Un an de prison ferme pour l’ancien banquier reconverti en faussaire

Le prévenu était absent à son procès en appel.
La cour d'appel a rendu sa décision, ce mardi, à l'encontre d'un ancien chef d'agence d’une banque calédonienne, jugé pour abus de confiance et faux et usage de faux. Absent à son procès, le prévenu était accusé par un couple de lui avoir détourné plus d’une centaine de millions de francs. Il a écopé d’un an de prison ferme.

Ils pensaient avoir fait fortune avec leurs placements financiers, mais ce n’était que de la poudre aux yeux. Un couple de commerçants a été reconnu victime des agissements malhonnêtes d’un ancien chef d’agence d’une banque calédonienne, qui a pignon sur rue, par la cour d’appel de Nouméa. Il a été condamné, ce mardi 25 avril, à la peine d’un an de prison ferme.

Cette histoire à peine croyable, « et bien plus compliquée qu’elle n’y paraissait à l’origine », reconnaît l’avocat général Christian Pasta, prend forme en 2015 lorsque deux clients sollicitent leur établissement bancaire pour clôturer et liquider plusieurs assurance-vie, dont le montant est estimé à plus de 710 millions de francs.

Après des vérifications en interne, la banque leur répond qu’il n’y a aucune trace de leurs contrats, pensant même, au départ, qu’elle a affaire à des fraudeurs qui tentent de l'escroquer. Une plainte sera même déposée.

Mais ces anciens gérants d’une station-service, puis d’une casse automobile, ont de quoi prouver qu’ils sont de bonne foi car ils ont en leur possession une vingtaine d’attestations de placements financiers – et notamment via des bons au porteur anonyme – qui leur ont été remises en mains propres par leur conseiller bancaire.




Où est donc passé l’argent ?

Ils racontent ainsi qu’à partir de 1995, ils ont confié leurs économies - surtout de l’argent liquide - à cet ancien chef d’agence, à qui ils faisaient une entière confiance pour gérer leur patrimoine financier. Avec des taux d’intérêts qui frôlaient jusqu’à 8 % par an dans des placements boursiers, la promesse de gagner beaucoup d’argent l’a emporté sur le reste.

De la prudence, il en aurait pourtant fallu car ces documents se sont finalement avérés être de vulgaires faux. Sur les attestations, les numéros de contrats prétendument ouverts ne correspondaient à rien et les signatures des directeurs des banques étaient falsifiées.

L’argent investi par les époux, à savoir plus de 117 millions de francs, a littéralement disparu. Volatilisé. Mais où est-il passé ? Encore aujourd’hui, il est impossible de le savoir.

Devant la cour d’appel de Nouméa, à l’audience du 28 mars dernier, les commerçants ont maintenu ce qu’ils ont toujours déclaré depuis le début de la procédure : « nous n’avons pas touché un franc ». « Ils ont cru gagner 717 millions de francs avec les intérêts, avant de découvrir la supercherie en 2015. Ce banquier les a mis en confiance et il a su faire. Il a flairé le bon filon. Posez-vous la question : à qui profitent ces faux ? », accuse leur avocat Me Martin Calmet, critiquant « une procédure d’instruction calamiteuse".

Il n’y a eu aucune recherche patrimoniale et notamment sur les comptes de la femme du banquier.

Me Martin Calmet, avocat de la partie civile


Un manque de preuves 

En première instance, en février 2022, le tribunal avait condamné ce cadre de la banque à huit mois de prison avec sursis pour faux et usage de faux et l’avait relaxé pour le délit d’abus de confiance.

Car un problème demeure dans ce dossier : les preuves. « Ce qui est gênant, c’est que vous n’avez rien, affirme le président Philippe Dorcet en s’adressant aux commerçants. Aucun papier, aucun justificatif, aucune preuve… hormis des faux. » Le magistrat le répète, « c’est une question de preuves car quand on retire un bon au porteur, c’est anonyme. Nous avons des soupçons sur le banquier, oui, mais aucune certitude. On ne sait pas… On perd la trace de l’argent. L’hypothèse, aussi, que vous soyez complices avec le conseiller n’est pas non plus exclue ».

L’occasion justement pour l’avocat général de pointer du doigt « le système des bons anonymes".

Les banques, c’était la grande lessiveuse auparavant, et même encore aujourd’hui.

Christian Pasta, avocat général

Le président Dorcet parle lui aussi « d’une plateforme de blanchiment extraordinaire » que représentaient ces bons anonymes. « On retrouve des noms parmi les utilisateurs parfois bien connus, ça donne une image des pratiques sur le territoire. »


« Rien ne démontre qu’il a détourné un franc »

Des commentaires qui finissent par irriter Me Marie-Astrid Cazali : « je ne savais pas que c’était le procès de la banque ».
L’avocate de l’établissement préfère s’intéresser « à l’origine des fonds des époux ».

Ce n’est que de l’argent liquide qui a été placé. Ça sort d’où ?

Me Marie-Astrid Cazali, avocate de l’établissement bancaire

« En 2015, ils sont venus réclamer 717 millions de francs à la banque. Mais ont-ils déclaré les 600 millions de francs d’intérêts aux impôts pendant toutes ces années ? »

Quant au gestionnaire bancaire, il a plaidé la relaxe pour l’abus de confiance par la voix de Me Anne-Laure Dumons qui martèle que « rien ne démontre que (s)on client a détourné un franc ». « Ce délit ne tient pas », estime la défense. 

Un mois après l’audience, la cour d’appel a donc rendu son délibéré, ce 25 avril. L’ancien banquier a été reconnu coupable de faux et usage de faux et condamné à un an de prison ferme, qu’il purgera avec un bracelet électronique à la cheville.

Aujourd’hui âgé de 76 ans, le prévenu, qui vit en Métropole depuis de nombreuses années, devra en outre verser 3 millions de francs au titre du préjudice moral au couple de commerçants et 1,3 million de francs à la banque.

Les magistrats ont, en revanche, retenu la relaxe pour l’abus de confiance, au bénéfice du doute.