Alors que se profile l'élection du président de la Fédération française (FFR) ce samedi 3 décembre à Marcoussis, NC1ère fait le point sur la pratique de la discipline dans les territoires ultramarins, et interroge l'actuel patron du ballon ovale tricolore.
CONTEXTE DE L'ELECTION
+ 1664 clubs vont élire le président de la FFR au Centre National de Rugby de Marcoussis. Trois candidats sont en lice : l'actuel chef du ballon ovale français, Pierre Camou, l'ancien sélectionneur et secrétaire d'Etat chargé des sports, Bernard Laporte, ainsi qu'Alain Doucet, ancien n°2 de la fédération.LE RUGBY ULTRAMARIN EN CHIFFRES
+ En 2015-2016, on comptait 6645 licenciés, dont 702 féminines.+ Sur les trois dernières saisons, le nombre de licenciés est en augmentation dans la majorité des territoires:
Martinique (+35%), Guadeloupe (+28%), Wallis-et-Futuna (+18%), Nouvelle-Calédonie (+14,4%), Guyane (+9,3%). Seuls Mayotte et la Réunion affichent une baisse (-19 et -4%).
+ Le taux de féminisation des pratiquants est supérieur à celui de la métropole (6%).
La Nouvelle-Calédonie est juste au-dessus (7,21). Guadeloupe, Guyane, Martinique et Wallis-et-Futuna dépassent de leur côté les 10%.
+ L'aide financière globale de la FFR aux différents comités ultramarins est de l'ordre de 77 millions de francs CFP (655 000 euros) pour leur fonctionnement, leur plan d'action, et des aides à l'emploi.
LES STRUCTURES : PRESENT ET AVENIR
__________________________________________________________________________________REUNION ET GUADELOUPE
- Un Centre d'entraînement territorial (CET) des moins de 15 ans est en place.- La mise en place d'un pôle Outre-Mer est prévu en septembre 2017.
MAYOTTE
- Mise en place d'un CET sous la forme d'une section sportive en collège pour les -12 ans à -15 ans.
MARTINIQUE ET GUYANE
- Un CET est en cours de création.- Le pôle Outre-Mer devrait voir le jour en septembre 2018.
WALLIS ET FUTUNA
- Futuna profite d'une section sportive de la 6e à la 3e.- La FFR espère développer sur place des CET, et favoriser les écoles de rugby, la pratique scolaire, et le rugby à 5.
- A Wallis, l'idée est d'installer une section sportive (6e-3e), mais aussi un centre d'entraînement pour les lycéens. Un pôle Outre-Mer pourrait voir le jour en septembre 2019.
NOUVELLE-CALEDONIE
- Le CET est en place.- Le pôle espoir est annoncé pour février 2017.
- Le développement de la pratique est envisagé dans le Nord et les Îles et au travers des écoles de rugby et du rugby à 5.
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L'INTERVIEW DE PIERRE CAMOU, CANDIDAT A SA REELECTION A LA TETE DE LA FFR
NC1ere : Quelles sont vos perspectives dans le Pacifique ?Pierre Camou : "C'est dans cette région que le vivier a le plus de potentiel, et que l'environnement respire le plus ce sport. Cependant, si je prends l'exemple de Wallis, je ne suis pas sûr que le rugby soit la discipline n°1. C'est plutôt le volley-ball qui reste majeur. La Nouvelle-Calédonie de son côté est un potentiel. On le voit bien avec les internationaux garçons, et maintenant jeunes filles, qui rejoignent les équipes de France. Maintenant, il faut structurer le rugby là-bas. Et pour cela, il faut miser sur les hommes sur place. Il faut qu'ils aient envie de travailler ensemble. Nous, on va les accompagner dans leur projet. En Nouvelle-Calédonie, nous pensons depuis longtemps à des projets privés. Nous envisageons, au delà des CET, de faire un pôle espoir. Il permettra aux jeunes d'évoluer en Nouvelle-Calédonie, et pas seulement en métropole.
C'est à dire ?
Je ne veux pas qu'on soit dans l'exportation des jeunes. Le pôle doit servir la Nouvelle-Calédonie. le pays. Seuls les meilleurs, éventuellement, s'ils ont un vrai potentiel, pourront venir jouer en métropole. Je ne veux pas qu'on mente à la jeunesse en faisant miroiter monts et merveille dans les clubs pros. C'est l'échec qui m'inquiète. L'échec, il est avant tout humain, avant d'être sportif. Quand un jeune quitte un territoire, il se déracine. Je suis Basque, et je tiens à mes racines. Quand on enlève quelqu'un de son milieu familial, son environnement n'est pas le même en métropole. Le plus important, c'est de donner aux jeunes la possibilité de construire leur vie. Il faut avoir des pôles, des structures, mais ne pas faire croire à un rêve qui peut ne pas se réaliser.
Les pôles Outre-Mer sont-ils une solution crédible ?
Oui, nous travaillons avec l'éducation nationale sur différents projets. Nous les formalisons en prenant en considération les spécificités. Il faut mettre parfois l'accent sur le rugby à XV et à VII. Si je prends l'exemple de la Martinique et de la Guadeloupe, il y a d'exceptionnels athlètes, garçons et filles, qui arrivent d'autres sports. Il faut les amener à pratiquer le rugby, mais on ne peut pas avoir des équipes de XV de partout. Il faut donc imaginer des passerelles plus adaptées entre le VII et le XV pour passer, peut-être, de l'un à l'autre. Je dis "peut-être" parce que cela dépend du jugement des éducateurs sportifs.
Pour ce qui est de l'accès au haut-niveau, on constate qu'il ne se fait pas toujours en Outre-Mer. Des Antillais évoluent au sommet de l'échelle, comme Mathieu Bastareaud et Jonathan Danty, mais leur formation s'est déroulée en métropole. Que manque t'il à la Martinique et la Guadeloupe pour former eux-mêmes leurs futurs athlètes de haut-niveau ?
Je crois qu'il y'a d'abord le regard. Je doute que le rugby soit le sport majeur là-bas. C'est d'abord l'athlétisme qui donne naissance à des internationaux. S'encrer et créer une culture, cela prend beaucoup de temps. Et il faut surtout que cette culture soit pour tout le monde, et pas seulement pour quelques uns. Le rugby, c'est un sport de valeurs qu'il faut faire partager à l'autre. Nous avons cette différence par rapport à d'autres sports. C'est le collectif, le vivre ensemble, le dépassement de soi. Qu'on soit petit, grand, mince, plus costaud, tout le monde est important.
La Réunion a le plus fort taux de licenciés, mais ses effectifs diminuent. Comment enrayer cela ?
Le tassement est logique. Les hommes s'usent. Quand on arrive à un certain pic de pénétration, il y a toujours des tassements et il faut retrouver une flamme. Ce sont les gens du territoire qui ont la main. Ce n'est pas Paris qui décide. Ce sont les hommes qui construisent. C'est la qualité des hommes et leur passion qui feront la différence.
Un mot sur les encadrants. La plupart sont bénévoles, et en Outre-Mer, certains portent souvent de multiples casquettes (entraîneur, arbitre, éducateur). Comment la FFR peut les aider ?
C'est vrai qu'ils font souvent tout. L'une des choses que j'ai remarqué dans mes déplacements, c'est que souvent le rugby est développé par des gens venant de métropole. Ils restent un moment donné sur le territoire où ils sont détachés mais tous ne s'installent pas sur la durée. J'aimerais m'appuyer sur les gens qui sont nés et qui vivent sur leur territoire. C'est comme cela que l'on peut avoir de la pérénnité. Il faut déterminer les besoins des uns et des autres et accompagner. Chaque société est différente et il faut en tenir compte. On ne vit pas de la même manière en Alsace et en Corse. Chacun a son propre caractère, ses propres dominantes.
De manière plus générale, qu'est ce qu'implique la notion d'accompagnement des territoires ultramarins ?
Ce qui est intéressant c'est que depuis 2015 nous rentrons dans une démarche de contrats d'objectifs adaptés aux territoires et à leurs problématiques. En ce qui concerne les infrastructures, nous sommes en contacts avec les collectivités pour répondre à leurs besoins. Il faut convaincre que notre sport est important dans le développement de la cité.
Vos concurrents vous reprochent de ne pas redistribuer suffisamment d'argent aux clubs. Qu'est ce que vous leur répondez ?
On dira toujours que ce n'est pas assez suffisant. Moi je pense qu'on donne dans la possibilité de nos ressources. Et si on veut donner, il faut investir pour demain. Dans une campagne électorale, on peut tout promettre, même la lune. Si tant est qu'on y arrive. Je préfère utiliser un langage de vérité. J'essaye de faire avec les gens, avec les hommes, en bonne intelligence.