Au travers du Hip Hop, Siman Wenethem veut renouer avec ses racines tout en mettant ses "petits frères" sur le bon chemin. Danseur, slameur, et comédien, il s'est révélé dans un courant artistique qui, par la diversité de ses formes, a tout pour séduire le public calédonien.
La rencontre de deux cultures
Il est né aux Etats-Unis, à New York, dans les "block parties". Une rue se ferme, et l'entrée devient payante pour assister à des performances animées par un Master of Cérémony. C'est l'émergence du hip hop, au début des années 70, dans le quartier du South Bronx où vivent une majorité d'afro-américains et d'hispaniques très modestes. Plus de vingt ans après, Siman Wenethem découvre, à l'autre bout du monde, une ambiance pas si éloignée de certains repères. "Je connaissais la danse traditionnelle, celle de mon grand-père, le "Bua". A Nouméa, j'ai découvert une danse qui s'y apparentait beaucoup. Elle était participative : on se met en rond, on frappe dans les mains en rythme, et on chante. Je me suis dit : "Eh, mais ça ressemble à ce que je fais chez moi, dans ma tribu". Et je me suis associé au mouvement".Donner une image positive des quartiers
Siman a commencé dans la rue. "Mon épaule droite se souvient encore de ce bitume-là". Il suit aussi les pas de son frère, Sylvain, désormais professeur artistique et culturel au Lycée de Pouembout. A Rivière Salée, le hip hop devient une bouffée d'air frais. "J'aime bien le dire, à l'époque dans ces quartiers-là, soit tu sais voler, soit tu sais te battre. Et nous avec Hassan (NDLR : Hassan Xulué), mon frère de combat, on visait le même but : donner une image positive de tous ces quartiers populaires. Grâce à son travail, au mien, et ceux de nos grands-frères, on a réussi à montrer un autre chemin que celui de la délinquance". Les débuts, pourtant, sont difficiles. "De 98 à 2000, beaucoup de salles nous refusaient l'entrée. On était très mal vu, on était pris pour des délinquants".Le Battle of Païta, théâtre d'un changement
Au milieu des années 2000, un coup de pouce de la mairie de Païta change la donne. "J'avais 19 ans, je sortais à peine du lycée, je n'avais ni expérience, ni visibilité médiatique". Siman propose le concept d'une compétition de break dance, sous forme de combat artistique, entre différents groupes de jeunes. C'est le principe du Battle of Païta. "Aujourd'hui, j'ai une attestation, un diplôme. Mais à l'époque, je n'avais rien. Et le directeur du dock socio-culturel, Marc Richer, me fait confiance, comme ça ! Et depuis, ça dure".Il y a quelques jours, la 13e édition s'est déroulée devant les caméras de télévision. Un quadruple champion d'Europe était présent, ainsi que de nombreux groupes issus de différents quartiers, Rivière Salée, les tours de Magenta, et bien d'autres du Grand Nouméa.
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Un projet : recréer du lien, renouer avec la tradition
Dans les années 70-80, le hip hop était un moyen de remplacer la violence des gangs par la violence des mots, l'opportunité d'une critique sociale virulente à New-York. En Nouvelle-Calédonie, il a trouvé cette même utilité. "Les jeunes ont beaucoup de colère à exprimer, à ne pas garder. Il faut que ça sorte, confie Siman Wenethem. Lui, a trouvé une autre raison de s'émanciper. "Dans mon travail artistique, c'est plutôt une façon de renouer avec notre culture. On essaye d'endiguer la violence, et de remettre les traditions au goût du jour. Dans la danse hip hop, on tente de mettre des mouvements de danse traditionnelle. Mais pour cela, il faut la connaître. Cela nous oblige à aller voir les grands frères, et les grands-pères. Grâce à chemin-là, on revient vers les vieux".Un mouvement en marche, sous diverses formes
Cette motivation-là, celle de créer un hip hop calédonien en tenant compte de l'identité du pays, trouve un écho. Paul Wamo la porte avec le slam. C'est d'ailleurs lui qui a initié Siman à cette pratique en 2009, au Rex. Il faudra quatre ans à son élève pour tenter sa première expérience sur scène, en maniant les mots et non plus les gestes. "On se connecte directement à notre culture avec la parole. Ce n'est pas difficile, mais c'est long". D'autres sont engagés dans cette voie de l'oralité pour remettre en avant leur culture. "Le fils du maire de Thio, Axel, le fait par le biais du conte. J'ai kiffé son travail" témoigne Siman. Son compagnon de toujours, Hassan Xulué, en a livré une autre version, samedi, lors du Battle of Païta. "Dans la catégorie 'Dégaine ton style' où le danseur est seul sur scène, il s'est mis en danger en mélangeant le stepping - technique qui consiste à utiliser son corps pour créer un rythme - et des danses traditionnelles de Wetr et de Papouasie, son métissage. Il ne rentrait pas dans les critères du jury, mais il a bien impressionné Richard Digoué. J'étais très fier de lui, mais pas surpris. Avec Résurrection, son groupe, ils font ce travail depuis 2001".Les fruits d'un engagement de longue date
20 ans après ses débuts, Siman Wenethem regarde l'évolution du hip hop sur le territoire avec satisfaction."On a le soutien des institutions, Province Sud et dock socioculturel de Païta (...) On a des personnes formées à une pédagogie pour transmettre au mieux aux jeunes. Il y a de très bons profs comme Soufiane Karim, Lomes, Enzo Fabre (...) Je vois les petits frères qui dansaient pas très bien avant - là, je les casse tous - et maintenant qui dansent tous comme des petits chefs. Et les projecteurs sont sur eux (...) Je suis super fier quand je vois ces petits-là, qui auraient pu mal tourner. Ils viennent sur scène et ils défoncent tout. Je fais une dédicace à Zacharie Hnawaeng et Lomes. Ils font l'objet de documentaires, des sociétés de production de métropole viennent ici pour les suivre. Je prends mon café et je vois Lomes dans le journal, je suis super content (...)
L'avenir : du boulot, du partage, et des rencontres !
En 2017, ils ne sont que cinq sur le territoire à vivre du hip hop. Mais une chose importante a changé : la mentalité. Les volontaires à une carrière dans ce courant sont beaucoup plus nombreux, décomplexés. Par quoi faudra t'il passer pour réussir ? L'avis de Siman :"Le hip hop, c'est de la rigueur, des valeurs qu'on est censé apprendre dans la famille ou à l'école. Le fait de rentrer dans le mouvement urbain, on fait ça pour le plaisir, mais on essaye, nous les grands frères, comme nos aînés l'ont fait avant nous, d'intégrer des valeurs comme le partage, et surtout la rigueur. Si on ne l'a pas à l'entraînement, on ne peut pas arriver à ce niveau-là (...) La culture hip hop est tellement vaste et diverse qu'on peut créer sa propre identité avec ça. C'est un peu à l'image de la culture du pays. Y'a tellement de communautés qu'on peut piocher un peu ici, un peu là. Mais pour aller prendre, il faut aller à la rencontre!".