La Cour des comptes a analysé vingt ans de soutien financier apporté par l’Etat aux entreprises de la filière nickel en Nouvelle-Calédonie. Elle s’interroge sur le risque pris, et sur la défiscalisation des investissements productifs. Les magistrats formulent trois recommandations.
Steeven Gnipate et F.T. •
Le document rendu public le 12 mai contient sept pages. Cela suffit pour dresser un tableau sans concession de l’usage des deniers publics au profit de la filière nickel. Dans une communication adressée au Premier ministre Edouard Philippe, la Cour des Comptes estime que la politique de soutien apportée par l’Etat depuis vingt ans n’est pascontrôlée.
Mêmes craintes au sujet de la SLN. La Société le Nickel doit rembourser le prêt de 24 milliards de francs consenti en urgence en juillet 2016. La Cour relève qu'il «n’est pas assorti de cautions ou d’engagements destinés à prémunir l’État contre un éventuel défaut de remboursement. Pourtant, l’emprunt n’a pas été contracté pour financer des investissements, dont les gains de productivité attendus dans le futur pourraient permettre de le rembourser, mais pour pallier la perte de valeur de l’entreprise liée à la chute des cours, à la concurrence internationale et à la stagnation de sa productivité.»
Les juges de la Cour se sont aussi penchés sur la question de la centrale électrique au gaz, à Doniambo. Un projet qui a bénéficié d’une garantie de l’Etat à hauteur de 38,4 milliards de francs. Ils pointent des problèmes de gouvernance et de gestion apparus dans Nouvelle-Calédonie Energie, la société créée pour assurer la maîtrise d’ouvrage. Des problèmes en partie résolus, notent-ils. En recommandant toutefois de clarifier les conditions du fonctionnement et du financement de cette centrale pays avant d’accorder une garantie de l’Etat.
Un mécanisme «complexe et coûteux»
«Au-delà de ces aides financières directes», poursuit le premier président de la Cour des comptes dans son référé, «l’État soutient également de façon diffuse l’ensemble de la filière du nickel». Et ce «par le biais du mécanisme de défiscalisation des investissements productifs en outre-mer, qui concerne les trois sites industriels ainsi que les sous-traitants et les indépendants qui concourent à leur fonctionnement ou exportent directement le minerai». Mais «le dispositif, complexe dans sa mise en œuvre administrative et coûteux pour les finances publiques, crée des rentes de situation et profite peu aux investisseurs finaux, tout en comportant des risques sérieux de fraudes».
#Recommandation n° 1
Clarifier les conditions du fonctionnement futur et du financement de la centrale «pays» avant d’accorder la garantie de l’État à sa construction.
#Recommandation n° 2
Compte tenu du départ annoncé par Vale de son site calédonien, s’assurer du remboursement du prêt accordé en 2016 à Vale Canada. Et subordonner l’octroi de la garantie de l’État relative au projet « Lucy » à la clarification de ses conditions de réalisation et de financement.
#Recommandation n° 3
Supprimer le dispositif de défiscalisation «Girardin» en faveur des investissements productifs (suppression déjà recommandée par la Cour dans son rapport public annuel de 2012) et le remplacer par des mécanismes de soutien accordés par les collectivités calédoniennes. Et, pour les projets les plus importants, par des aides financières de l’État ou de Bpifrance.