Mise à jour de 18h45, à la suite de cet article
Enfin, le Dr Jean-Louis Labbé témoigne dans ce procès en appel. Le médecin est venu plusieurs fois au tribunal de Nouméa. Mais vu le retard pris dans le programme, il a dû repartir au moins quatre fois. Aujourd’hui à la retraite, chef du service orthopédie du CHT durant quarante ans, il revient ce jeudi matin, humblement, sur ses trente années de travail passées aux côtés de son ami, Olivier Pérès.
Publications
Des années de labeur durant lesquelles les deux hommes ne comptaient pas leurs heures, tous deux formés à la chirurgie générale et spécialisés en chirurgie orthopédique. Le témoin souligne qu’ils ont pu, durant cette période, publier de nombreuses publications dans des revues internationales. Ils ont aussi développé la chirurgie orthopédique pédiatrique sur le territoire. Un "véritable dévouement" au service public.
L'appel du 4 septembre
Le 4 septembre 2018, le Dr Jean-Louis Labbé se trouve en vacances en Corse lorsqu’il reçoit un appel téléphonique de son ami. "Il doit être 2 heures - 4 heures du matin à Nouméa." Il dit être seul sur son bateau, "sa voix est terrorisée, hachée". Olivier Pérès confie être "anéanti, ne plus avoir de femme, d’enfants et de métier", relate le témoin. La voix éraillée, très ému, le Dr Jean-Louis Labbé revient sur leur conversation. Il l’entend dire qu’il a tenté de se suicider, et qu’il n’y est pas arrivé. Le témoin déclare avoir pensé que son ami était en burn-out, "une défaillance psychique très difficile à gérer". Aux côtés du Dr Labbé en Corse, des amis psychiatres lui disent qu'Olivier Pérès s'avère "en situation de dépression aiguë".
"Il semblait destructuré"
Après avoir contacté un proche radiologue, qui a un fils inspecteur de police, le Dr Labbé demande à l’accusé d’aller déposer plainte. Il le rappellera quelques jours plus tard. "Olivier semblait aller un peu mieux, il avait déposé plainte auprès de la police et s’était réconcilié avec sa femme Mathilde. Cependant, il était terrifié car on voulait s’en prendre à ses enfants", raconte-t-il. Interrogé par Me Laurent Aguila de la défense, sur le fait qu’Olivier Pérès aurait pu mentir à ses amis, le Dr Labbé répond par la négative. "Il semblait destructuré, poussé à bout par quelqu’un d’autre".
Un des fils Pérès
Lui succède un des fils de l'accusé. Entrepreneur de profession, Adrien Pérès déclare avoir passé une enfance idéale et formidable avec ses parents, Olivier Pérès et sa première femme. Une dizaine de jours avant les faits, il retrouve son père sur le practice du golf de Tina. Craintif, celui-ci lui dit que Mathilde a une relation extra-conjugale avec Éric Martinez, qu’elle veut demander le divorce et qu’il est apeuré. Le fils rapporte ces propos : Éric Martinez veut "me fracasser le crâne". Le témoin explique que ces mots de menace étaient relatés par Laurence Martinez, lors de rencontres organisées avec son père.
Le rapport aux armes
Il revient aussi sur le rapport qu’avait Éric Martinez avec les armes à feu. Déclare avoir été impressionné, comme son père, par la victime et son arsenal. S’être laissé entraîner à acheter des armes, entre autres, "pour se préparer et se défendre durant la période référendaire". Éric Martinez l’alertant "sur d’éventuels débordements liés au référendum d’auto-détermination".
Avant le drame, le fils d’Olivier Pérès voit son père être "dans un état second". "Il va travailler au Médipôle, fait ses gardes puis rentre chez lui. Armé, il surveille son domicile toute la nuit." Il précise que lui-même n’a pas pris les choses à la légère, et craignait Éric Martinez.
Le récit d'un policier
Autre témoin, ce policier, fils d’un ami du Dr Labbé. Contacté par celui-ci, comme expliqué plus haut, il donne un rendez-vous amical à Olivier Pérès, à l’extérieur du commissariat de Nouméa, le 5 septembre 2018. L’accusé lui confie "être inquiet et angoissé", dit "être mis sur écoute par Éric Martinez, un ancien espion et haut gradé, militaire des forces spéciales". Me Martin Calmet pose la question : "Est-ce que vous prenez au sérieux les déclarations d’Olivier Pérès ?" Le témoin répond qu’il ne disposait pas d’éléments tangibles pour établir la procédure d'un dépôt de plainte.
Le concept de légitime défense
Toujours interrogé par la partie civile, le policier déclare avoir informé Olivier Pérès sur le concept de légitime défense, pour le dissuader d’utiliser une arme. "Il était dans un état tel, qu’il était capable de riposter et de défendre sa famille." Selon la loi, cinq conditions doivent être réunies pour que la légitime défense soit reconnue :
- l’attaque doit être injustifiée, c’est-à-dire sans motif valable ;
- la défense doit se faire pour soi ou pour une autre personne ;
- la défense doit être immédiate ;
- la défense doit être nécessaire à sa protection, c’est-à-dire que la seule solution est la riposte ;
- la défense doit être proportionnelle, c’est-à-dire égale à la gravité de l’attaque.
"Je n’ai jamais eu peur de mon père", dit le fils Martinez
L'audience reprend dans l'après-midi avec un témoignage très émouvant. Celui d’Antoine Martinez, le fils de la victime, aujourd’hui âgé de dix-sept ans. "Je n’ai jamais eu peur de mon père, je ne l’ai jamais vu violent avec qui que ce soit", proclame le jeune homme. "Olivier Pérès a détruit ma vie", ajoute-t-il. L'adolescent confie "avoir été choqué" par la première vidéo que l'accusé a publiée sur les réseaux sociaux après le drame. Il y présentait les Martinez comme "un couple diabolique".
Le témoin revient aussi sur la deuxième vidéo ainsi diffusée, dans laquelle Olivier Pérès déclarait : "Personne ne regrettera Éric Martinez." Quant à son livre, Le Diable existe, le jeune homme déclare avoir eu "le choc de [sa] vie en le découvrant". La voix chevrotante, il termine en disant que l’absence de son père lui pèse. Au quotidien, il pense à lui et à tout ce qu’il pourrait lui dire de sa vie.
[18h45]
Puis place à la lecture d’autres témoignages, une quarantaine, avant que ne commence la plaidoirie de la partie civile.