Elle a eu toute la nuit pour ressasser la scène. "Il y a des images, comme celle de ce pistolet pointé sur moi, que je n’arrive pas à enlever de mon esprit", témoigne Sandrine. Ce matin, dès 5h30, elle était de retour dans son commerce de la route du Mont-Mou (Païta), Les Verts Coteaux, "parce que la vie continue et qu’il faut bien faire tourner la boutique". Mais, de son propre aveu, "il y avait plus de crainte, de peur, j’étais davantage à l'affût quand un client passait la porte du magasin".
La veille, mercredi donc, Sandrine a vécu la hantise de tout commerçant : un braquage. Vers 19h15, alors que cette épicerie de quartier, créée par ses parents il y a 24 ans, s’apprêtait à fermer, un homme a passé le pas de la porte avec une arme à la main. Seule Sandrine se trouve à l’intérieur de l’établissement.
Elle est au téléphone et ne voit pas arriver celui qui, quelques secondes plus tard, va se retrouver nez à nez avec elle, en la menaçant avec un pistolet. "Il était en face de moi, à même pas un mètre. Ça paraissait irréel, comme à la télévision. Il m’a demandé d’ouvrir la caisse et son pistolet était dirigé vers mon cœur", raconte-t-elle.
"Il a appuyé sur la gâchette"
En face d’elle, le braqueur a le visage masqué "par un tissu blanc", une capuche sur la tête, et des gants. "Il était totalement camouflé, la totale. Il avait l’air calme, il avait une voix de gamin", décrit-elle encore.
Sandrine ne se laisse pas pour autant intimider par la scène et refuse de donner quoi que ce soit à son agresseur alors même qu’elle avait rangé la recette de la journée quelques instants plus tôt. Il ne restait plus que de la menue monnaie dans la caisse.
"Il avait toujours son arme pointée vers moi et il a alors appuyé sur la gâchette. J’ai entendu un ‘clic’. Mais rien ne s’est passé. Je n’ai pas réagi", relate la marchande, avec encore un peu d’émotion. Le malfrat finit alors par prendre la fuite "tranquillement". Alors qu’il vient de sortir du magasin, Sandrine entend "une détonation et je vois comme un halo de lumière dehors. Si je pensais que le pistolet pouvait être factice, j’ai compris que c’était du sérieux. Je me suis tout de suite enfermée et j’ai appelé mon mari et la gendarmerie".
Une enquête a été ouverte par le parquet de Nouméa, et les gendarmes de la compagnie de Nouméa ainsi que ceux de la Section de recherches se sont aussitôt mis en quête de retrouver le braqueur. Les techniciens en identification criminelle (TIC) de la cellule d'identification criminelle de Nouméa se sont dépêchés sur place pour exploiter d’éventuels indices laissés par le suspect. "Même le maire de Païta, Willy Gatuhau, est venu me voir juste après les faits pour m’apporter son soutien", souligne la commerçante.
Une peine de 20 ans de réclusion criminelle encourue
Ce braquage intervient moins d’un mois après un vol à main armée à la station-service Mobil de Pont-des-Français au cours duquel deux individus, cagoulés et armés d’une arme longue et d’une hache, avaient menacé des employés pour se faire remettre le fond de caisse et des cigarettes.
"C’est de pire en pire, affirme la sœur de Sandrine, elle aussi salariée du magasin Les Verts Coteaux. C’est la première fois qu’il se passe quelque chose comme ça, c’est un choc. Ma famille n’a pas donné 24 ans de sa vie à travailler pour être ensuite braquée."
Sandrine parle d’un "quartier calme", de "jeunes respectueux. Maintenant, on a peur d’être victime à nouveau. Si ça s’est passé une fois, ça peut se reproduire demain". Les gérants s’interrogent sur la possibilité de sécuriser davantage l’épicerie – il y a déjà des caméras de vidéosurveillance – "mais ça a un coût. Il faut y réfléchir. Je ne pense pas qu’on pourra payer un vigile, on demandera peut-être à nos maris de rester avec nous le soir, à la fermeture", détaille la sœur.
Ce jeudi matin, le magasin a ouvert aux horaires habituels, "il faut que j’arrive à passer outre. On m’a dit que le traumatisme survient souvent plus tard chez les victimes". Sandrine n’attend désormais qu’une chose, que le malfaiteur soit retrouvé et traduit devant la justice "pour éviter qu’il ne recommence". L’auteur présumé encourt la peine de vingt ans de réclusion criminelle.
Si personne n’a été blessé dans ce braquage, il laissera des traces chez sa victime de manière irrémédiable.