Violences intrafamiliales, accompagnement et reconstruction psychologique : Grégoire Thibouville, psychologue, invité de la matinale

Grégoire Thibouville, psychologue, était l'invité de la matinale.
La Nouvelle-Calédonie détient le taux record de violences intrafamiliales à l'échelle nationale, qu'elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles. Quels sont les facteurs déterminants ? Quel accompagnement psychologique pour les victimes ? Grégoire Thibouville, psychologue, y répond. Il était l’invité de la matinale le mardi 6 septembre.

En Nouvelle-Calédonie, les violences intrafamiliales ont augmenté de 12,6% en 2021. Reconnues comme un véritable fléau social, elles font chaque année plusieurs victimes et gangrènent la société calédonienne. "C’est un problème de santé publique qui touche tout le monde", indique Grégoire Thibouville, "dans une Calédonie encore très patriarcale avec des normes de genre très inégalitaires qui s’appuient sur un héritage métropolitain où les évolutions sociétales sont très lentes". Pour le psychologue, l’autre facteur déterminant concerne le mariage "à la fois républicain mais aussi religieux qui a une certaine emprise sur la femme donnant une dynamique plutôt épouse et mère que femme et qui peut être renforcé par le mariage coutumier".

Des violences intrafamiliales cinq à six fois plus élevées qu’en Métropole

Qu’elles soient verbales, physiques, psychologiques ou sexuelles, les formes de violences sont multiples et peuvent se cumuler. La loi protège les victimes et organise pour elles une écoute, une orientation et un accompagnement. "Nous psychologues, nous n’intervenons pas forcément dans l’immédiat. Il y a des priorités beaucoup plus importantes au démarrage puis une fois que tout cela est en cours, le travail du psychologue peut intervenir. Lorsque les victimes arrivent à franchir la porte du cabinet, il y a une peur qui est déjà partiellement résolue", explique le psychologue. Les enfants eux, sont des victimes collatérales lorsque la mère est victime de violence conjugale, "un enfant qui vit dans un foyer où il y a des violences conjugales est un enfant maltraité. Aujourd’hui, nous savons qu’il peut y avoir des souffrances fœtales. A mon sens, les premières victimes sont les enfants après les femmes".

Le traumatisme psychologique

Bien souvent, le traumatisme vécu par les victimes entraîne de véritables troubles psycho-traumatiques ayant des conséquences dramatiques sur la santé. "Lorsque l’on vit des traumatismes importants, on va avoir des mécanismes de défense pour pouvoir se préserver comme des fusibles. Les réactions peuvent alors être multiples selon les patients ou les victimes. Ce qui est important c’est de suivre leur rythme, de ne pas les violenter une deuxième fois dans le processus d’accompagnement, qu’il soit éducatif, social ou thérapeutique. C’est vraiment important qu’ils deviennent sujets d’eux-mêmes et non pas des objets comme ils ont pu l’être dans leurs foyers".

"Ce sont des accompagnements de haute couture"

S’agissant des violences sexuelles, les conséquences peuvent être dramatiques, "en fonction de la période, de la durée, de la répétition et de l’âge des victimes", explique Grégoire Thibouville. En Nouvelle-Calédonie, deux-tiers des viols sont commis au sein des familles et deux victimes sur trois sont mineures. "Ce sont des accompagnements de haute couture donc ça nécessite de la part des soignants et des équipes éducatives et sociales un ajustement pour chaque victime et l’on peut, lorsqu’on est bien coordonné, les aider à s’en sortir". Mais dans certains cas, malheureusement, ces violences conduisent au drame. 70% des suicides chez les jeunes font suite à des maltraitances infligées par des proches.

Un entretien à retrouver ici.