Le corps électoral provincial, une question sensible

La question du maintien du gel du corps électoral ou son dégel pour les élections provinciales sera sans doute au centre des discussions sur le futur statut de la Nouvelle-Calédonie. Un sujet clivant qui suscite des tensions.


Alors que les discussions sur l’avenir institutionnel n’ont pas commencé, que Gérald Darmanin va entamer les réunions bilatérales avec les différents groupes politiques, la question du corps électoral, un dossier des plus sensibles, s’est invitée dans le débat.

Un gel toujours en vigueur ? 

Le corps électoral spécial restreint pour les élections provinciales est-il caduc ? 
"L’Accord de Nouméa est fini, pour nous ces listes électorales sont caduques, et maintenant, il convient que l’État, et d’ailleurs c’est un appel, lance un groupe de travail pour voir de quelle façon on va rouvrir ce corps électoral" expliquait le 22 février Virginie Ruffenach, la présidente du groupe Avenir en confiance au Congrès. 

Pour l’Avenir en confiance et les Loyalistes, l’Accord de Nouméa s’est arrêté le 12 décembre 2021 au soir de la troisième consultation. Juridiquement ça n’est pas tout à fait le cas.
" Tant que les partenaires politiques n’auront pas décidé ensemble d’un futur statut, d’une nouvelle solution politique, cet Accord de Nouméa reste en vigueur. On ne va pas tomber dans un vide juridique. Et donc reste en vigueur, y compris la restriction du corps électoral" commentait le 24 mai 2022 Léa Havard, maître de conférence en droit public à l’Université de la Nouvelle-Calédonie.
L’Accord de Nouméa précise en effet que les institutions restent en place le temps qu’un nouvel accord soit trouvé. Quid du corps électoral ? Politiquement la question fait débat.
"D’un côté, les indépendantistes, soutenus par certains juristes, considèrent qu’il ne peut pas y avoir de séparation entre les institutions politiques de la Nouvelle-Calédonie et le corps électoral créé spécialement pour les élire", explique l’historien et juriste Luc Steinmetz. "Ou d’autres au contraire considèrent que l’Accord de Nouméa étant maintenant terminé, il faut créer de nouvelles institutions avec un nouvel accord. Mais pour les élections de mai 2024, le corps électoral spécial du Congrès est du fait même caduc que l’auto-détermination s’est achevée". 

Des positions tranchées 

Revenu au premier plan de l’actualité à l’occasion de la révision de la liste électorale spéciale, le sujet continue d’attiser les antagonismes.
"Soit on a un accord politique avec les indépendantistes et les loyalistes qui mettent en place un nouveau corps électoral. Nous, on souhaite un corps glissant avec trois ans de présence en Nouvelle-Calédonie. Soit il n’y a pas d’accord, et les élections devront s’organiser avec un corps électoral complètement ouvert" expliquait le 22 février Gil Brial, le porte-parole des Loyalistes. 
Une proposition à laquelle Pascal Sawa, le 1er secrétaire général de l’Union calédonienne, répondait lors du congrès du FLNKS le 25 février. "Là où certains se sentent pressés par le temps et gesticulent dans les média à faire des propositions farfelues ou en boycottant les révisions de listes électorales, retenons les leçons du passé et prenons le temps qu’il faut pour débattre".
Quant à Philippe Michel, président du groupe Calédonie ensemble au Congrès, il temporise : "La solution sur le corps électoral, c’est ni la position du FLNKS : le corps électoral restera gelé ad vitam aeternam ; ni la position des Loyalistes : il sera totalement ouvert. La clé, comme d’habitude, elle est entre les deux" expliquait-il dans l’Invité de la matinale radio du 27 février. 
Les questions liées au corps électoral se sont retrouvées on s’en souvient à l’origine des Évènements des années 80. L’intégration pure et simple des quelques 41 000 électeurs de la liste générale pour les provinciales de 2024 ne manquerait pas de bousculer les équilibres politiques actuels.

Le reportage de Bernard Lassauce et Carawiane Carawiane

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