Quel avenir pour le nickel calédonien ?

Chargement de ferronickel calédonien SLN 25 dans l'usine sidérurgique de Charleroi en Belgique.
Le projet de loi du pays visant à modifier le Code minier rencontre une farouche opposition dans le camp indépendantiste. Le Palika et l’Union Calédonienne sont formellement contre l’export de minerai qui, selon eux, a pour effet de dilapider les richesses du pays. 
Le Code minier remontre à avril 2009. Ce texte, adopté par le Congrès pour sa partie législative et par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pour la partie réglementaire, était destiné à prolonger l’idée du schéma de mise en valeur des richesses minières du pays des années 2000. 
Il stipule que l’exportation de minerai de nickel est réservée exclusivement aux entreprises ayant des intérêts calédoniens. Autrement dit, l’usine coréenne co-détenue par la SMSP et l’aciériste Posco. 
En 2015, la doctrine nickel, affirmée par le président de la province Nord Paul Néaoutyine, voulait renforcer la notion de valorisation du minerai calédonien dans des usines métallurgiques, à majorité calédonienne, c’est-à-dire l’usine de Corée, et peut-être plus tard, une autre unité en Chine, en partenariat avec la SMSP. 
 

Les exportations en question

Aujourd’hui, l’exploitation du nickel est beaucoup moins rentable qu’il y a quinze ans et la SLN, comme Vale NC dans le Sud, souhaite exporter du minerai brut, en complément de la fabrication du métal. 
Le Palika, puis l’Union Calédonienne, ont dit fermement leur opposition à la modification du Code minier qui autoriserait l’export de minerai des réserves de Tiébaghi pour la SLN et du Grand Sud pour Vale NC. 
Les deux partis indépendantistes préconisent la valorisation du minerai dans les usines métallurgiques détenues en majorité par des intérêts calédoniens. 
Un nouveau bras-de-fer politique s’annonce donc avec l’Avenir en confiance, favorable à ce projet de loi du pays, porté par le gouvernement. Il se double d’une réflexion économique car les trois usines du pays perdent aujourd’hui de l’argent. L’exploitation de l’or vert fournit du travail mais ne génère plus de dividendes. D’où cette question : la métallurgie du nickel est-elle rentable en Nouvelle-Calédonie ? 

Un sujet abordé dans notre JT du soir avec Xavier Gravelat
©nouvellecaledonie

Plusieurs dizaines de milliards de pertes

Le directeur général de la société minière Georges Montagnat a confirmé que les trois usines calédoniennes « perd(ai)ent de l’argent ».  « On parle de dizaines de milliards (de francs). On est dans une situation structurellement complexe. »
Après quelques espoirs, l’an dernier, en raison du redressement des cours du LME, ceux-ci ont été « vite douchés », rappelle Xavier Gravelat, puisque dès le quatrième trimestre, les cours ont baissé pour se stabiliser à environ 12 000 dollars la tonne. Un seuil qui, compte tenu des coûts d’exploitation en Nouvelle-Calédonie qui « sont les plus élevés au monde », « ne permet pas à l’industrie de dégager des résultats positifs ».

Selon Xavier Gravelat, les freins à la compétitivité sont multiples : 
 
  • La main-d’oeuvre : « pour faire tourner une usine ou une mine (en Calédonie), il  faut plus de main-d’oeuvre qu’à la concurrence ». Et le directeur général de citer l’exemple de l’Indonésie, où l’on « travaille une fois et demie de plus » pour un salaire huit fois moins important qu'ici.
  • Les contraintes réglementaires : elles sont « totalement différentes » et « beaucoup plus fortes ici ». « C’est un bien mais c’est un fait », a-t-il déclaré. 
  • L’énergie : c’est l’un des autres freins à la compétitivité des usines, l’énergie en Nouvelle-Calédonie étant « quasiment la plus chère au monde ». 

« Plus d’un Calédonien sur cinq vit grâce au nickel »

A la question : la métallurgie du nickel est-elle rentable en Nouvelle-Calédonie ?, Xavier Gravelat répond par la négative. « Les résultats, ces dernières années, des usines en place le montrent ». Pour le directeur général de la société Georges Montagnat, la question est plutôt de savoir « ce que l’on peut faire pour que ces usines continuent d’exister » car « plus d’un Calédonien sur cinq vit grâce au nickel », selon les études menées par le Cerom. L’objectif est donc de viser la « rentabilité », « sans pour autant perdre les avantage acquis en niveau de salaire, ni renoncer aux exigences demandées », que ce soit du point de vue « de l’environnement ou des responsabilités sociétales, qui sont beaucoup plus élevées que chez nos concurrents ».

Améliorer la compétitivité

Pour Xavier Gravelat, cette rentabilité « ne peut passer que par l’amélioration de la compétitivité des entreprises ». Pour le secteur minier, il s’agit « de valoriser l’ensemble des produits manipulés dans une mine »
Concernant l’opposition des indépendantistes aux exportations de minerai, le directeur général n’a pas souhaité commenter sur le « plan politique ». En revanche, il a rappelé que « sur un plan minier, il y a des produits valorisables localement », et d’autres « qui ne le sont pas ».  Deux raisons à cela : « soit le procédé métallurgique ne le permet pas, soit les teneurs sont trop basses pour être transformées localement, de manière économique, compte tenu des coûts ».
Pour optimiser la gestion de la mine et baisser les coûts, « il faut donner une valeur à tous les produits que l’on va manipuler ». Dans le cas contraire, cela implique de « stocker des produits », « ce qui va coûter de l’argent et présente des risques environnementaux » du fait des « des risques d’effondrement » des verses. Selon Xavier Gravelat, le fait d’exploiter l’ensemble des minerais dans un gisement, permet en réalité « d’augmenter considérablement la durée de vie de la mine » mais « aussi les ressources »

La redevance minière toujours en attente

Sur la question de la redevance minière, « il n’y a pas d’opposition de la part de la profession ». Si sa mise en place n’est toujours pas effective, c’est -dit-il- parce que les textes votés, « n’ont pu aboutir pour des problèmes de droit »
Le directeur général estime cependant que « la mine en Calédonie est parmi les plus taxées au monde ». Une « réalité » peu visible selon lui car cette fiscalité est constituée « de tout un tas de petites taxes » et qu’elles sont difficilement perceptibles « par les populations qui vivent à côté des mines ». La profession est donc « favorable à la mise en place de la redevance », mais il faut « qu’il y ait un meilleur fléchage des produits de ces taxes vers les communes minières ».