VIDEO. Crise en Nouvelle-Calédonie. L'ancien maire de Bourail, Jean-Pierre Taïeb Aïfa : "J'appelle à la sagesse, à la raison"

Une interview de Medriko Peteissi ©NC la 1ère
Maire de Bourail pendant 30 ans, président de l'assemblée territoriale en 1978, élu du Congrès dans les années 2000, Jean-Pierre Taïeb Aïfa a une longue carrière politique derrière lui. En 1983, il a participé à la table ronde de Nainville-les-Roches, et fait partie du comité des Sages pendant la période référendaire. Pour NC la 1ère, il revient sur la crise qui secoue la Nouvelle-Calédonie. Pour lui, "un mort, quel que soit son âge, son sexe, sa couleur, c'est un mort de trop ! "

On l'a vu en haut des barrages, à Bourail. Une vidéo devenue virale, pour l'ancien maire de Bourail, Jean-Pierre Taïeb Aïfa, qui tient aujourd'hui à faire passer un message de "vivre ensemble".

Medriko Peteisi : Aujourd'hui, comment l'ancien élu que vous êtes vit-il la période actuelle ? 

Jean-Pierre Taïeb Aïfa :  Là, je la vis difficilement, après 36 ans de paix. On refait presque les mêmes erreurs. On a déjà eu les morts de 84, les morts de 88. Mais quel gâchis. Je crains que l'histoire ne se répète si on ne gère pas le problème au fond, mais qu'on le gère de façon superficielle, pour faire plaisir aux uns et aux autres. 
Mais le pire, là, c'est qu'on a affaire à une bande de jeunes, qui ne veulent pas retenir la leçon de l'histoire, ils ne veulent pas la connaître et on en arrive à cette situation dramatique.

Aujourd'hui, en peu de temps, on a sept morts, je regarde ni la couleur, ni le sexe, je dis : un mort, c'est un mort de trop !

Jean-Pierre Taïeb Aïfa


M.P : Quel est le message que vous voulez faire passer ? 

J-P T. A : Les réseaux sociaux m'ont encore affublé du titre d'indépendantiste. A Bourail, il y a une communauté qui a vécu les Evènements de 88 et de 84 et ne veut plus voir ça. Vous m'avez vu sur les barricades mais vous n'avez pas vu le nombre de jeunes et de Bouraillais venus partager un repas (...) Tant qu'on peut dialoguer, échanger, on peut avoir des arguments pour ou contre, indépendantistes ou anti-indépendantistes, mais on arrive à s'entendre et à se comprendre. On a des réunions, jusque tard le soir, pour parler de la sécurité de Bourail, de la réouverture des magasins ... Autour de la table, ce sont des indépendantistes mais aussi des loyalistes. Ensemble, ils disent qu'il nous faut des solutions pour garder la paix dans notre commune.

On réfléchit à démultpilier ces rencontres citoyennes. On a réussi à Poindimié, à Poya. 

Respect et humilité

M.P : Dans un communiqué, l'USTKE indique que vous réunissez "toutes les qualités d'un homme de dialogue précieux". Quelle est votre position ? 

J-P T.A : Moi, je ne me vois nulle part, dans la mesure où je suis utile au pays, peu m'importe. J'ai eu une carrière politique, j'ai su la faire humblement, respecter l'autre. Aujourd'hui, j'aimerais revenir à une situation où les gens reviennent au respect et à l'humilité. Je n'ai pas de fonds de commerce, je ne suis pas là pour aller à une élection. J'ai volontairement arrêté mes mandats poltiques à la mairie. Il faut que les uns et les autres arrêtent d'utiliser des propos clivants.(...) Il faut qu'on aille à un raisonnement profond et trouver une solution. 

On ne peut pas demander une mission du dialogue si plusieurs fois dans la journée, on continue à s'insulter. Il faut revenir à la réalité.

Jean-Pierre Taïeb Aïfa

M.P : Vous êtes aussi un ancien syndicaliste, l'un des fondateurs de l’Usoenc, syndicat qui a protégé la SLN pendant les Evénements. Désormais, l'usine est dans une situation critique. Faut-il aller jusque-là, laisser nos usines mourir ?   


J-P T.A : Non, en tant que vieux syndicaliste, quand je parle de social, comme les premières grèves en 56, jamais, un de mes papas disait 'On va casser l'outil de travail'. Plus tard, j'étais leader dans les années 60. Meme si les installations appartenaient à des sociétés de nickel, jamais on a laissé l'outil de travail avec un risque qu'il y ait de la casse et qu'il ne puisse pas redémarrer. Il était protégé par les ouvriers. Des équipes de quart continuaient à travailler, pour le garder.

J'appelle à la sagesse, à la raison. Il y a des difficultés sociales et économiques. La classe sociale la plus déshéritée va être la plus pénalisée. Il faut faire en sorte que l'outil de travail ne soit pas cassé. D'une crise, on va aller vers une récession.

Jean-Pierre Taïeb Aïfa