Avec plus de 600 prisonniers pour 270 000 habitants, la Calédonie a un taux de détention deux fois plus important qu’en Métropole. A cela, il faut ajouter une centaine de détenus en attente de l’ouverture d’un second centre pénitentiaire à Koné, d’ici à la fin de l’année.
Or, pour l’heure, il n’existe aucune étude statistique qui permette d’expliquer les raisons pour lesquelles les condamnations sont supérieures sur le territoire. "L’une des hypothèses est celle du taux de résolution des enquêtes, qui est extrêmement important, par rapport à la Métropole ", avance le directeur du SPIP.
Ce ratio de 2,6 détenus pour 1 000 habitants en Calédonie est à peu près semblable en Polynésie, fait remarquer Lionel Lecomte.
Les détenus Kanak surprésentés au Camp-Est
Autre constat frappant : les Kanak représentent 99 % des prisonniers. Là encore, les explications sociologiques manquent cruellement. Le directeur du SPIP a donc contacté l’université de la Nouvelle-Calédonie, il y a quelques semaines, "pour pouvoir mener avec eux une "recherche action", afin de comprendre cette caractéristique, qui n’a pas de réponse à ce stade ».
Les chiffres étant " souvent sujet à interprétation, voire à polémique", le SPIP veut les analyser avec précaution. À noter qu’en Polynésie, où des similitudes existent avec le Caillou, la population carcérale est davantage à l’image du pays et de ses différentes composantes ethniques.
Des peines alternatives comme solution à la surpopulation
Le Camp-Est est régulièrement dénoncé pour sa surpopulation carcérale : aux alentours de 610 détenus pour 420 places, répartis dans 230 cellules, seulement. Parmi les solutions proposées pour éviter cette surpopulation, surtout pour les courtes peines, inférieures ou égales à un an : le recours aux peines alternatives. Près de 2 100 personnes en bénéficient en Calédonie. "Un ratio comparable aux territoires ultra-marins et à la Métropole, avec une augmentation très forte de ces peines (20%), ces six premiers mois".
Ces peines peuvent se prononcer en alternative aux poursuites, c’est-à-dire avant le jugement, comme un stage ou un travail non rémunéré. Cela peut être un sursis probatoire, à l’issue d’un procès. Elle peut aussi être prononcé en cours de détention, et s’appliquer sous forme de bracelet électronique, de semi-liberté ou de placement extérieur.
450 personnes effectuent un travail d’intérêt général
Dans le détail, près de 180 personnes sous actuellement placées sous la surveillance d’un bracelet électronique en Calédonie. Et 450 personnes effectuent actuellement un travail d’intérêt général, majoritairement dans des collectivités territoriales et des associations. "Là où nous pouvons encore développer le travail d’intérêt général, et c’est l’agence nationale du TIG qui s’en occupe, c’est sur la qualité du travail exécuté". Pour le moment, ces travaux d’intérêt général sont très peu développés en tribu.
Le travail carcéral pour lutter contre la récidive
Concernant les effets de ces peines sur le taux de récidive, la Calédonie manque également de chiffres. Mais des études internationales "ont montré qu'on pouvait diminuer de 30 à 40 % les risques de récidive". Plusieurs facteurs sont en jeu : "l’âge de la personne à sa première infraction, l’infraction en elle-même..." Et l'accès à un emploi en prison est déterminant. Alors qu’elle était encore ministre du travail, Elisabeth Borne avait déclaré qu’"un détenu qui travaille a(vait) deux fois moins de chance de récidiver".
Au Camp-Est, les détenus peuvent travailler exclusivement pour des missions rémunérées par l’administration pénitentiaire, telles que la confection et la distribution de repas ou encore le nettoyage des locaux. "À ce jour, il n’y a pas d’entreprises qui interviennent au sein de l’établissement (..) car il n’y a pas de zone qui permet de les accueillir ", regrette Lionel Lecomte.
Des rémunérations bien en deçà du salaire minimum
La donne devrait changer, avec la future prison de Koné, attendue d’ici la fin de l’année, puisque des locaux ont été prévus pour accueillir des entreprises au sein de l’établissement pénitentiaire. Il pourrait s'agir d’emplois dans l’embouteillage de jus de fruits et le conditionnement de crevettes.
Concernant les grilles de rémunération existantes :"elles vont de 300 à 500 euros (36 000 à 60 000 francs) par mois et par personne", précise Lionel Lecomte. Une loi a été votée à Paris, pour permettre aux détenus de bénéficier du salaire minimum horaire. "Elle sera mise en œuvre sur le territoire, je pense, lorsque les entreprises privées seront en capacité de venir dans les établissements."