Elle a assez fait de ronds dans le bassin à ciel ouvert de l’aquarium. Ce mercredi 7 juillet, l’une des trois tortues qui s’y laissent admirer par des milliers de visiteurs s’apprête à prendre le large.
Mais pas depuis l’Anse-Vata ou la Baie-des-Citrons. Non, ce beau "petit" spécimen de Chelonia mydas sera relâché sur la côte Est, à Thio. C'est là-bas qu'elle a été capturée, avant d'être offerte à l'aquarium par les coutumiers, en août 2014.
Appareil de levage
"Elle vient de la région de Thio, de l'aire Xârâcùù. Elle nous a été offerte à l'époque pour l'inauguration du bassin des tortues, avec cinq autres tortues", détaille Sylvain Govan, responsable du service aquariologie, et transporteur de tortue pour l'occasion ! En huit ans, la protégée de l'aquarium a pris ses aises. De 17 kilos pour 53 cm, elle est passée à 106 kilos et 93 cm, à l'âge adulte. "Donc on a décidé de la relâcher dans le milieu d'où elle provenait."
Comme l'animal pèse son poids, il faut un appareil de levage, trois agents, un directeur et un bénévole pour le sortir de la cuve où il patiente et le déposer à l'arrière d'une camionnette. Mais de façon à le sécuriser et le garder humidifié tout le trajet. Direction, Bota-Mere, sur la côte Est, environ 120 km plus loin.
Tout un public
Pendant que la tortue affronte les virages de la route dans le col de Nassirah, des habitants de Tchô se regroupent sur la plage très ventée. D'où on voit passer des tortues chaque matin, signale une mère de famille. Puis près de 150 écoliers affluent : environ 110, en bleu, viennent du groupe scolaire de Thio, et une quarantaine d'autres, en vert, arrivent de l'école catholique de la Mission. "Nous avons été contactés par l'aquarium via la province pour nous inviter à cette événement", relate Jacqueline Maperi, directrice du groupe scolaire de Thio. "Les enseignants se sont automatiquement inscrits sur cette sortie parce qu'ils sensibilisent les enfants depuis des années à la protection des animaux du lagon et de la tortue en particulier."
Pédagogie au bord de mer
La star du jour fait son entrée, séquence pédagogie au bord de mer. Les élèves forment un cercle attentif et admiratif autour de leur invitée de marque, plutôt placide. Et ils écoutent les représentants de l'aquarium livrer quelques clés à son sujet. Combien il y a d'espèces de tortues en Calédonie (trois principalement). Ou pourquoi on appelle ça une tortue verte (parce que c'est la couleur de sa graisse, pour cause de régime alimentaire à base d'algues).
Incertitudes
"Les tortues vertes en Nouvelle-Calédonie arrivent après être nées quelque part, soit à l'Extrême-Nord soit en Australie", situe pour nous Jeff Dubosc, responsable adjoint du service aquariologie. "On ne sait pas vraiment où elles naissent. Mais on sait qu'elles viennent en Calédonie pour grandir. Elle est venue grandir à Thio, au final." Autre inconnue : "On n'est pas sûr que ce soit un mâle, ou une femelle, parce qu'elle est encore un petit peu trop jeune. On pense que c'est une femelle parce que normalement, les mâles, à cet âge-là, ont la queue qui a commencé à grandir un petit peu. Elle arrive plus ou moins à l'âge adulte. Elle va sûrement rester un petit peu autour de Thio, trouver une aire où s'alimenter et quand elle sera adulte, repartir là où elle est née."
"Caroline" le bec dans l'eau
Mâle ou femelle, notre reptile, jusque-là désigné par un numéro, répond désormais au doux nom de Caroline. Comme le petit personnage espiègle de la BD Boule et Bill. Allez, il est temps de libérer l'objet de toutes les attentions. Le public lui offre une haie d'honneur tandis qu'elle est posée sur le sable. "Caroline" se met alors à se hisser vers la mer... à un rythme de tortue. Très doucement mais ça tombe bien, petits et grands n'en perdent pas une miette ni un pixel. Elle ouvre le bec, et à la faveur du ressac, la voilà dans son élément, puis disparue à l'horizon. La petite Heïdi le dit, elle n'avait jamais vu de tortue et la voir retrouver la mer l'a rendue "heureuse". A bientôt peut-être ! "Caroline" est baguée, ce qui permettra de suivre ses nouvelles aventures.
Voyez les images de Françoise Tromeur commentées par William Kromwell :