Le français Naval Group avait été sélectionné en 2016 par Canberra pour fournir 12 sous-marins à propulsion conventionnelle (non nucléaire) dérivés des futurs sous-marins nucléaires français Barracuda.
Le contrat des sous-marins avec la France est annulé
Le contrat avec Naval Group avait été signé en 2019. Cambera avait renégocié le partage de la valeur à 60% pour l’Australie et obtenu 2800 emplois à Adelaïde. Naval Group a tout fait pour sauver ce marché en adaptant même ses sous-marins avec de l’armement américain. Canberra à annulé dans la nuit la commande de plus de 56 milliards d'euros passée à l'Hexagone.
Offensive américaine
Dans les coulisses, et alors qu’elle venait de faire échouer le contrat du Rafale avec la Suisse amenant le choix en faveur du F 35, l’administration Biden préparait avec la Grande Bretagne et l’Australie un pacte nommé AUKUS sur fond de tension avec la Chine dans la région indo pacifique. Et dès juin dernier, l'Australie laissait entendre qu'elle pourrait avoir un "plan B" pour ses futurs sous-marins.
Jeudi matin, la presse française évoque un "torpillage" du contrat par l'Australie et "l'ami américain", comme l'appelait le Général de Gaulle.
L'Australie a fait un choix
Les Etats-Unis, qui cherchent à renforcer tous azimuts leurs alliances face à la Chine, ont annoncé mercredi avec l'Australie et le Royaume-Uni un vaste partenariat de sécurité dans la zone indo-pacifique, comprenant notamment la livraison de sous-marins à propulsion nucléaire à Canberra.
Conséquence immédiate de cette annonce spectaculaire: l'Australie a rompu le gigantesque contrat passé auprès de la France pour la livraison de sous-marins conventionnels, provoquant la colère de Paris.
"La première grande initiative de (ce nouveau pacte appelé) AUKUS sera de livrer une flotte de sous-marins à propulsion nucléaire à l'Australie", a dit le Premier ministre australien Scott Morrison, apparaissant en visioconférence, ainsi que son homologue britannique Boris Johnson, lors d'un événement présidé par Joe Biden à la Maison Blanche.
Une perte financière et un choc
La France, qui voit un contrat de 90 milliards de dollars australiens (56 milliards d'euros) échapper à son industrie navale, a aussitôt fustigé une "décision regrettable" et "contraire à la lettre et à l'esprit de la coopération qui prévalait entre la France et l'Australie", selon un communiqué conjoint des ministères de la Défense et des Affaires étrangères.
Et il n'est pas sûr que Paris se console avec les propos conciliants de Joe Biden, qui a assuré mercredi que les Etats-Unis voulaient "travailler étroitement avec la France" dans cette zone très stratégique. Paris "est un partenaire clé" des Etats-Unis, a-t-il encore dit.
Le retour de Londres
"Le Royaume-Uni, l'Australie et les Etats-Unis vont être liés encore plus étroitement, ce qui reflète le degré de confiance entre nous et la profondeur de notre amitié", a déclaré Boris Johnson, qui engrange là un succès diplomatique certain dans sa stratégie pour éviter l'isolement international après le Brexit.
Sous-marins nucléaires américains pour l'Australie
"Sur la base de notre histoire commune de démocraties maritimes, nous nous engageons dans une ambition commune pour soutenir l'Australie dans l'acquisition de sous-marins à propulsion nucléaire", ont fait savoir les trois partenaires dans un communiqué commun, qui précise qu'il s'agit bien de propulsion, et non d'armement.
"Le seul pays avec lequel les Etats-Unis ont jamais partagé ce type de technologie de propulsion nucléaire est la Grande-Bretagne" à partir de 1958, avait indiqué plus tôt un haut responsable de la Maison Blanche. "C'est une décision fondamentale, fondamentale. Cela va lier l'Australie, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour des générations."
Selon ce haut responsable, le pacte "AUKUS" prévoit aussi une collaboration des trois pays en matière de cyber défense, d'intelligence artificielle et de technologies quantiques.
La Nouvelle-Zélande, qui interdit ses eaux à tout navire à propulsion nucléaire depuis 1985, a annoncé que les futurs sous-marins de son voisin et allié australien ne seraient pas les bienvenus chez elle.
La Chine n'a pas été mentionnée dans le communiqué conjoint des dirigeants australien, américain et britannique, qui évoque la "paix et la stabilité dans la région Indo-Pacifique".
Mais il ne fait aucun doute que la nouvelle alliance vise d'abord à faire face aux ambitions régionales de Pékin.
Joe Biden répète depuis son élection qu'il entend se confronter à la Chine, comme son prédécesseur Donald Trump, mais de manière très différente, sans s'enfermer dans un face-à-face.
Mercredi, il a ainsi dit vouloir "investir dans notre plus grande source de force, nos alliances" et vouloir "les mettre à jour pour mieux faire face aux menaces d'aujourd'hui et de demain".
Le président américain réunit d'ailleurs le 24 septembre à Washington les Premiers ministres australien, indien et japonais pour relancer un format diplomatique, le "Quad", qui végétait depuis plusieurs années.
Quant à M. Morrisson, il a affirmé jeudi, après l'annonce du pacte Aukus, qu'il lançait une "invitation ouverte" au dialogue au président chinois Xi Jinping.
Mais l'annonce de mercredi, malgré les précautions de langage de Joe Biden, risque bel et bien de jeter un coup de froid sur une autre alliance, avec la France, puisqu'elle a torpillé ce qui était parfois qualifié de "contrat du siècle" pour l'industrie de défense française.
D'un montant de 50 milliards de dollars australiens (31 milliards d'euros) à la signature, la valeur de ce contrat est estimée actuellement à 90 milliards de dollars australiens en raison de dépassement de coûts et d'effets de change.
"La décision que nous avons prise de ne pas continuer avec les sous-marins de classe Attack et de prendre un autre chemin n'est pas un changement d'avis, c'est un changement de besoin", a expliqué jeudi le Premier ministre australien.
Une grande déception et un choc
La décision de l'Australie de se doter de sous-marins à propulsion nucléaire en partenariat avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni constitue une "grande déception" pour Naval Group, a réagi mercredi l'industriel de défense français, qui voit un contrat de 50 milliards de dollars australiens (31 milliards d'euros) torpillé par cette annonce.
"Le Commonwealth d'Australie n'a pas souhaité engager la phase suivante du programme, ce qui est une grande déception pour Naval Group qui proposait à l'Australie un sous-marin conventionnel de supériorité régionale avec des performances exceptionnelles", a affirmé le groupe dans une déclaration transmise à l'AFP.