Crise en Nouvelle-Calédonie : des enquêtes ouvertes après la mort de deux hommes au cours d'une opération de gendarmerie à Saint-Louis

Les centaures du verrou Nord, avant la tribu de Saint-Louis, au Mont-Dore. Septembre 2024.
Une opération de gendarmerie a eu lieu cette nuit, à Saint-Louis, au Mont-Dore. Deux personnes, qui faisaient l'objet d'un mandat de recherche, ont été tuées par balle lors d'affrontements avec les forces de l'ordre.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, deux hommes de 29 et 30 ans sont morts par balle dans la tribu de Saint-Louis, au Mont-Dore, suite à une opération des forces de l'ordre.

"Vers 23 heures, on a entendu les premiers coups de feu puis ça s'est enchaîné durant la nuit. Les chiens aboyaient dans le quartier, j'ai tout de suite compris ce que c'était", nous a indiqué une habitante de la zone sous couvert d'anonymat.

Objectif de l'intervention des forces de l'ordre : interpeller plusieurs auteurs présumés de vols avec arme et de tirs sur gendarmes aux abords de la RP1. Le sud de la Grande Terre est en effet toujours inaccessible en raison de l'insécurité entourant la route aux abords de Saint-Louis, seul passage terrestre possible pour les automobilistes.

Deux enquêtes ouvertes

Dans un communiqué diffusé cet après-midi, le procureur de la République Yves Dupas indique que les faits sont survenus dans un "contexte d'affrontement". "Les gendarmes mobiles auraient été visés par plusieurs coups de feu" avant que ne soit constatée "la présence de trois à cinq individus au visage dissimulés et porteurs de fusils".

L'un des gendarmes a alors tiré en direction du groupe, touchant un homme au flanc droit et l'autre au thorax. Le premier blessé a été déposé par des habitants au niveau du verrou nord, où il a été pris en charge avant de décéder lors de son transfert vers l'hôpital. Le second est quant à lui décédé "alors qu'il se trouvait encore dans la tribu", précise Yves Dupas.

Les deux hommes faisaient depuis juillet "l'objet d'un mandat de recherches", poursuit le procureur de la République, ajoutant leur avoir fait remettre, comme à onze autres mis en cause, "des convocations à la chefferie, afin de tenter d'obtenir leur présentation spontanée à la gendarmerie", sans succès jusqu'à présent.

Suite aux décès survenus ce jeudi, deux enquêtes ont été ouvertes, conclut-il. L'une porte sur le chef de tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique en bande organisée. La deuxième, ouverte après "la saisine du bureau des enquêtes judiciaires de l'inspection générale de la gendarmerie nationale", concerne les deux tirs mortels opérés par le gendarme.

Montée des tensions

Sur place, les esprits se sont rapidement échauffés à l'annonce du premier des deux décès. La tension est montée d'un cran lorsque les gens ont appris que le jeune homme transféré au Médipôle avait succombé à ses blessures.

Des pneus et des végétaux ont été disposés et brûlés aux abords de la route à La Coulée, où les forces de l'ordre se sont déployées pour contenir d'éventuels débordements. "Tous les jours, on subit cette répression et je pense que ce n'est pas normal. Je fais un appel au haussaire pour qu'il baisse la pression", nous a confié un habitant de la zone, faisant référence notamment aux deux verrous cadenassant les entrées et sorties du secteur.

La tension aura peine à retomber avec l'annonce d'un deuxième décès en cours de matinée. Dans un communiqué sur les réseaux sociaux, le relais CCAT de Yaté a annoncé en réponse le blocage de la route de la Fausse Yaté, sauf pour les véhicules prioritaires. 

Plusieurs réactions

De son côté, le FLNKS a tenu une conférence de presse improvisée dans l'après-midi, dénonçant par la voix de Dominique Fochi et d'Alosio Sako "les méthodes barbares et humiliantes utilisées par les forces de l'ordre" ainsi que "l'usage disproportionné de la force".

“Le seul point à débloquer c’était Saint-Louis. On était en train d’essayer de trouver une solution et il fallait plus de temps pour essayer de discuter sans effusion de sang", a complété Jean-Marie Ayawa, de la Dynamique unitaire Sud . "On a préféré aller par la force et voilà ce qui s’est passé", a-t-il conclu.

Le sénat coutumier quant à lui, a annoncé le report des deux journées marquant les commémorations du 24 septembre, "en raison des incidents survenus à Saint-louis et du climat de tension qui en résulte". "Il est crucial de faire preuve de solidarité, de responsabilité et de veiller à la vie de tous", peut-on lire dans le communiqué signé par le président Eloi Gowe.