Il est le seul représentant de la délégation de l'Éveil océanien dans les discussions actuelles autour de l'avenir institutionnel. Milakulo Tukumuli, président fondateur du parti, était l'invité politique du JT ce dimanche 23 mars. L'occasion de revenir sur le positionnement affiché face au ministre des Outre-mer Manuel Valls.
L'indépendance, pas maintenant ? Le credo du mouvement reste le même, mais les contours de son projet s'affinent et se nuancent. "La question n'est pas de savoir si il y aura décolonisation, mais comment et dans quelle temporalité", estime Milakulo Tukumuli, qui veut "évacuer de suite" l'option d'une départementalisation et celle d'une souveraineté pleine et entière. Les négociations doivent en revanche aboutir à "un partenariat programmé" avec la France.
"Le point d'arrivée pour nous, c'est une souveraineté partagée, dans le sillon de ce qu'a dit Edgard Pisani en 1985", poursuit l'élu du Congrès, en référence au plan proposé par celui qui fut Haut-commissaire puis éphémère ministre chargé de la Nouvelle-Calédonie. Le socialiste avait à l'époque mis sur la table un statut d'État indépendant associé à la France, s'attirant les foudres des non-indépendantistes. A tel point que sa démission, en fin d'année, avait été qualifiée par Jacques Lafleur de "jour de joie pour la Calédonie".
Corps électoral et citoyenneté
Quid du corps électoral, sujet sensible s'il en est ? "Tout le monde s'accorde à dire qu'il faut une durée de résidence", confie Milakulo Tukumuli, pour qui plusieurs questions annexes devront être tranchées : la mise en place d'un système de points, le droit des conjoints de citoyens, celui également des parents d'enfants nés sur le territoire.
Le document de synthèse rendu par le cabinet de Manuel Valls, fin février, affirmait qu'un "premier jalon a été posé concernant l’ouverture de la citoyenneté aux natifs inscrits sur le tableau annexe de 1998 à 2010, soit 12 441 personnes". En ce qui concerne les non-natifs, "il faut définir des critères qui permettent de dire si ces personnes ont choisi de faire la Nouvelle-Calédonie leur terre définitive", opine l'élu.
"On n'a jamais été opposé à l'ouverture du corps électoral", poursuit le président de l'Éveil océanien, qui souligne le nécessaire éclaircissement de la notion de citoyenneté. "Cette citoyenneté doit devenir à un moment donné une nationalité, basée sur le droit du sol et le droit du sang", envisage-t-il.
Visite imminente
Ces questions seront probablement approfondies dès le 29 mars, date du retour de Manuel Valls qui, s'il n'a encore rien officialisé auprès des médias, n'a pas non plus "donné de contre-indication" aux différentes délégations. "Les travaux devraient débuter samedi après-midi, ce sera jusqu'au 1er avril", indique Milakulo Tukumuli.
"L'objectif du ministre est de sortir avec un compromis après quatre jours de négociations. En ce qui nous concerne, on espère avoir 80% du compromis à la sortie de cette semaine", continue le représentant de la délégation EO. Le calendrier paraît étriqué, mais en réalité, les discussions ont déjà débuté avec des membres du cabinet du ministre, par visio-conférence. Des "ateliers techniques" réunissant l'ensemble des délégations sont opérés autour de six thèmes depuis mardi.
"On a parlé du projet de société, la citoyenneté calédonienne, les compétences régaliennes, la gouvernance. On doit encore parler de la constitution calédonienne et de la décolonisation, le sujet central", énumère Milakulo Tukumuli. En l'état, même si un accord était trouvé rapidement, la tenue des prochaines provinciales semble s'éloigner à vue d'oeil. Reportées une première fois à novembre 2025 au plus tard, seront-elles à nouveau repoussées à 2026 ?
"Si on a un compromis politique, admettons le 13 mai 2025, il n'y aura pas d'élections au mois de novembre", conclut le président de l'Éveil océanien, qui dresse un parallèle avec le cheminement de l'Accord de Nouméa : les premières provinciales ne s'étaient tenues qu'un an après sa signature, en 1999.