Dans les structures qui hébergent les personnes âgées dépendantes, la situation s'est corsée sur tous les plans en quelques jours. "La pharmacie de Ducos, qui était notre fournisseur, a été incendiée, explique Nicole Sanon, assistante de direction à la Palmeraie, à Païta. Je sais que beaucoup d'EHPAD sont impactés. Je suis surtout inquiète sur la suite, parce que tout a brûlé... On ne sait pas comment on va pouvoir les traiter correctement, sans médicament, parce qu'ils souffrent de pathologies qui peuvent être très lourdes."
À la Palmeraie, la quarantaine de résidents a été rejointe par deux nouveaux séniors, en provenance de la maison de retraite Gabriella. La structure, située à Dumbéa, a dû replacer dix anciens. Les six restants, les plus dépendants, sont toujours site. C'est le manque de bras qui a motivé ce déménagement : "nous étions en pénurie de personnel pour la nuit, et déjà la journée nous étions en sous-effectif, selon Audrey Tousch, infirmière. Du coup on a demandé de l'aide aux Ehpad alentours et aux familles. Ces dernières étant dans l'impossibilité de nous rejoindre, on a emmené des résidents avec nos véhicules personnels jusqu'à la Palmeraie et le Pavillon d'Eugénie [à Païta]."
Une seule tartine au petit-déjeuner
L'infirmière est seule à Gabriella. "On fonctionne en service minimum. J'ai une auxiliaire de vie sociale avec moi, qui est toute nouvelle, et qui me dépanne bien en cuisine. Merci aux collègues qui sont venus m'aider... C'est le cas de mon mari qui est infirmier, et m'a épaulée pour faire les toilettes." A la Palmeraie, "nous ne pouvons leur donner au petit-déjeuner qu'une tartine de pain. Un de nos résidents, qui est un grand mangeur, et d'habitude en mange cinq, l'a très bien compris", sourit Nicole Sanon.
On imagine même pas comment ça pourrait se passer, si effectivement on devait faire intervenir les urgences, dans une situation de fin de vie par exemple.
Nicole Sanon, assistante de direction à la Palmeraie
Le prestataire a pu livrer des repas pour tenir encore ce jeudi. "Nous avons anticipé la semaine dernière ainsi qu'en début de semaine en nous approvisionnant en denrées de base, et nous espérons pouvoir tenir cinq jours, huit jours si on gère bien. Mais même si la situation venait à se débloquer, l'avenir s'annonce très compliqué."
Rationnement depuis ce jeudi
À l'Ehpad de Tina-sur-mer, la situation est critique. Plus qu'ailleurs, selon Sarah Wady, la directrice. Un appel a été diffusé sur Facebook, pour être sûr de nourrir les 67 résidents. "Le fournisseur de notre prestataire de restauration a brûlé mardi. Mercredi, nous sommes allés à la recherche de nourriture. On a quasiment dévalisé les rayons d'une supérette, mais avec autant de personnes à nourrir, c'est pas des stocks énormes. Ils sont rationnés depuis aujourd'hui, et d'ici demain, je crains qu'on n'ait plus de nourriture."
Entre dix et quinze salariés se relaient, et avec eux des bénévoles. Le reste du personnel ne parvient pas à rejoindre la maison de retraite. "Les directeurs d'Ehpad ont reçu un mail leur demandant le nombre de résidents, et de salariés, pour que les militaires viennent livrer de la nourriture. Mais pour le moment, ils sont en priorité sur les services hospitaliers, et aucune date n'a été avancée."
On a des résidents avec un régime spécial. Certains ont des troubles de la déglutition, il leur faut de la nourriture mixée... Et il nous reste un paquet et demi de purée. J'ai appelé les pompiers qui ne peuvent rien faire, la Dass ne répond pas. Je vous avoue que là, on est face à un mur.
Sarah Wady, directrice de l'Ehpad de Tina-sur-mer
La route devient de plus en plus impraticable autour de Tina. Et "tout est fermé, il n'y a aucun endroit où se procurer des vivres. Notre pharmacie a brûlé, à Kaméré. Avec le médecin coordinateur on a dressé une liste des médicaments les plus urgents. Habituellement, le jeudi, on est livrés en piluliers... D'ici vendredi matin on n'aura plus aucun médicament", se désole Sarah Wady.