Les procès pour agressions sexuelles sont récurrents, au tribunal de Nouméa. Des affaires dont il est essentiel de parler pour faire évoluer les esprits. Mardi, un chauffeur de 53 ans a été condamné pour de tels faits, commis en 2013 et 2015 sur une enfant et une adolescente de huit et quinze ans.
Malia Noukouan, avec F.T. •
Si la fillette de huit ans n’avait pas dénoncé ces actes, l’auteur n’aurait jamais été interpellé. Et l’agression sur l’adolescente de quinze ans aurait été classée sans suite, car le prévenu avait nié. Avant de reconnaître son geste déplacé devant le fait accompli, quatre ans plus tard, en 2017.
La confiance des parents
Mardi, les deux jeunes victimes étaient présentes au tribunal de Nouméa, aux côtés de l’association SOS violences sexuelles. Le prévenu, lui, est un transporteur âgé de 53 ans. Les parents lui faisaient confiance, et lui confiaient leurs enfants sans crainte. A la barre, il va reconnaître les faits reprochés, mais parfois rester dans le flou.
Huit mois de calvaire
Le «supplice» de la petite fille a duré huit mois, de février et septembre 2015. Le prévenu la récupérait le soir à Dumbéa, pour la ramener à Nouméa. L’homme, qui prétexte des problèmes de prostate l’obligeant à s’arrêter pour uriner, en profitait pour avoir un contact physique abusif avec sa victime.
Après avoir vu un reportage
«Elle savait que ce n’était pas bien, que tous les soirs ça allait recommencer. Ça pesait comme une chape de plomb au-dessus de sa tête mais à son âge, elle ne savait pas que c’était grave», a plaidé la partie civile en saluant son courage. C’est un peu par hasard, en regardant un reportage sur le sujet, que la petite s’est confiée à son père et qu’une enquête a été ouverte.
Jeune file endormie
L’homme avait eu des gestes déplacés sur l’adolescente deux ans plus tôt, en 2013, alors qu’il la ramenait à sa maison au Mont-Dore. Après une soirée arrosée, elle s’était endormie dans la navette et le transporteur en avait profité pour la caresser. Cette victime a révélé à l’audience qu’«il avait souvent des regards insistants sur les décolletés des filles».
«Ponctuel mais grave»
Elle, a d’abord gardé le secret par peur d’être pointée du doigt et traitée de menteuse. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé quand elle a révélé l’affaire. «C’est un fait ponctuel mais grave», a souligné le ministère public. «Grave pour le développement de cette jeune fille», ajoutait Me Laure Chatain, avocate de la partie civile.
La question du pourquoi
A la question de la présidente «Pourquoi avez-vous fait ça ?», le prévenu répond : «Je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête.» «Si, vous savez, rétorque-t-elle, parce que vous avez des pulsions que vous n’arrivez pas à retenir, c’est ce que vous avez dit à l’expert ! Et c’est important pour les victimes de vous entendre reconnaître les faits, de savoir qu’elles n’ont pas menti.»
Expertise
Elle renchérit : «L’expert dit aussi que vous ne faites pas forcément la différence entre une jeune fille formée et une gamine, que vous ne faites pas de différence dans l’âge. Vous êtes attiré par les enfants ?» «Non», dit-il. Le tribunal cherchant à évaluer les risques de récidive, et surtout si le prévenu a des tendances «pédophiles». Selon l’expert psychiatrique, le quinquagénaire est un narcissique, un dangereux pervers sexuel, avec un penchant pédophile.
«Vie compliquée»
Ce qu’a contesté la défense au vu des perquisitions : «Il y avait zéro élément permettant de dire que mon client est un pédophile et l’expert dit aussi qu’il n’y a pas de perversité structurelle.» La défense qui a mis en avant la personnalité du prévenu : «Il a une vie compliquée, avec un fils schizophrène qui devient parfois violent. Il est également le seul à ramener un revenu à la maison.»
«On s’en fout, de sa prostate !»
Pour le procureur, le mis en cause minimise. «Il parle d’accident mais jamais de gestes déplacés envers les deux victimes, il est constamment dans la nuance. A chaque fois qu’on lui parle de geste sexuel, il parle de sa prostate. Mais on s’en fout, de sa prostate !», va-t-il s’écrier. Il requiert quatre ans de prison dont deux mois de mise à l’épreuve, l’interdiction d’entrer en contact avec les victimes et d’exercer une activité de transport pendant dix ans, mais aussi l’inscription au Fijais, le fichier des auteurs d’infractions sexuelles.
Deux ans ferme
Des réquisitions suivies. Le tribunal a notamment condamné l’homme à quatre ans de prison dont deux ans de mise à l’épreuve, avec interdiction d’approcher les victimes et de faire du transport dix ans durant.