Crise requin : le dispositif d'aide pour les professionnels pourrait évoluer prochainement

Campagne d'abattage de squales à Nouméa.
Depuis le lundi 17 avril, les activités nautiques sont de nouveau interdites à Nouméa. Et ce pour une durée de dix jours. Il en sera ainsi à chaque nouvelle campagne d’abattage de requins tigres et bouledogues. Une nouveauté qui devrait faire évoluer le dispositif de soutien de la province Sud pour les acteurs économiques touchés par ces fermetures.

Une aide maximum d'1,5 million de francs par semestre, pour payer une partie des charges fixes, telles que le loyer ou les salaires... C’est le montant que pourra apporter la province Sud aux entreprises ou associations dans le secteur des activités nautiques ou subaquatiques, pénalisées par les mesures d'interdiction de baignade jusqu'à la fin 2023 et épisodiquement d'interdiction des activités nautiques, prises par la ville de Nouméa

L'annonce avait été faite le 31 mars, par la province Sud, après avoir voté un dispositif de soutien économique d'urgence.

Des arrêtés au cas par cas

Depuis le vote de cette aide, quinze prestataires ont déjà déposé une demande auprès de la province. Une démarche qui se fait en ligne, "et qu'on a imaginé la plus simple possible pour plus de réactivité", précise Gil Brial, 2ème vice-président de la province Sud. Dix ont déjà été traitées et cinq sont en cours de traitement. Les entreprises seront remboursées au fur et à mesure du traitement de ces dossiers."

Pas d'arrêté global, comme cela se fait d'ordinaire. Mais des arrêtés pris individuellement, "au fil de l'eau", pour chacune de ces demandes, afin d"éviter des délais d'attente trop longs". "Car ensuite, il faut compter les délais de la paierie. Les premiers arrêtés ne devraient pas tarder à sortir", assure le représentant de la Maison bleue. 


"Presque 100 %" du chiffre d'affaires perdu

Jérôme Guiraud, cogérant d’Aloha windsurfing, fait partie de cette quinzaine d'opérateurs ayant sollicité l'aide de la province Sud. Ce prestataire touristique, qui propose des cours et de la location de wingfoil, planche à voile ou encore stand up paddle dans la baie de l'anse Vata, a vu son activité sérieusement affectée depuis les trois dernières attaques de requins et les interdictions qui en ont découlé. 

"C'est simple, on a perdu presque 100 % de notre chiffre d'affaires. J'ai fait seulement 2 000 francs le week-end dernier, alors que c'était le week-end de Pâques. Une seule personne a loué du matériel. C'était un Australien qui était de passage." 


Une psychose du requin renforcée par les campagnes de pêche

Jérôme Guiraud et son associé ont été contraints de trouver des activités en parallèle pour "survivre" économiquement. L'un s'est lancé dans la mécanique, l'autre dans l'entretien de piscines. "On va à la fermeture, s'inquiète le co-gérant. Car même pendant les périodes où les activités nautiques sont autorisées, les clients se font de plus en plus rares. "Il y a une grosse psychose qui est restée et ces campagnes d'abattage régulières ne vont rien arranger."

Si à chaque fois que les gens mettent un orteil dans l'eau, des têtes de thons ont été jetées dans la baie trois semaines avant (pour appâter les requins, ndlr), ça les pousse pas forcément à se remettre à l'eau.

 Jérôme Guiraud, cogérant d’Aloha windsurfing

90 jours d'interdiction de baignade jusqu'à la fin de l'année 

La province Sud, elle-même, dit avoir été surprise en découvrant le calendrier des prochaines campagnes de pêche de requins bouledogues et tigres de la ville de Nouméa. "On a appris par voie de presse qu'il y avait neuf campagnes", confie Gil Brial. A raison de dix jours par campagne, "cela fait 90 jours, c'est énorme". "C'est presque trois mois cumulés d'inactivité pour ces entreprises. Et en plus, il y en a qui sont en difficultés également à cause des travaux à l'anse Vata".

Or, pour les nuisances causées par le vaste chantier de réaménagement de la plage, aucune compensation n'est proposée aux professionnels par la commune. "Quand j'étais président du Syndicat mixte des transports urbains, j'avais mis en place une commission d'indemnisation pendant les travaux de Néobus à destination des commerces", précise l'élu. 

Découvrez ici le reportage télé d'Erik Dufour et Nicolas Fasquel sur la nouvelle campagne de "régulation" des requins tigres et bouledogues à Nouméa. 

©nouvellecaledonie

Pour le vice-président de la province Sud, la collectivité devra donc étudier "de quelle manière réadapter (son) dispositif pour être sûre de les aider à passer cette période compliquée pour eux".

Avant de rappeler que "4 500 personnes vivent du tourisme en Calédonie". "On a besoin de ces entreprises, car s'il n'y a pas ces activités (nautiques et subaquatiques), il n'y a pas de tourisme dans les hôtels."

On sera certainement obligé de faire évoluer le dispositif. Quand on l'a lancé, on ne pensait pas qu'il allait y avoir autant de campagnes de pêche.

Gil Brial, 2ème vice-président de la province Sud. 


Les vendeurs de matériel de sports de glisse bientôt concernés ?

Avant cela, un point d'étape sera fait avec les professionnels pour évaluer l'impact économique de ces interdictions. Une rencontre est prévue le 4 mai. 

Autre évolution possible : cette aide pourrait s’étendre également aux vendeurs (et non plus seulement aux loueurs) de matériel pour les activités nautiques et subaquatiques, également "en grande difficulté", signale Gil Brial.

C’est, en tous cas, ce qu’espère Cédric Momy, qui tient une boutique à la Vallée-des-Colons. "À chaque fois qu'il y aura une campagne de pêche de requins, je ne verrai pas grand monde. J'ai déjà perdu 30 % de mon chiffre d'affaires depuis le 4 février." 

Les gens naviguent principalement à Nouméa. Donc quand il n'est pas possible d'aller à l'eau, ils ne viennent pas dans mon magasin.

Cédric Momy, gérant d'un magasin de sports de glisse

Des besoins plus importants pour les grosses structures

Un rendez-vous est également prévu prochainement entre la province Sud et la direction de l'îlot Maître, "pour lequel on devra mettre un dispositif différent", annonce Gil Brial. L'enveloppe d'un montant d'1,5 million de francs par semestre s'avère insuffisante pour combler les pertes d'exploitation du complexe hôtelier.