrivent chez Carolyn Thomas, primeur installé à Nouméa. Chaque semaine, elle réceptionne une centaine de kilos de fruits et légumes dans son magasin cosy. Ancienne architecte d'intérieur, c'est avec conviction qu'elle s'est tournée vers l'approvisionnement auprès d'agriculteurs responsables. "A force de discuter avec eux, je me suis dit qu'il fallait faire quelque chose pour les commercialiser, c'est pour ça que j'ai créé ce magasin." Elle a même mis en place un macaron qui indique si ses produits vendus sont en provenance de maraîchers certifiés et locaux. "Nos clients sont vraiment ravis car les légumes ont du goût", commente Carolyn Thomas.
Des clients ravis et des agriculteurs heureux de penser à l’avenir, l’agriculture responsable a encore de belles années devant elle.
Un reportage de Noémie Dutertre et Laura Schintu