Obtenir une carte de séjour, un parcours du combattant pour les ressortissants étrangers en Guadeloupe

Carte de séjour, le chemin de croix pour les étrangers ©Rudy Rilcy - Guadeloupe La 1ère
Pour les ressortissants étrangers installés en Guadeloupe, candidats à la naturalisation, les délais pour obtenir un titre de séjour ne finissent pas de s’allonger. Pour qu’un dossier soit instruit, il faut compter parfois jusqu’à deux ans. Certains demandeurs enchaînent les renouvellements d’attestation provisoire ; jusqu’à plusieurs dizaines. Pourtant, selon l’administration préfectorale, un système simplifié a été mis en place, via Internet.

Mercredi 20 novembre 2024, devant la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre, une scène devenue habituelle : comme tous les jours ouvrés, très tôt le matin, une file d’attente s’est formée devant le bâtiment qui donne sur la place de la Victoire. Elle est composée de dizaines de ressortissants étrangers qui patientent dans l’espoir d’être reçus par les agents du service d’accueil dédié à l’instruction des demandes de titres de séjour. Certaines de ces personnes restent là plusieurs heures durant, parfois en vain.

Plusieurs mois d’attente et des vies en suspens

Richard n’obtient que des attestations provisoires. Ce ressortissant Cubain en est à son 24ème renouvellement. Il n’a jamais d’assurance d’obtenir son précieux sésame.

Là, aujourd’hui, je n’ai aucune réponse par rapport à ma situation. Comment c’est possible ? Je suis le recordman de France, avec le plus de cartes de séjour.

Richard Patrick, ressortissant cubain

Absence de rendez-vous, absence de retour après les dépôts de dossier... obtenir des informations, de la part de la sous-préfecture, est un combat.
Et cette situation déjà peu reluisante s’est aggravée, ces derniers mois, d’après Darline. Depuis 2019, son dossier est introuvable. Elle en est à son 7ème récépissé.

Pour le dernier récépissé que j’ai eu (j’ai été à la sous-préfecture en 2019), une dame m’a donné un rendez-vous, pour me dire que c’est impossible que j’aie autant de récépissés. La dame m’a dit de rentrer chez moi et qu’on va m’envoyer un courrier, pour que je revienne à la sous-préfecture. Depuis, je n’ai jamais eu de réponse.

Darline, ressortissante haïtienne

Aujourd’hui, pour qu’un dossier soit instruit, il faut plusieurs mois d’attente.
Pourtant, depuis 2019, un système simplifié a été mis en place, en ligne, pour endiguer ce phénomène de retards récurrents. Mais tous les demandeurs n'ont pas accès à Internet.

On va sur Internet, mais ça peut prendre deux mois, trois mois... et on n’arrive pas à obtenir un rendez-vous. Moi, j’ai obtenu un rendez-vous, parce que je connais quelqu’un en métropole ; il m’a pris le rendez-vous en métropole. Sinon, je n’aurais pas pu entrer.

Jacqueline Cabrera, ressortissante dominicaine

Jacqueline est de nationalité Dominicaine. Elle vit et travaille en Guadeloupe depuis 33 ans. Cette femme attend le renouvellement de son titre de séjour depuis six mois, mais elle n’obtient aucune information sur son dossier, ni en ligne, ni par téléphone. Elle pourrait perdre l’emploi qu’elle a décroché, hors de Guadeloupe, pour lequel un contrat est déjà signé.

Si je n’ai pas ma carte de séjour bien avant, je ne pourrai pas partir. C’est un contrat à durée indéterminé, un CDI. Donc, je ne sais pas...

Jacqueline Cabrera, ressortissante dominicaine

Un virage numérique précipité ?

La numérisation du système a-t-elle été trop anticipée ?

Des associations et entreprises proposent d’aiguiller ceux qui ne savent pas comment l’utiliser. Nous avons rencontré Judith, dans ce service.

On nous donne des conseils. Il y a certaines choses dont on n’est pas au courant, on ne sait pas. On nous dit quoi faire et on nous accompagne comme il faut.

Judith, ressortissante haïtienne

Au sein de ce point d’accompagnement numérique, on vient en aide aux usagers, lorsqu’ils éprouvent des difficultés ou quand ils ne disposent pas d’outil informatique.

On garde la notion de confidentialité, qui est très importante et on leur remet tout : leurs identifiant et mot de passe. On fait pour eux leurs démarches, ils sont tranquilles, apaisés. Mais après, le temps d’attente, par contre, est très long.

Maria-Lina Robert-Duhamel, secrétaire polyvalente centre administratif ALPLUS

En attendant, il est possible de saisir la Défenseure des droits et lancer une procédure en référé, devant le Tribunal administratif. Des préfectures ont déjà été condamnées à payer des astreintes, par jour de retard.

Faute de titre de séjour, les ressortissants étrangers sont privés d'une vie normale, d'un emploi déclaré et d'aller et venir sans risquer d'être interpellés.

REPORTAGE/
Rédacteur, reporteur d’images : Rudy Rilcy
Monteur : Thierry Gayadine
Mixeur : Sébastien Edouard