Un ancien détenu ouvre un club d’échecs à Thio

Warson Mapéri est originaire de Thio. À 31 ans, cet ancien prisonnier est de retour dans sa commune où il transmet sa passion pour les échecs à sa famille mais aussi aux plus jeunes.  
Warson Mapéri est ce que l’on pourrait appeler, un bon stratège. Le jeune homme n’a pas eu une vie comme les autres. Cet ancien détenu du Camp-Est a choisi les échecs comme deuxième vie après la prison. Aujourd’hui, son ambition, c’est de transmettre cette passion des pions à la nouvelle génération. Tous les vendredis midi, pendant une heure, celui que l’on surnomme « professeur Mapéri » enseigne les échecs aux jeunes de sa commune, au collège La Colline, à Thio. Les enfants ont entre onze et quatorze ans et maîtrisent déjà l’art des échecs. 

« Il nous montre comment jouer, comment bien mater. Je réfléchis avant de bouger les pièces, je ne bouge pas au hasard » explique Mirenka, élève au collège.
 

Les échecs : bien plus qu’un simple jeu 

Les échecs ont un effet positif sur ces collégiens. Pendant le cours, ils agissent en véritables stratèges.  « J’ai vu du changement par rapport aux élèves, avant ils étaient indisciplinés. J’ai vu que les enfants sont devenus autonomes, sérieux, ils ont appris à travailler dans le calme, à réfléchir avant d’agir. C’est un jeu mais pour moi c’est une façon de vivre » explique Warson Mapéri, le regard rempli de fierté. 

Le premier club de la côte Est a été créé en juin 2019. Soutenu par la ligue d’échecs de Nouvelle-Calédonie, le club a pu se développer et rencontre désormais un vrai succès auprès de toute la population de Thio. « Warson est un très bon pédagogue. Même les professeurs ont suivi, ils ont appris avec lui. Avec les élèves, c’est un vrai moment d'échange et de partage » explique Gilles Tholard, le principal du collège. 
 

Un rituel familial


Warson Mapéri vit à la tribu d’Ouroué, avec sa femme et ses enfants. Même lorsqu’il n’enseigne pas au collège, son quotidien est toujours rythmé par ce jeu de stratégie. Dans la case familiale, il a su instaurer une tradition. Chaque jour, il y installe un échiquier et joue avec ses proches. Un rituel quotidien qui lui permet de partager des moments précieux, notamment avec son fils et sa petite soeur. « J’aime bien jouer aux échecs, c’est calme, il n’y a pas de bruit : c’est comme les mathématiques » indique Axel Mapéri, le fils de Warson. 


Retour aux sources


En 2012, ce père de famille revient parmi les siens après avoir passé quatre ans au Camp-Est. Une période difficile au cours de laquelle il découvre les échecs. Pour lui, le jeu est une échappatoire indispensable.
« C’est l’enfer là-bas, ce n’est pas la vie en rose. Tous les jours on pleure, même moi j’ai pleuré. C’est dur de subir ces conditions » explique un Warson très ému. « J’ai la chance de sortir, c’est ce qui me permet aujourd’hui de voir la liberté dans sa juste valeur, de ne pas foutre en l’air ce qui est à moi »

Warson Mapéri consacre aujourd’hui son temps libre à enseigner les échecs en tribu et à profiter de cette liberté qu’il a tant souhaitée. 

Le reportage de Lizzie Carboni et Claude Lindor. 
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