C’est une véritable menace pour les élevages de porcs dans toute la Caraïbe… La peste porcine africaine, qui avait disparu du continent américain depuis près de quarante ans, a été détectée il y a quelques semaines en République dominicaine. Les services vétérinaires de la zone redoutaient et surveillaient son retour depuis plusieurs années.
Le 28 juillet dernier, la République dominicaine a déclaré officiellement la présence du virus sur son territoire, avec des milliers de cas relevés alors dans onze des 32 provinces du territoire, principalement dans des élevages domestiques. Et selon les analyses des échantillons réalisées dans les laboratoires du département de l’Agriculture des Etats-Unis, il s’agit d’une souche particulièrement virulente.
Un virus qui voyage et qui mute
Apparue au début du 20ème siècle, la peste porcine africaine (qui ne se transmet pas à l'homme) a déjà fait plusieurs incursions hors de son continent d’origine, notamment au Portugal et en Espagne dans les années 60 ; sur l’île d’Hispaniola et Cuba au début des années 80. A partir de 2007, le virus a ressurgi hors d’Afrique (avec une nouvelle souche, le sérotype 2, plus violent), gagnant les Balkans, la Russie, puis la Chine en 2018, où il a décimé le cheptel du premier producteur mondial de porcs. Ces dernières années, plusieurs nouveaux pays d’Europe ont été contaminés : Pologne, Belgique, et l’est de l’Allemagne tout récemment.
100% de mortalité
Les porcs infectés présentent une forte fièvre, une perte d’appétit, des hémorragies cutanées et meurent en moins d’une semaine. Le taux de mortalité peut atteindre 100%, indique l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale). Car il n’existe aucun traitement, ni aucun vaccin contre la peste porcine africaine. Seule solution pour éradiquer la maladie : l’abattage massif des animaux. C’est ce qui avait été fait en 1982, en Haïti, mettant fin à la précédente épidémie, moins virulente.
Haïti aussi
Aujourd’hui, les abattages ont démarré en République dominicaine, pour tenter d’empêcher la propagation du virus à toute la Caraïbe et au reste du continent américain. Mais le pays compte au moins 2,2 millions de porcins, selon les chiffres officiels ; essentiellement des petits élevages familiaux.
Les réunions d’urgence se multiplient, notamment à travers CaribVet, le Réseau caribéen de santé animale, piloté par le CIRAD en Guadeloupe. Des experts doivent se rendre dans les deux pays composant Hispaniola. Car même si Port-au-Prince n’en a pas fait l’annonce officielle, il est fortement probable que le virus soit déjà présent aussi sur le sol haïtien.
Les voyageurs mis en garde
En Guadeloupe, les autorités mettent donc tout en œuvre pour contrer cette maladie porcine. Un plan d’action est mis en place actuellement par la préfecture. Il se décline pour l’heure en deux axes. Le premier est préventif, avec un renforcement des contrôles aux frontières, afin que le virus ne soit pas introduit sur notre territoire.
Car la maladie risque d’y entrer essentiellement par le biais d’aliments contaminés : des produits à base de viande de porc, souvent présents dans les bagages des voyageurs. Or, le virus de la peste porcine africaine est très résistant : il survit à la salaison, à la fumaison, et même à la congélation. Et quand les déchets de cuisine (le reste d’un sandwich au jambon par exemple…) sont utilisés pour nourrir les cochons, ceux-ci se retrouvent infectés et propagent le virus auprès de leurs congénères. Le message est donc le suivant : si vous revenez de Saint-Domingue ou de Port-au-Prince, ne rapportez aucune denrée alimentaire, en particulier d’origine animale, ce qui est d’ailleurs interdit.
Ne pas nourrir le cochon avec des restes de porc
Mais le virus, très contagieux, résiste aussi très bien dans l’environnement, et peut donc être véhiculé par des vêtements ou chaussures souillés. La Police aux frontières, les douanes, les compagnies aériennes et maritimes sont mises à contribution pour informer les passagers, avec comme support des affiches dans les aéroports et ports : « vigilance ; la peste porcine africaine est présente aux Antilles ! », peut-on lire désormais sur les affiches, en plus du message national émis par le ministère de l’Agriculture. Les autorités locales se sont également rapprochées des consulats dominicains et haïtiens pour qu’ils sensibilisent directement leurs communautés respectives en Guadeloupe. Mais le message préventif s’adresse également à tous les particuliers qui élèvent leur propre cochon : ne le nourrissez pas avec des restes de porc…
Les éleveurs alertés
Le 2ème axe du plan vise à détecter au plus vite le virus, s’il est introduit sur notre territoire. Il s’agit notamment d’apprendre aux éleveurs à reconnaître les symptômes de cette peste sur leur cheptel. Car ces derniers peuvent être confondus avec ceux de la peste porcine classique, moins grave. Le préfet de Guadeloupe a ainsi réuni mardi 17 août les professionnels de la filière porcine au sein du CROPSAV (le Conseil régional d’orientation des politiques sanitaires animales et végétales). D’autres réunions sont prévues...