Baignade interdite à Nouméa : tout ce qu'on sait sur le soutien de la province Sud à certaines entreprises

L'Anse-Vata de Nouméa vue depuis le Ouen toro.
L'assemblée de la province Sud examinait ce vendredi huit projets de délibération. Parmi elles, ce dispositif d'aide qui était annoncé pour soutenir les professionnels dont l’activité est pénalisée par le risque requin et l’interdiction de baignade à Nouméa. Il a été adopté à l'unanimité.

Un "soutien aux entreprises impactées économiquement par les interdictions liées au risque requin". Déjà évoquée, la mesure a été votée ce vendredi matin, à Nouméa en assemblée de la province Sud. Explications, et réactions. 

1 Un budget de soixante millions

"Un dispositif d’urgence, bâti dans l’urgence", a résumé Gil Brial, deuxième vice-président de la collectivité. Le texte a été adopté à l’unanimité, en moins d'une heure. Ce plan d’urgence dispose d'un budget de soixante millions de francs CFP. Il prévoit de mettre en œuvre deux dispositifs, qui sont jugés complémentaires. 

2 Une aide à la trésorerie

D'abord une aide financière, qui correspond à l’aide à la trésorerie dans le Code des aides pour le soutien de l’économie. L'enveloppe sera versée, "non pas pour compenser une perte de chiffres d'affaires", précise la délibération, mais pour couvrir "une partie des charges fixes que l'entreprise a dû assumer durant la période d'interdictions"

3 Limitée à 1,5 million et à six mois

Cela vise les charges mensuelles d’exploitation jugées indispensables à la sauvegarde de la société. L'aide ne peut pas excéder 1,5 million de francs sur une période maximale de six mois. Une particularité : "par dérogation", l'aide à la trésorerie pour les entreprises d'hôtellerie ou de restauration sur les îlots de Nouméa, ainsi que la restauration en mer, "peut atteindre le plafond d'1,5 million par période d'interdiction". On parle de décision prise par arrêté municipal, provincial ou gouvernemental. Le montant de l’aide sera calculé au prorata du nombre de jours d’interdiction.

Ce n’est jamais suffisant mais ce qui est sûr, c’est que la province a été réactive. On découvre les arrêtés au fur et à mesure qu’ils sortent. On essaye de s’adapter pour être au plus près de ces entreprises. Pour certaines, comme l’ilôt Maître, cette aide ne sera pas suffisante. On a rendez-vous pour réfléchir a d’autres dispositifs d’accompagnement.

Gil Brial, vice-président de la province Sud

4 Un accompagnement pour laisser passer la tempête

Le deuxième volet du plan, c'est un accompagnement par le dispositif "Facilitateur", qui est inscrit dans le programme de professionnalisation des acteurs du tourisme. Traduction : un service personnalisé de conseil et d’expertise, financé par la province, est mis à disposition pendant trois heures. Il pourra être sollicité par les entreprises en complément de l’aide à la trésorerie. L'objectif : envisager de diversifier son activité ou de la réorienter "afin de traverser cette période" et d'attendre, explique la province, les équipements de protection annoncés par la mairie de Nouméa. On pense aux filets anti-requins, notamment. 

5 Pour des entreprises mais aussi des associations

Sont éligibles à ce plan d’urgence, les associations de loisirs nautiques qui emploient des salariés et les entreprises affectées par les interdictions. C'est-à-dire celles dont l’activité principale est la restauration en mer ou sur îlot, la location de matériel nautique et subaquatique, les cours d’activités nautiques et subaquatiques, ainsi que les transporteurs nautiques touristiques comme les taxi-boats. A condition d'avoir commencé l'activité au plus tard le 1er janvier 2023. Et de ressentir un impact économique lié aux interdictions de circulation maritime, de baignade et d'activités subaquatique sou nautiques. "C’est-à-dire dont le maintien de l’effectif permanent est menacé ou dont la pérennité de l’activité est en péril du fait des restrictions."

6 Une trentaine de structures

Selon la Maison bleue, "plus d’une vingtaine d’entreprises susceptibles d’être impactées sur l’ensemble du territoire provincial ont été identifiées". Autant dire une trentaine. Et "elles ont été rencontrées" en amont du vote. Il est précisé qu'en fonction de l'activité exercé et de la zone géographique, la direction du Développement économique et du tourisme "fera une distinction entre les entreprises totalement ou partiellement impactées par les interdictions". En fonction de l’activité exercée et de la zone géographique, le service instructeur de la direction provinciale du Développement économique et du tourisme fera une distinction entre les entreprises totalement ou partiellement impactées par les interdictions.

7 Un consensus politique… mais pas sur tout

Les membres de l’opposition ont estimé que ces dispositifs d’accompagnement étaient, certes, nécessaires pour encourager la relance économique. Mais qu'il reste à s’attaquer au fond du problème.

Nous sommes pour ouvrir l’accession à la plage. Deuxième point, j’ai pointé la pollution et là, il faut prendre des mesures drastiques parce que ce sont nous les hommes, les plaisanciers, qui polluons et attirons les requins vers les rivages.

Aloisio Sako, FLNKS-Sud

J’ai enregistré avec satisfaction que la province Sud a demandé à la mairie de Nouméa de revoir la durée d’application de cette interdiction, pour la raccourcir aussi rapidement que possible parce que ce n’est pas une solution. Quand on vend la Nouvelle-Calédonie, on vend de la plage et de la baignade. On appréhende des conséquences assez catastrophiques en ce qui concerne le développement de l’industrie touristique.

Philippe Michel, Calédonie ensemble

Compte-rendu de séance par Loreleï Aubry et David Sigal : 

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8 Pas forcément suffisant

L’industrie touristique, un pan de l’économie calédonienne qui compte à ce jour 4500 emplois directs. Le complexe de l'île aux Canards en fait partie. Mais depuis fin janvier, et la première attaque de squale de cette triste série, il se meurt : un service de taxi-boats à l’arrêt ou presque, des transats vides, un restaurant désert, dix salariés au chômage partiel… Le gérant, Thierry Rossignol, apprécie le plan d’urgence de la province. Mais les aides ne suffiront pas à couvrir ses dix millions de charges fixes mensuelles. 

Déjà, un million cinq pour les entreprises en difficulté, c'est bien. C'est un début. On attend de voir ce  qui va se passer par la suite parce que, des entreprises comme la nôtre, [ça] va nous aider à tenir encore quelque chose, mais pas plus.

Thierry Rossignol, gérant de l'île aux Canards

9 Reste la question de la sécurisation

Travaux de l’Anse Vata + fermeture des plages, c’est la double peine pour Laurent Gaüzère. Mi-février, il a stoppé net son activité de location de matériel de glisse. Mais continue d’honorer certaines charges fixes comme les assurances et le loyer de son magasin. Au-delà d’un plan d’urgence – certes bienvenu, il plaide pour une véritable prise en charge du risque requin. 

Ce que j'aimerais vraiment, c'est qu'on mette en place quelque chose pour sécuriser vraiment les Calédoniens et les touristes. Quand je vois qu'on a mis deux milliards cinq pour protéger un trait de côte de un kilomètre à l'Anse-Vata, j'espère qu'ils mettront au moins autant pour protéger les Calédoniens, et qu'il y ait une réelle discussion, des travaux faits assez rapidement, qu'on puisse sécuriser en partie le plan d'eau. 

Laurent Gaüzère, gérant d'une société qui loue du matériel de glisse

10 Les restaurateurs ne sont pas inclus

Ce plan d’urgence ne prévoit pas d’aider les restaurateurs du bord de mer. Pourtant, eux aussi subissent une perte de chiffre d’affaires.

Content pour les premiers professionnels du tourisme qui vont bénéficier de ces aides. Après, il y a toute une chaîne de professionnels qui vont être impacté, il ne faut oublier personne. On a l'impression que la restauration est toujours la dernière roue du carrosse. 

Jean-Jacques Jusseau, gérant de restaurants sur les baies

Le tour de ces réactions par Caroline Antic-Martin et Lina Waka-Ceou :

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