Une production conséquente qu’il faut écouler, et des marchés de proximité qui se multiplient. Les agriculteurs et producteurs tentent de poursuivre leur activité, trois mois après le début de la crise en Nouvelle-Calédonie. Comment sont-ils accompagnés ? Éléments de réponse avec Jean-Christophe Niautou, président de la Chambre d’agriculture et de la pêche. Il était l’invité du journal télévisé, ce vendredi.
NC la 1ere : Avec la disparition de nombreux magasins, la vente de proximité devient presque primordiale pour beaucoup d’agriculteurs ?
Jean-Christophe Niautou : Oui, parce qu’avec 20 000 m² de surfaces commerciales détruites dans le Grand Nouméa, c’est toute la distribution qui est bouleversée. Donc la Chambre d’agriculture et de la pêche a voulu très rapidement accompagner des initiatives privées, pour pouvoir améliorer le circuit de distribution, au plus proche des consommateurs. Sur Dumbéa, par exemple, ce sont les producteurs, dont des élus de la chambre, qui ont voulu au départ ouvrir le marché. Même chose sur Bourail, le marché de Ducos, ou encore sur le marché qui s’est créé au débarcadère du Mont-Dore sud.
Ce sont des initiatives que vous voulez multiplier ?
Ce sont des initiatives que l’on veut accompagner, parce que c’est une nécessité : donner aux producteurs la capacité de vendre plus proche de chez eux, à des consommateurs qui ont besoin de trouver de bons produits, là où ils habitent.
Vous alertiez, le mois dernier, sur le fait que certains producteurs ne parvenaient pas à écouler leur production. Est-ce que, depuis, il y a des améliorations ?
Oui, il y en a. Les quinze jours à trois semaines après le début de la crise, on a eu une grande problématique de logistique, avec la RT1 qui a été bloquée et qui nous a obligés à intervenir par voie maritime avec des barges, mises en place par la Chambre d’agriculture avec la province Sud, l’État, le gouvernement et l’agence rurale. Des barges, qui fonctionnent encore sur le Mont-Dore sud, puisque la route est toujours bloquée. Cela a permis d’acheminer des produits vers les producteurs : du carburant, des intrants et des aliments. Et dans le sens contraire, d’acheminer des produits vers Nouméa, où les consommateurs étaient en attente.
Ce sont des gens qui sont habitués à la résilience, aux changements climatiques notamment.
Jean-Christophe Niautou, président de la chambre d'agriculture et de la pêche en Nouvelle-Calédonie
Après trois mois de crise, est-ce que tous les agriculteurs sont encore en activité ?
Certains sont en difficulté, de manière assez importante. On a lancé une étude interne à la Chambre d’agriculture et de la pêche avec un panel de professionnels de toutes les filières. Il y a une certaine résilience, puisqu’aujourd’hui, 70 % d’entre eux nous disent qu’ils veulent continuer. C’est aussi ça, le secteur primaire de l’agriculture et de la pêche. Ce sont des gens qui sont habitués à la résilience, aux changements climatiques notamment.
Il y a tout de même trois agriculteurs sur dix qui arrêtent leur activité ?
Trois agriculteurs sur dix qui pensent devoir arrêter, pour des raisons de difficultés économiques essentiellement. Mais on a une vraie nécessité à produire local pour manger local et bien nourrir les Calédoniens, donc nous serons toujours au rendez-vous, sur la production.
Il existe des dispositifs de chômage dont ils peuvent bénéficier ?
Comme tout secteur d’activité, bien entendu. Mais l’idée c’est de produire et de ramener au plus proche des consommateurs, là où ils se trouvent. On aura deux marchés spéciaux au mois de septembre : le 7 à Bourail et le 14, celui de Ducos sera multiplié par deux, avec une centaine d’exposants.
Ces dernières années, vous prôniez l’autosuffisance alimentaire, qui représentait à peine à 20 % avant la crise. Si l’objectif était atteint pour certaines filières, est-ce que cette ambition n’est pas devenue utopique avec les événements ?
Les différents facteurs conjoncturels liés aux émeutes font que l’on doit modifier la stratégie de la Chambre aujourd’hui. Nous avions une stratégie orientée vers le développement des filières mais aujourd’hui, l’objectif c’est surtout de mettre en marché les produits et de bien nourrir les Calédoniens avec une production locale de qualité. Sur certaines filières, notamment la filière viande de porc par exemple on était à 100 % de couverture, la filière bovine était quant à elle à 60 % de couverture, mais là, on sait très bien que d’ici à la fin de l’année, on aura 1 000 tonnes de viande supplémentaire, qu’il va falloir mettre en marché.
Quid des prix ? Faut-il s’attendre à les voir flamber dans les prochains mois ?
Bien au contraire. Sur les productions végétales, on va rentrer en saison de pic de production. Donc avec une offre et une demande déréglées : 20 000 consommateurs en moins, c’est ce qu’on nous annonce d’ici la fin de l’année. On a aussi un pouvoir d’achat en berne, avec des consommateurs qui ont perdu leur emploi, donc on va avoir une équation difficile à résoudre entre une production encore présente et des consommateurs qui auront besoin de produits locaux. Mais on sera au rendez-vous, bien entendu.
Retrouvez l'interview complète de Jean-Christophe Niautou, interrogé par Valentin Deleforterie :