"Dites-nous ce que vous ressentez et quelles perspectives percevez-vous pour que nous analysions lucidement ce que vous vivez”, a lancé Gérard Larcher en guise d’introduction à la rencontre. Stylo et carnet de note en main, le président du Sénat et son homologue de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, ont écouté pendant plus de deux heures les Calédoniens.
Défiance de la politique
Le récit de la nuit du 13 mai et des jours de pillage et destruction qui s’en sont suivis tiennent une large place dans les prises de parole. Celui des difficultés du quotidien aussi : “On en est à compter les paquets de riz qui restent dans le placard”, raconte un père de famille. Mais c’est aussi un fort ressentiment envers la classe politique qui a été exprimé : “Moi, je me dis que c’est la politique qui nous divise actuellement. Et même si l’Etat nous donne des milliards, la politique tant que ce sera toujours les mêmes personnes qui nous dirigent, on ne trouvera aucune solution”, lance, fataliste, Rose. “On n'arrive plus à croire à demain, parce que notamment vous l’Etat, vous restez silencieux et on a clairement besoin aujourd’hui que vous nous aidiez”, s’inquiète cet agriculteur, venu spécialement de Bourail pour exprimer sa préoccupation concernant le foncier et sa production qu’il a peur de ne plus pouvoir écouler, “à force de voir les gens partir”.
On en est à compter les paquets de riz qui restent dans le placard.
Un père de famille devant Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher
Projet de société
Les mots sont sincères, les inquiétudes exprimées sans fard. Tout comme l’analyse portée sur une société jugée fracturée : “Moi quand je suis à Poindimié, je suis le fils de quelqu’un. Quand je suis à Nouméa, je suis celui qui a des diplômes. Quand est-ce qu’on va comprendre qu’il y a une société de l’être et une de l’avoir dans ce pays, et essayer de faire cohabiter les deux”, lance un quadragénaire, qui “a connu les événements, a cru aux accords parce que cela devait nous assurer un présent de paix.”
Eric, aussi, voudrait que l’on replace la question de société au centre des débats. L’originaire du nord de la France vit en Calédonie depuis 2018. “J’ai tout vu brûler, raconte-t-il aux parlementaires attentifs. Mais je suis allé aussi sur les barrages. J'ai été très bien accueilli et j’ai compris que ce qu’ils voulaient c’était avant tout être reconnus.”
Quand est-ce qu’on va comprendre qu’il y a une société de l’être et une de l’avoir dans ce pays, et essayer de faire cohabiter les deux?
Un participant devant Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher
À 21 heures, les mains se lèvent encore mais les parlementaires doivent partir. “Le 13 mai restera gravé dans vos mémoires et dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie”, conclut Yaël Braun-Pivet. À nous de vous aider à construire un avenir meilleur pour ce territoire.”
Écoutez les témoignages recueillis par Steeven Gnipate :