Le Spirit of Nouméa et ses deux pilotes calédoniens arrivent au terme d'une nouvelle aventure. Les six dernières années, Marc Perdu et Christian Tiriault ont survolé soixante pays avec leur ULM. Depuis le 20 octobre, ils poursuivent leur tour du monde à épisodes par la façade ouest de l'Afrique.
Les dernières nouvelles évoquent le Botswana, en Afrique australe. Eléphants, lion, hippopotame, singes… Sur la page Facebook dédiée à leurs aventures ulmistes, Marc Perdu et Christian Tiriault racontent leur observation des animaux dans le surprenant delta de l'Okavango. Une escale de plus au compteur des deux pilotes calédoniens et de leur célèbre Spirit of Nouméa.
Voilà plusieurs années que ce gynécologue et ce chef d'entreprise lancent à l'assaut du monde leur «P'tit cagou», surnom affectueux donné à l'appareil. En 2011, ils relevaient le défi de rallier Paris à Nouméa sur les traces du Biarritz. Avant d'enchaîner avec un Nouméa-Paris en deux mois l'année suivante, puis un tour de l'Australie en 2013, du Pacifique en 2014, de la Nouvelle-Zélande en 2015 et d'Europe l'an passé.
C'est au Maroc, à Fès, que le Spirit of Nouméa a touché le continent africain pour la première fois. Le cap a ensuite été mis sur l'archipel espagnol des Canaries et à l'issue de ce vol, le duo commentait déjà: «On peut imaginer comme ça devait être difficile de voler au temps de l'Aéropostale, avec des machines moins fiables, allant moins vite, cockpit ouvert et par des chaleurs écrasantes.»
Au fil de leur progression, les voyageurs ont rappellé qu'à Dakhla, ville du Sahara occidental, «de nombreux pilotes de l'Aéropostale firent escale, dont Jean Mermoz, Antoine de Saint-Exupéry ou encore Henri Guillaumet». Ou que «Saint-Ex» rédigea son recueil Terre des hommes à Nouadhibou, en Mauritanie.
Et quand l'ULM Dynamic WT9 s'est posé à Saint-Louis-du-Sénégal, les deux hommes exultaient. «Nous posons les roues sur la piste en poussant des cris de joie. La première étape du voyage, le mythique trajet de l'Aéropostale, est cochée, nous sommes heureux comme deux enfants, un rêve se réalise.»
Destination: Le Cap
Le Spirit a ensuite continué à longer la côte Ouest de l'Afrique. Au terme de multiples vols atteignant parfois huit heures, la destination sera Le Cap, en Afrique-du-Sud, où l'ultra-léger motorisé devrait se poser en fin de semaine.
Comme d'habitude, Christian Tiriault et Marc Perdu partagent leur périple à travers un carnet de bord numérique. Ces aventures prennent des dimensions aéronautiques, climatiques, administratives, mécaniques (fichu pilote automatique!) Mais aussi politiques, sociales, culturelles ou culinaires - on y croise un tajine de chameau et un ragoût de porc-épic, entre autres délices.
Leur récit ponctué de proverbes est suivi avec assiduité par des CM2 de l'école Paul-Boyer, à Nouméa. «Le matin, quand on arrive en classe, on "saute" sur l’ordi pour découvrir votre magnifique aventure !», s'enthousiasme l'enseignant, qui fait le relais entre les questions des élèves et les réponses des pilotes.
Leçon d'histoire-géo
Souvent, le carnet de voyage prend d'ailleurs l'allure d'une leçon d'histoire-géo. Exemple. «L'Afrique équatoriale est verdoyante et humide. Comme dans la cabine, la chaleur devient vite étouffante. La Guinée-Bissau comme la Guinée-Conakry sont très boisées, avec de nombreux rios de mer rentrant dans les terres. Conakry a été qualifiée de "château d'eau d'Afrique". Elle possède également le tiers des réserves mondiales de bauxite.»
En Guinée-Bissau, justement, le séjour a été marqué par les retrouvailles avec un vieil ami qui se trouve être une personnalité locale. «Naka est une figure de Bissau. Parti à dix-ans au Portugal pour rejoindre l'équipe d'athlétisme, il a préféré aller en France et faire carrière dans la musique. C'est le roi du goumbé, entre le zouk et les musiques traditionnelles guinéennes.»
Scandale au palais
Souvenir beaucoup moins festif à Dakar, la capitale du Sénégal: Marc Perdu et Christian Tiriault ont été convoqués et longuement entendus par l'aviation civile. «Le problème est très grave, nous avons survolé sans le savoir le palais présidentiel à Dakar. Nous expliquons le cheminement que nous avons pris, le survol de la ville et du terrain avec l'accord de la tour [de contrôle]. Mais le point E1 n'était pas celui que nous pensions et la baie qu'on nous avait indiquée n'était pas la bonne. Devant les faits, nous nous confondons en excuses.»
Le «P'tit cagou» a fait escale dans l'immense Abidjan alors que les festivités de l'Abissa débutaient en Côte d'Ivoire. Puis à Lomé, capitale du Togo, au moment où se déroulait un autre genre de regroupement. «De notre chambre, nous voyons de nombreux Togolais se réunir sur la double voie en face de l'hôtel et mettre de la musique. Nous attendons notre chauffeur et guide Emmanuel, mais en moins de trente minutes, 5000 personnes sont réunis devant notre hôtel. C'est une manifestation anti-gouvernementale.»
Les compte-rendus quasi quotidiens, avec plus de 2000 photos et une quarantaine de montages vidéo, n'en finissent pas de rappeler l'incroyable diversité des écosystèmes et des paysages.
Un exemple, lors du vol entre l'Angola et la Namibie. «Luanda, capitale de l'Angola, est très étendue. Nous survolons des dortoirs de béton. Les forêts équatoriales laissent place à une steppe aride. La côte est faite de falaises multicolores. Au loin, nous avons l'impression de rentrer dans une tempête de sable, eh bien non, c'est un désert de sable de plus de 400 km qui se jette dans la mer.» Alors que trois jours plus tôt, l'ULM remontait sur plus de cent kilomètres le fleuve Congo.
En un mois, les Calédoniens volants ont aussi croisé des stades de foot géant comme au Ghana, des plate-formes pétrolières comme au Nigéria, des bidonvilles, des salines, des chantiers pharaoniques pour percer des routes dans la forêt équatoriale, des cités classées à l'Unesco ou le volcan de Fogo au Cap-Vert.