Stratégie minière de l'Indonésie et guerre froide commerciale vont animer la conférence Fastmarkets Asian Nickel qui débute ce mercredi à Jakarta. Les principaux acteurs du marché mondial seront attentifs aux propos des dirigeants indonésiens venus présenter leur stratégie nickel.
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Faire construire par des partenaires chinois des usines de nickel à bas coût, afin de transformer sur place le minerai, la stratégie est affirmée mais elle est aussi risquée. D’abord, parce qu’il s’agit de métallurgie et donc d’un processus industriel complexe. Ensuite, l’Indonésie entend aussi imposer, sur son sol, la construction d’usines de batteries vertes au nickel et de voitures électriques, afin de tout maîtriser. Une "stratégie nickel" globale, à la mesure des ambitions d’un géant minier sans complexes. Reste à convaincre les investisseurs...
Un soupçon de stabilité
Les prix du nickel font mieux que résister à la Bourse mondiale des métaux de Londres, mais la tendance est légèrement à la baisse, après le sommet du 2 septembre (18.850 dollars la tonne). Le prix du métal a trouvé un soupçon de stabilité dans la zone des 17.800 dollars (8,07 dollars par livre). Selon des analystes, les stocks existants et le ralentissement prévisible de la demande - au vu des tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis - pourraient permettre d’éviter une grave pénurie de nickel et donc une flambée des prix vers de nouveaux sommets. En dépit de l’interdiction précoce des exportations de minerai indonésien. Une décision qui a largement contribué à propulser le cours du métal vers des sommets début septembre. Mais l'Indonésie, en annonçant un prochain embargo de ses exportations de minerai pour favoriser la croissance de son industrie métallurgique, pourrait aussi effrayer les investisseurs.
Une stratégie nickel totale
En avançant au 1er janvier 2020, au lieu de 2022 prévu auparavant, l'arrêt de ses exportations de nickel brut, l'Indonésie, premier pays producteur, a suscité des craintes d'une pénurie alors que la demande de nickel pour les batteries de véhicules électriques est en hausse. Le vaste archipel d'Asie du Sud-Est, riche en matières premières, a décidé d'encourager la construction de fonderies de nickel pour produire du métal à valeur ajoutée plutôt que d'exporter du minerai vers les pays étrangers, comme la Chine. Les autorités indonésiennes veulent aussi développer la filière de production de véhicules électriques, dont les batteries au lithium sont fabriquées à base de nickel. Le pays a produit près de 560.000 tonnes de métal en 2018, selon l'Institut géologique américain USGS.
L'Indonésie d'abord, pas si simple
"Le gouvernement veut devenir un acteur mondial de cette industrie du nickel et entrer dans la chaîne d'approvisionnement des batteries au lithium grâce à ses matières premières", a expliqué la semaine dernière Luhut Pandjaitan, le ministre en charge notamment de la coordination du secteur minier. Certaines sociétés étrangères investissent dans les usines de batteries, dont le groupe chinois Tsingshan, et la construction de plusieurs dizaines de fonderies de nickel est en cours, selon le gouvernement. "Avancer l'interdiction est une bonne chose", estime Marwan Batubara, directeur exécutif du centre de réflexion Indonesian Resources Studies. "Nous devons conserver nos stocks pour l'industrie nationale, sinon de nombreuses usines n'auront pas assez de matière première". Mais pour nombre d'observateurs étrangers, ces annonces relèvent du nationalisme économique et risquent de décourager les investisseurs qui ont besoin d'assurance à long terme. "Cette décision jette un doute dans l'esprit de beaucoup sur la fiabilité et la prédictibilité de la politique indonésienne", note Bill Sullivan, un juriste et spécialiste du secteur minier basé à Jakarta. "C'est un bon exemple de ce qui inquiète le plus les investisseurs étrangers : un changement soudain et sans avertissement". L'Indonésie avait déjà interdit les exportations de nickel en 2014, avant de les autoriser de nouveau en 2017, date à laquelle le gouvernement s'était donné cinq ans pour développer des usines de transformation de nickel.
Départ de sociétés minières
Des sociétés minières internationales, comme Newmont ou BHP Billiton, se sont déjà détournées de l'Indonésie qui a réformé les règles sur la propriété des mines s'appliquant aux étrangers pour tenter de regagner le contrôle sur ses ressources naturelles. L'an dernier, après de longues et difficiles négociations, Jakarta a conclu un accord avec le géant minier américain Freeport-McMoRan pour prendre 51 % de la mine de Grasberg, la plus grande mine d'or au monde et l'une des plus importantes mines de cuivre. Même s'il en a cédé la majorité, Freeport continue d'exploiter cette mine géante en Papouasie. "Un désastre écologique en forme d’énorme cratère de plusieurs kilomètres de circonférence sur des centaines de mètres de profondeur", rappelle le journaliste américain Bill Carter dans son enquête sur l'histoire du cuivre, "le métal qui gouverne le monde." Une stratégie nickel contestée
"Ce ne sont pas des conditions favorables à l'investissement", souligne Sabrin Chowdhury, analyste spécialiste des matières premières chez Fitch Solutions à Singapour, commentant la dernière mesure de l’Indonésie sur le nickel. "Beaucoup de sociétés minières sont déjà parties". Passer de l'exportation de matières premières à celle de produits à valeur ajoutée devrait néanmoins aider à redresser la balance commerciale de l'Indonésie. Le pays voudrait aussi attirer les investissements de constructeurs de véhicules électriques, comme Toyota, Hyundai, mais aussi Volvo et Renault, selon les médias. Conséquence immédiate en tout cas, le bond des prix du nickel profite aux sociétés minières qui voient leurs revenus augmenter. Mais, si l'interdiction des exportations de nickel pourrait dynamiser in fine l'économie indonésienne alors que le président Joko Widodo entame un second mandat, elle pourrait aussi chasser les investisseurs des industries les plus consommatrices de capitaux. "Précisément, ceux que l'Indonésie s'efforce d'attirer", souligne M. Sullivan. Rien n'est simple quand il s'agit du nickel, le "Métal du diable"...
Après l'euphorie, la prudence...
Des résultats plus mauvais que prévus pour les exportations de la Chine au mois d’août viennent compliquer les perspectives du marché des métaux de base. Cette contraction de l’économie chinoise a pour origine principale les tensions actuelles avec les Etats-Unis. "Les négociations commerciales prévues pour le mois d’octobre laissent peu de chance à un règlement du conflit entre les deux pays", indique Alastair Munro, analyste du nickel pour le négociant londonien Marex Spectron. Le climat de "guerre froide économique" entre chinois et américains ne favorise pas les échanges et le négoce des métaux industriels. La Conférence Asian Nickel 2019 se réunit à Jakarta les 11 et 12 septembre.
Un soupçon de stabilité
Les prix du nickel font mieux que résister à la Bourse mondiale des métaux de Londres, mais la tendance est légèrement à la baisse, après le sommet du 2 septembre (18.850 dollars la tonne). Le prix du métal a trouvé un soupçon de stabilité dans la zone des 17.800 dollars (8,07 dollars par livre). Selon des analystes, les stocks existants et le ralentissement prévisible de la demande - au vu des tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis - pourraient permettre d’éviter une grave pénurie de nickel et donc une flambée des prix vers de nouveaux sommets. En dépit de l’interdiction précoce des exportations de minerai indonésien. Une décision qui a largement contribué à propulser le cours du métal vers des sommets début septembre. Mais l'Indonésie, en annonçant un prochain embargo de ses exportations de minerai pour favoriser la croissance de son industrie métallurgique, pourrait aussi effrayer les investisseurs.
Une stratégie nickel totale
En avançant au 1er janvier 2020, au lieu de 2022 prévu auparavant, l'arrêt de ses exportations de nickel brut, l'Indonésie, premier pays producteur, a suscité des craintes d'une pénurie alors que la demande de nickel pour les batteries de véhicules électriques est en hausse. Le vaste archipel d'Asie du Sud-Est, riche en matières premières, a décidé d'encourager la construction de fonderies de nickel pour produire du métal à valeur ajoutée plutôt que d'exporter du minerai vers les pays étrangers, comme la Chine. Les autorités indonésiennes veulent aussi développer la filière de production de véhicules électriques, dont les batteries au lithium sont fabriquées à base de nickel. Le pays a produit près de 560.000 tonnes de métal en 2018, selon l'Institut géologique américain USGS.
L'Indonésie d'abord, pas si simple
"Le gouvernement veut devenir un acteur mondial de cette industrie du nickel et entrer dans la chaîne d'approvisionnement des batteries au lithium grâce à ses matières premières", a expliqué la semaine dernière Luhut Pandjaitan, le ministre en charge notamment de la coordination du secteur minier. Certaines sociétés étrangères investissent dans les usines de batteries, dont le groupe chinois Tsingshan, et la construction de plusieurs dizaines de fonderies de nickel est en cours, selon le gouvernement. "Avancer l'interdiction est une bonne chose", estime Marwan Batubara, directeur exécutif du centre de réflexion Indonesian Resources Studies. "Nous devons conserver nos stocks pour l'industrie nationale, sinon de nombreuses usines n'auront pas assez de matière première". Mais pour nombre d'observateurs étrangers, ces annonces relèvent du nationalisme économique et risquent de décourager les investisseurs qui ont besoin d'assurance à long terme. "Cette décision jette un doute dans l'esprit de beaucoup sur la fiabilité et la prédictibilité de la politique indonésienne", note Bill Sullivan, un juriste et spécialiste du secteur minier basé à Jakarta. "C'est un bon exemple de ce qui inquiète le plus les investisseurs étrangers : un changement soudain et sans avertissement". L'Indonésie avait déjà interdit les exportations de nickel en 2014, avant de les autoriser de nouveau en 2017, date à laquelle le gouvernement s'était donné cinq ans pour développer des usines de transformation de nickel.
Départ de sociétés minières
Des sociétés minières internationales, comme Newmont ou BHP Billiton, se sont déjà détournées de l'Indonésie qui a réformé les règles sur la propriété des mines s'appliquant aux étrangers pour tenter de regagner le contrôle sur ses ressources naturelles. L'an dernier, après de longues et difficiles négociations, Jakarta a conclu un accord avec le géant minier américain Freeport-McMoRan pour prendre 51 % de la mine de Grasberg, la plus grande mine d'or au monde et l'une des plus importantes mines de cuivre. Même s'il en a cédé la majorité, Freeport continue d'exploiter cette mine géante en Papouasie. "Un désastre écologique en forme d’énorme cratère de plusieurs kilomètres de circonférence sur des centaines de mètres de profondeur", rappelle le journaliste américain Bill Carter dans son enquête sur l'histoire du cuivre, "le métal qui gouverne le monde." Une stratégie nickel contestée
"Ce ne sont pas des conditions favorables à l'investissement", souligne Sabrin Chowdhury, analyste spécialiste des matières premières chez Fitch Solutions à Singapour, commentant la dernière mesure de l’Indonésie sur le nickel. "Beaucoup de sociétés minières sont déjà parties". Passer de l'exportation de matières premières à celle de produits à valeur ajoutée devrait néanmoins aider à redresser la balance commerciale de l'Indonésie. Le pays voudrait aussi attirer les investissements de constructeurs de véhicules électriques, comme Toyota, Hyundai, mais aussi Volvo et Renault, selon les médias. Conséquence immédiate en tout cas, le bond des prix du nickel profite aux sociétés minières qui voient leurs revenus augmenter. Mais, si l'interdiction des exportations de nickel pourrait dynamiser in fine l'économie indonésienne alors que le président Joko Widodo entame un second mandat, elle pourrait aussi chasser les investisseurs des industries les plus consommatrices de capitaux. "Précisément, ceux que l'Indonésie s'efforce d'attirer", souligne M. Sullivan. Rien n'est simple quand il s'agit du nickel, le "Métal du diable"...
Après l'euphorie, la prudence...
Des résultats plus mauvais que prévus pour les exportations de la Chine au mois d’août viennent compliquer les perspectives du marché des métaux de base. Cette contraction de l’économie chinoise a pour origine principale les tensions actuelles avec les Etats-Unis. "Les négociations commerciales prévues pour le mois d’octobre laissent peu de chance à un règlement du conflit entre les deux pays", indique Alastair Munro, analyste du nickel pour le négociant londonien Marex Spectron. Le climat de "guerre froide économique" entre chinois et américains ne favorise pas les échanges et le négoce des métaux industriels. La Conférence Asian Nickel 2019 se réunit à Jakarta les 11 et 12 septembre.