Entre 2008 et 2020, le nombre de personnes en longue maladie a augmenté de 54,2% en Calédonie. Le constat est sans appel, la population vieillit, le problème c’est que les médecins aussi : 45% des généralistes et spécialistes libéraux ont plus de 60 ans et prendront donc leur retraite dans les années à venir.
9 dispensaires sur 15 sans médecin en province Nord
Dans ces conditions, la profession voit l’avenir avec inquiétude, d’autant que l’attractivité de la Nouvelle-Calédonie s’est beaucoup dégradée ces dernières années, conduisant à la désertification du Nord et des Îles. En province Nord, sur 15 centres médico-sociaux, seuls 6 ont actuellement un médecin. Avec des conséquences désastreuses sur les services d’urgence, selon Bruno Calandreau, le président de l’ordre des médecins : "Ça entraîne une surcharge des services d’urgence. Finalement on arrive à compenser grâce aux services d’urgence. Et donc effectivement les urgences compensent. Le 15 sert à faire de la régulation médicale en permanence alors qu’il ne devrait faire que de la régulation d’urgence et pas de la régulation médicale."
Infirmiers introuvables
La pénurie ne touche pas que les dispensaires. Les spécialités de dermatologie, ophtalmologie ou encore cardiologie sont particulièrement touchées.
A cela s’ajoute une pénurie de personnel paramédical, cadres de santé et infirmiers, aux conséquences parfois lourdes : à la clinique Kuindo-Magnin, 40 lits de médecine polyvalente et de chirurgie sont actuellement fermés faute de personnel. "J’ai actuellement 5 postes d’infirmiers à pourvoir en chirurgie. A ce jour, je n’ai aucune candidature", s’inquiète Joëlle Ballande, directrice des soins de la clinique.
Désaffection pour les professions médicales, limitation de l’accès aux études médicales par numerus clausus et crise Covid ont, en Calédonie comme ailleurs, créé une véritable crise du recrutement.
Insécurité
A cela s’ajoute pour les dispensaires de Brousse, une problématique bien connue : l’insécurité et l’isolement des médecins : "On ne peut pas dire que ça se calme de ce point de vue-là, regrette Bruno Calandreau, président de l’ordre des médecins. Et malheureusement c’est une des raisons pour lesquelles aussi il y a aussi peu de médecins dans certains dispensaires. Parce que les médecins avant de venir, ils se renseignent et quand ils voient que le médecin précédent s’est fait caillasser, qu’on lui a piqué son ordinateur, qu’ils ont été cambriolé plusieurs fois, hé bien évidemment, ils n’ont pas trop tendance à vouloir venir."
Solutions
Revalorisation des salaires, organisation d’un meilleur accueil, installation facilitée pour les libéraux : autant de pistes que les médecins aimeraient évoquer directement avec les autorités. Mais sans pour autant arriver à se faire entendre, assure Marie-Laure Gaudillier, médecin généraliste et présidente du Syndicat des médecins libéraux : "Nous n’avons pas été sollicités par nos gouvernances, par les politiques, par nos dirigeants puisque c’est eux qui prennent les décisions pour le territoire. Nous n’avons pas été sollicités pour réfléchir ensemble à des solutions pour la Calédonie."
De son côté, le gouvernement a activé une cellule de crise dédiée à ce problème de la pénurie de professionnels de santé. Il a également annoncé l’autorisation du recrutement de médecins étrangers francophones titulaires d’un diplôme européen pour une période de trois ans.