Une semaine sans cantine ni internat dans les établissements catholiques du Sud et des Loyauté

Scènes de déjeuner près d'établissements catholiques calédoniens, devant lesquels des banderoles comme celle-ci sont apparues.
Face aux difficultés financières de l’enseignement catholique en Nouvelle-Calédonie, premières conséquences pour les élèves et leurs familles, en province Sud et aux Loyauté. Cette semaine, l’hébergement en internat et la restauration scolaire ne sont pas assurés. Récits de galère.

Mardi 2 mai à Nouméa, du côté de l'Anse-Vata. Quand la cloche sonne, à 11h20 et 12h20, les lycéens de Blaise-Pascal et les collégiens de Cluny doivent quitter leur établissement respectif.

Aujourd’hui, on a fait comme d’habitude, on s’est installés sur les tables, et les surveillants sont venus nous dire qu’il fallait sortir. Que personne ne devait manger à l’intérieur du lycée. Que le stade était ouvert mais par exemple, on n’a pas de table, et ceux qui aiment faire leurs devoirs en même temps, c’est moins pratique pour eux.

Eléa, en terminale au lycée Blaise-Pascal

Les APE à la rescousse

Dès qu’elles ont appris la nouvelle, les associations de parents d’élèves se sont mobilisées et ont contacté la municipalité.

On a organisé un espace sécurisant pour les enfants, et qui puisse les rassurer. On a donc demandé la mise à disposition du complexe Pentecost pour offrir aux parents la possibilité de faire déjeuner leurs enfants dans un espace où ils ne sont pas proches des routes, pour éviter qu’ils aient à circuler aux abords et créer des nuisances.

Myriam Douepere, présidente de l’APE au collège Saint-Joseph-de-Cluny

Déjeuner sur le pouce au stade Pentecost, pour ces élèves de la DDEC.

Gamelle ou sandwich

Assis par terre, sur l’herbe ou sur des bancs, des groupes d’élèves déjeunent dans l’enceinte du stade. Ils sont parfois accompagnés de leurs parents. Comme ce papa qui a apporté une gamelle à son fils de quinze ans.

J’ai pris sur mon temps de déjeuner pour venir donner un coup de main. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi le problème n’a pas été résolu depuis tant d’années. Je ne suis pas d’accord que les institutions se rejettent la balle. Et que nos élèves sont pris en otages.

Georges Taconet, parent d’élève

Ces deux établissements privés comptent 1 200 demi-pensionnaires.

On s’est organisé, avec mon père. Le week-end, on a acheté de la nourriture. Pour à peu près toute la semaine. Le menu aujourd’hui, c’est un sandwich. Un bon sandwich ! Avec une pomme et des petits cookies.

Noham, en seconde au lycée Blaise-Pascal

Le reportage de Julie Straboni et Christian Favennec :

Solidarité

Gros casse-tête également à Bourail, par exemple. Une commune dotée de quatre établissements catholiques. Les parents des enfants inscrits à l’école Saint-Joseph ont dû eux aussi s’organiser, et faire jouer la solidarité.

J’ai récupéré le mien. J’ai d’autres enfants, d’amis, qui sont là. J’ai encore deux collégiens à récupérer. Tout est prêt dans la voiture et on va se trouver un petit coin tranquille, à l’ombre, pour manger.

Sarah Mercier, parent d’élève

C’est la galère, parce qu’il faut s’organiser avec les horaires de travail. Après, je comprends.

Anne Jezequel, parent d’élève

Très nombreux absents dans les lycées

Du côté des lycées, François d’Assise et Père-Guéneau, 80 % des élèves ne sont tout simplement pas allés en cours ce mardi. Il faut dire que la très grande majorité sont internes, sans avoir forcément de correspondants. Pour les présents, place au système D pour trouver de quoi manger. Certains ont préféré sauter le déjeuner.

D’habitude, je mange avec mes amies à la cantine. Vu qu’elles sont toutes internes, elles ne sont pas venues aujourd’hui. Je suis toute seule. Du coup, je n’ai pas très faim, je ne vais pas manger. Et la prochaine fois, j’essaierai de préparer un sandwich pour midi.

Michelle, en seconde à François d’Assise

En l'absence de cantine, certains se passent de repas.

Covoiturage et location de maison 

Orayna et ses camarades de classe, elles, ont trouvé une solution : du covoiturage pour sacheter un sandwich. Elles ont également décidé de louer à plusieurs une maisonnette, 40 000 francs pour quatre jours. 

Ça fait quand même une somme, pour nous trois. On va devoir payer ça, cette semaine, mais on ne peut pas se permettre ça sur le long terme.

Orayna Wadriako, lycéenne

On a eu beaucoup de chance de trouver un logement sur Bourail. On a pu continuer les cours. Mais je connais des personnes de Canala et de Koné qui n’ont pas pu venir, car il n’y avait pas d’internat ni de cantine.

Sarah Ouanema, lycéenne

Le reportage de Dave Waheo-Hnasson et Ismaël Waka-Ceou :

12 750 élèves scolarisés cette année

En tout, le privé catholique scolarise environ dix mille élèves dans le Sud, 1 800 dans le Nord et 750 aux Loyauté. La DDEC avait annoncé la couleur la semaine dernière : “Depuis 2018, malgré plusieurs alertes auprès des élus et institutions, l’enseignement catholique ne dispose toujours pas de la visibilité financière nécessaire pour assurer l’accueil des enfants dans des conditions identiques à celles présentes dans l’enseignement public. Pour 2023, à l’exception de la province Nord qui poursuit son accompagnement, les annonces budgétaires des autres collectivités ne permettent pas de garantir notre activité au-delà du mois d’août.” D’où cette action percutante : ne pas assurer la restauration scolaire ni l’hébergement des internes du 2 au 5 mai, dans le Sud et les îles. Pas de garderie scolaire non plus.

Un mercredi très politique

Les financements manquants pour le bon fonctionnement de ces établissements seront évoqués ce mercredi, à travers une série de rencontres avec les institutions : une délégation est attendue à 10 heures à l’hôtel de la province Sud et une, à celui de la province Nord. Autres rendez-vous calés : à 14 heures au haut-commissariat et à 15h30 au Congrès. Sont aussi évoquées des rencontres à la province îles et au gouvernement. Puis, “si aucune avancée n’est constatée”, une marche à Nouméa vendredi 12 mai, occasion pour laquelle tous les établissements catholiques seraient fermés.

Près d'1,3 milliard demandé

Selon la DDEC, un montant d’1,298 milliard est nécessaire pour finir l’année 2023, notamment afin de faire fonctionner ses cantines et résidences scolaires. La démarche a reçu le soutien de l’archevêque, qui préside le conseil d’administration de l’enseignement catholique. “J’espère qu’il sera clair pour tous qu’il ne s’agit plus, maintenant, d’obtenir seulement un dépannage partiel”, écrit monseigneur Michel Calvet depuis l’Europe, où il se trouve en déplacement jusqu’au 16 mai. “Les comptes ont été donnés et toutes les économies possibles ont été faites depuis trois ans. Un dépannage partiel ne ferait que perdurer une situation intenable.”