Il y a cinq ans, il disait que la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie. Mercredi, sur la place des Cocotiers, Emmanuel Macron a clairement ancré le territoire dans la République. “La Nouvelle-Calédonie est française parce qu’elle a choisi de rester française”, lance-t-il suscitant une vague d’approbation dans la foule, à dominante bleu, blanc, rouge.
“À l’issue des trois référendums, je ne mésestime pas les aspirations déçues (...) mais nous devons avoir la grandeur d’accepter ces résultats.” Aux responsables indépendantistes absents du rendez-vous politique, le matin, à savoir l’UC et le RDO, il a dit être blessé. Devant les présents, il brandit le risque “d'accepter les diktats de ceux qui ne savent plus trop où est leur base" et qui craignent les désaccords.
Le dialogue tripartite est un courage, c’est un courage que vous avez eu, qui fait que nous sommes là aujourd’hui, c’est celui qui a mis fin à la violence, qui bâtit l’avenir.
Aux non-indépendantistes, il rappelle que les référendums n’ont pas tout réglé. “Il faut redoubler d’humilité et de sens des responsabilités. (…) Au fond, ce que j’attends des uns et des autres, c’est de ne pas reproduire les erreurs de l’histoire, de sortir du face-à-face qui conduira aux mêmes violences, aux mêmes difficultés.”
Une révision constitutionnelle début 2024
Pour cela, il propose un “pacte de Nouméa”, “un pacte du pardon et de l’avenir”. Emmanuel Macron veut notamment avancer sur le dégel du corps électoral. Mercredi, il a fixé une échéance : une révision de la Constitution début 2024. Pour cela, il compte sur des discussions trilatérales menées tambour battant entre la fin de l’été et l’automne. Mais pour renouer le dialogue, une partie des indépendantistes attendaient un geste fort de pardon. Des excuses officielles pour la colonisation par exemple.
"Un passé qui n'est pas passé”
Dans son discours, Emmanuel Macron est revenu sur la prise de possession. Il a reconnu “la violence qui l’a accompagnée” et “la souffrance” provoquée. “Il nous faut la regarder en face, regarder en face ce passé qui n'est pas passé.” Il y a cinq ans, il avait remis l’acte de possession à la Nouvelle-Calédonie. Un geste demeuré incompris. Il admet avoir fait une erreur. “L’erreur de penser qu’un acte unilatéral pouvait corriger un acte unilatéral.”
Parce que nous n’avons pas fait ce chemin (du pardon), on s’est enfermé dans une erreur. L’erreur de penser qu’on corrigerait la possession par l’indépendance.
Il propose d’ouvrir “un chemin du pardon” qui prenne aussi en compte “la souffrance des bagnards et de ceux qui en descendent, des Maghrébins, des Asiatiques, de tant et tant d’autres”. Car effectuer un travail de mémoire en s’appuyant sur un comité de réconciliation ouvert et indépendant, permettra, à ses yeux, d’avancer vers “le deuxième chemin”, celui de l’avenir.
L’instauration d’une citoyenneté calédonienne
Vers un “nouveau projet, celui d'institutions pérennes, rénovées, efficaces pour sortir du face-à-face politique instauré par le processus de l’accord de Nouméa”. Pas question de revenir sur les acquis. Mais “certains points doivent être réécrits”. Après le dégel du corps électoral, il souhaite l’instauration d'une citoyenneté calédonienne. “Jusque-là, elle s’est traduite par des restrictions qui conditionnent le droit de vote et l’accès à l’emploi local”, considère le président de la République. Aux élus, il demande donc “d’engager un travail pour faire advenir une citoyenneté pleine et entière", “une citoyenneté locale qui prenne en compte (…) une appartenance aux racines multiples, pour certaines ancrées depuis des millénaires, pour d’autres plus récentes”.
Il faut que tous ensemble, on revoit les règles pour que les avantages fiscaux ne creusent pas les inégalités de rente.
Pour lui, il sera ensuite temps d’écrire un nouveau statut “dans le consensus, le respect, l’écoute active où aucune chaise ne reste vide, où chacun propose”. “Peut-être pourra-t-il se faire en quelques mois mais je ne veux brusquer personne”, promet-il. Ce statut, il le voit comme la base d’une refonte du modèle socio-économique du territoire, jugé bien trop inégalitaire. Il a évoqué les inégalités de genre mais également proposé de "revoir les règles sur les avantages fiscaux".
Un travail sur l'export du nickel et ses coûts de production, condition du soutien de l'Etat
Il est également revenu sur l’urgence de repenser la filière nickel. “Une richesse pour la Nouvelle-Calédonie, une ressource stratégique majeure pour la France et l’Europe (…) mais soyons clair, le nickel n’enrichit pas suffisamment votre territoire.” Un travail sur l’export nickel et sur les coûts de production doit être fait, prévient à nouveau Emmanuel Macron. Condition pour que l’Etat accompagne la transformation du secteur.
Je n’utilise pas l’argent du contribuable pour construire des modèles improductifs.
Autre impératif pour rendre l’or vert calédonien compétitif : s’appuyer sur une énergie moins coûteuse et “beaucoup plus décarbonée”. Il est question de plusieurs milliards d’euros. “Là, on ne va pas se battre sur les compétences : il n’y a que l’Etat qui peut financer. Mais je n’utilise pas l’argent du contribuable pour construire des modèles improductifs”, lâche le président, annonçant un rendez-vous en septembre avec tous les ministres sur le sujet. “Mais chacun devra faire une partie de l’effort”, avertit-il.
"La leçon de Moindou" sur l’agriculture
Il a également promis un soutien pour l’agriculture, “la deuxième grande force économique” du territoire. Certes, “il y a aussi une culture vivrière, qui est importante et qu’on ne prend pas toujours en compte dans les statistiques”, mais “on doit renforcer notre modèle agricole” pour aller vers plus d’autonomie alimentaire, a-t-il déclaré. “L’Etat va continuer d’investir dans la recherche agroalimentaire pour aider plusieurs filières à innover, à se passer d’un maximum d’intrants et à être plus compétitives. Mais on doit aussi être lucide sur le fait que l’immense défi sera le foncier.” Le chef de l’Etat veut faciliter l’accès à la terre. L’agence de développement rural et d'aménagement foncier (Adraf) va être réformée en ce sens, a-t-il annoncé.
Une académie militaire
Institutionnel, social et économique, son chemin vers l’avenir est aussi géopolitique et climatique. Deux sujets que le chef de l’Etat lie à l’axe indopacifique, dont il a répété l’importance pour la France et ses territoires. Côté militaire, il a confirmé plus de 200 militaires et 18 milliards de francs en plus pour les forces armées de Nouvelle-Calédonie. Mais il y aura aussi la création d’une “académie du Pacifique, ici même, pour former des militaires de toute la région”.
Un mariage sur le climat
Côté climat, il propose “un mariage de ce que les peuples autochtones ont à nous apprendre de la biodiversité, de la manière de la préserver” et de “la capacité de la France, comme grande puissance scientifique, à comprendre, prévenir et apporter des réponses aux changements climatiques”. A Touho, mardi, il a pu les constater. “Les investissements vont donc se poursuivre”, assure-t-il, citant le remplacement du navire de l’Ifremer, pour 6 milliards de francs. Un outil de recherche et de “diplomatie scientifique”, souligne-t-il. Car “la stratégie climat et biodiversité est au cœur de l’Indopacifique”. Au Vanuatu et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où il se rend ensuite, il amènera la promesse de fonds pour la protection de la biodiversité. En échange de nouveaux partenariats